La hargne idéologique
3 juillet 2008
M. Poulin
J’ai beaucoup détesté l’ancien maire Drapeau. J’étais jeune et indépendantiste. Et malgré que j’aie travaillé à l’Expo 67, comme beaucoup d’autres étudiants de ma génération, malgré que plus tard, j’aie travaillé au chantier de construction du site olympique des Jeux de 76 (autre grand projet du maire Drapeau), il m’était toujours apparu comme le parfait vichyste canadien-français. Son discours-réponse au « Vive le Québec Libre » du grand général de Gaule en 67, m’était apparu---m’apparait encore--- comme nous « rapetissant ».Il y avait là comme un manque de grandeur, d’honneur. Et pourtant, alors même que le vieux Québec, à Montréal, ouvrait grand les bras au monde entier (et en cela il n’était pas replié !ni frileux ethniquement), dès 1967(les décisions de la tenue et de la mise en organisation de l’Expo 67 sont antérieures et n’ont rien à voir avec un nationalisme « québécois » alors très embryonnaire) le vieux nationalisme canadien-français se mélangeait là, aux alentours de 1967(je n’oublies pas Barbeau, Marcel Chaput ,bien d’autres)au nouveau nationalisme québécois. Déjà !
La popularité du maire Drapeau m’apparaissait alors comme une énigme. Mais, très franchement, le détester me suffisait : j’avais travaillé à l’Expo 67, et, alors, je travaillais au chantier du site olympique.1974-5. Je le voyais, quelque fois, le samedi matin surtout, venir faire son tour au chantier. Il était seul, silencieux, et semblait admiratif .Nous travaillions alors 7 jours par semaine. Non-stop. Je reconnaitrai maintenant qu’il ne devait pas travailler moins lui-même. Mais de bien plus longtemps encore !
C’est un vieux commerçant, de ma belle- famille, M. Paré (je tais le prénom) qui m’a indiqué à cette époque, une piste d’explication. Ça valait ce que ça valait. Je la soumets ici maintenant très modestement. Sous plein de réserves. Jeune, ce vieux commerçant avait été fasciste. Mais militant. Pas sympathisant. Une bibitte rare. Cela m’avait intéressé. Nous étions alors au milieu des années 70.Il racontait qu’il avait chahuté et cassé des gueules de « socialissss » à l’époque. Vous voyez le genre. Il avait été arrêté, mis sous surveillance, en détention soft, pendant la guerre 39-45. Petit dossier à la suite. Sur la devanture de son commerce, (à Montréal, coin Pie IX et Ste-Catherine) un petit écriteau : Vive la république de Montréal. Depuis lors maniaque de politique. Et, jusqu’à son décès, toujours à côté de la plaque !
Rien de si intéressant, ni facilement vérifiable, concernant M.Paré. Mais concernant Jean Drapeau, j’avais trouvé les commentaires de Paré intéressants.
Jean Drapeau, lui, avait puisé au vieux fond nationaliste canadien-français lorsque, jeune, il avait rendu service à d’innombrable gens modestes (avocat-conscription), qui lui en avaient gardé longtemps leur fidélité. Très longtemps. Drapeau avait été « terrain » montréalais. Ce fut ma clef concernant le maire. Ce peuple modeste que nous étions, n’était pas fasciste. Ne l’avait jamais été. Malgré ce que laissait entendre Trudeau à l’époque. Mais il était depuis longtemps fidèle en diable à Jean Drapeau ! Mais fidèle, tout simplement. Et, fidèle, il l’est encore et toujours ! Mais, maintenant, en 2008, ce peuple là est québécois. Ou plutôt, il cherche encore à l’être de plus en plus, québécois. Mais il n’est plus appuyé. Il les cherche ses appuis. Le plus souvent, ses partis politiques provinciaux se défilent, en promettant toutes sortes de mesures qui temporisent, qui le distraient de lui-même, et qui passent le plus souvent par les juges et les fonctionnaires. Quand ce n’est pas par des commissaires ! Mais y-a-t-il un seul peuple sur terre qui a jamais été libéré par des fonctionnaires ?
Il faut plaider, en effet, pour la politique. Radicalement. Pour une politique nationale qui soit radicale. Pas pour l’administration d’un peuple, ni sa prise en charge nationale, ni nationaleuse, ni B.S., qui ne serait qu’une autre forme d’assujettissement. Et surtout pas, surtout pas ! Pour une pastorale étapiste non plus…Çà, définitivement ! Mais une politique énergique, raffermie et morale, oui, morale, car, enfin, notre peuple si fidèle, malgré qu’il soit colonisé, et qu’il sache qu’il l’est, il n’en est pas moins intelligent. Il est accablé de mille et une choses, soit, de Gesca et tout le tralala, tant qu’on voudra, mais il n’est pas ignorant. Nous ne sommes pas ici au Québec dans le Tiers Monde ! A l’instant même, Vigile en témoigne !
Jean Drapeau a reçu naguère---simple maire--- toute la légitimité politique nécessaire, tout l’enthousiasme, à ses grands projets, en respectant cette intelligence du cœur. Et même si j’ai encore la même aversion à l’endroit de tous les collaborateurs démissionnaires que notre société peut produire, du moins je crois qu’il faut faire la part des choses souvent et en certaines occasions en particulier. Il le faut bien ! A plus forte raison, cela tombe sous le sens, et cela n’est pas du blabla, lorsqu’il s’agit d’anciens éminents acteurs de notre « famille » politique ! La hauteur et la grandeur commencent quelque part ! Parfois, à partir de bien petites choses ! Le contraire, ici, justement, qui consisterait à mélanger toujours les genres, politique et idéologie, AJOUTERAIT à l’accablement que nous dénonçons si promptement dans Vigile. Au minimum, Il en va de ce qu’on appelle le sens politique le plus élémentaire...et qui peut bien se passer de TOUJOURS être idéologique Il n’y a pas d’exclusive.
J’appréhende ce jour où les indépendantistes devront ou tout assumer, ou tout renier. J’espère que nous serons vainqueurs. Il le vaudrait mieux ! Nous le serons. Alors, après avoir… soupiré un peu, il faudra bien tout assumer : Paré, Drapeau et bien d’autres.
Les indépendantistes sont les plus fidèles, en effet.