On est pas un p’tit peuple, on est peut-être quequ’chose comme un Grand Peuple.

Au pays de Popa et Moman.

Tribune libre

Comment décrotter un troupeau de son trou du cul alors qu’il est assis le dimanche soir pour entendre – non pas écouter car il n’y a rien à écouter – cette grossièreté de masse que constitue Tout le monde « ne » parle. Les Québécois aiment trop leur sottise constitutionalisée pour oser se mettre en danger. Il n’y a qu’à lire les commentaires truffés de bêtises sur les sites internet pour constater la sous scolarisation de la masse québécoise. Ah certes, ils sont riches ces Québécois! S’ils habitent la banlieue, ils se vautrent dans leur spa couvert avec leur vin rouge et se prennent pour le nombril du monde. Ils ne sont pas même leur propre trou du cul et votent à droite. S’ils sont du Plateau (comme l’encéphalogramme qui montre bien le « plat » de leur activité intellectuelle), ils cultivent leur jardin de ville et compostent leurs opinions tout en se vautrant dans la médisance des banlieusards. Ils votent à gauche mais ne connaissent rien du monde. Ils aiment la bonne bouffe et consomment « responsable » ou « équitable ». On leur dit d’acheter du café bio? Ils obtempèrent. Qu’ils soient de la ville ou de la banlieue, ils s’écrasent tous à la même heure, celle où tout le monde bavarde!
Évoquer le bon père de famille – le gouvernement – pour redresser les torts et juger les litiges illustre la lâcheté existentielle du Québécois.
N’ont-il pas adoré Popa et Moman? N’ont-ils pas aimé jusqu’au massacre cette drôlerie iconoclaste qui consistait à se nier à gorge déployée? Le Québécois est passé maître dans l’art de se nier lui-même. Incapable de s’exprimer sans faire ressurgir l’inculture dont il est si fier et se gausse, il emprunte à tout et chacun une identité qu’il n’a pas pour la jeter à la face de son miroir!
Le Québécois n’est ni heureux ou malheureux. Il flotte dans les limbes hégéliennes de la dialectique. Sa culture populaire l’indispose et ses grands auteurs sont marginalisés – sondez les Québécois sur la poésie de Gaston Miron qui est mort en vain pour élever l’esprit d’un peuple vers la liberté de penser et de parler et vous constaterez que les poètes meurent inutilement pour des imbéciles – au profit d’une dinde internationale. Parler le Québécois, c’est mâcher son âme et imiter le gros rat américain.
Pourtant, les souris – des souris et des hommes – sont fines, menues, intelligentes. Elles pourraient entraîner le gros rat américain dans le dédale du labyrinthe qui l’a laissé inintelligent et ravageur.
Il m’est impossible de décrire l’immense dégoût de côtoyer le Québécois moyen, repus et suffisant. Mais quand on voyage, on s’aperçoit que la suffisance est universelle. Les cons sont les maîtres du monde! Qu’ils soient riches ou pauvres, issus de l’élite ou du peuple, une seule constante demeure. La connerie s’exporte, comme la peste et n’épargne aucune classe sociale.
Quand on évoque la liberté de penser, on doit d’abord s’affranchir de ses propres opinions, de ses propres valeurs, des croyances qu’on nous a enfoncées dans le crâne, à coups de conditionnement. On doit se débarrasser de tout, de sa vie, de son bonheur, de ses idées, ses rêves, ses amours, ses désirs. On doit même jeter à la mer ses chagrins. Quand plus rien ne subsiste, on peut alors – je dis bien « on » – s’essayer à exister. Lourde tâche à laquelle le Québécois ne peut s’atteler. Car il n’est que le fruit de la pensée du colonisé, le fruit de la Conquête. Le fruit de la modernité.
Et pourtant. Le Québécois est-il un peuple du vingt-et-unième siècle? Je le pense. Mais pour qu’il prenne conscience de sa force comme de sa fragilité, il devra souffrir ce que les grands peuples ont souffert. Et pour l’instant, bien installé dans son spa de banlieue, son iPhone à l’oreille, cultivant son jardin de ville ou encore grattant sa guitare en gueulant « qu’sa blonde l’a laissé », il n’a qu’une « idée » en tête, voter à gauche, voter à droite, puis se rendormir jusqu’à ce que l’Histoire rêve de lui faute d’avoir réellement existé.
Je suis – Québécois – peut-être un rêve, mais le Pays du Québec sera une réalité. Ces jeunes « Enfants Roi » le construiront, on le leur a assez dit qu’ils étaient les plus beaux, les plus grands. Comment les spolier de leurs rêves?
« On est pas un p’tit peuple, on est peut-être quequ’chose comme un Grand Peuple. »
René Lévesque


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1 commentaire

  • Henri Marineau Répondre

    24 mai 2012

    « On est pas un p’tit peuple, on est peut-être quequ’chose comme un Grand Peuple. » René Lévesque
    Traduction actualisée par Jean-Martin Aussant: "On est un grand peuple".