Madame Hébert,

«Ceci dit, ici au Québec, depuis plus d’une décennie, nous sentons que le ministère de l’Éducation concocte des programmes abscons dans le but de plus en plus évident de créer des ignorants. Il est beaucoup plus facile de contrôler des ignares que des gens instruits.»

Vous avez lu le papier de Truffaut dans Le Devoir du 3 septembre? Le même enfumage, la même désinformation quant à la vérité. Ignorance crasse, incompétence, biais idéologique, primes pour écrire des fadaises ou un savant cocktail de toutes ces raisons? Sur la plan des nouvelles internationales, Gesca, Québécor, Le Devoir, Radio-Canada se valent : propagande atlantiste. Ce n’est certes pas mieux ailleurs en Occident dans les grands médias, mais, quand même, constatons que c’est au moins aussi pourri chez nous.

Il est toujours difficile d’imaginer que nos propres journalistes jouent le jeu de la propagande atlantiste et nous désinforment sciemment, comme si le Québec n’appartenait pas à l’aire inféodée aux oligarchies mondiales et à l’Empire d’à-côté, comme si tous les Québécois étaient de bons gars ou de braves filles. Or, quelles que soient les raisons de ces trahisons, il ne faut pas plus de quelques petites heures sur internet pour le constater : ce qu’on nous dit de l’actualité géopolitique et financière à Radio-Canada et dans tous nos médias officiels ou commerciaux participe de la même tromperie qu’ailleurs en Occident et même au-delà. Ben oui, le Québec compte autant de vendus ou d’imbéciles heureux qu’ailleurs, et pas seulement quant à ce qui se passe sur la scène internationale. La situation est certainement bien pire que dans les années soixante, mais l’auto-censure était déjà à l’oeuvre auparavant; il n’est que d’écouter ou revoir les reportages sur la guerre de Corée, sur la crise de Suez, Nasser, Arafat, Israël, Cuba, etc. Même le clergé y participait : je me souviens encore que, pendant la guerre de Corée, alors que j’entrais au primaire, les enseignantes, aussi mal renseignées que nos parents, nous demandaient de prier afin que les méchants communistes chinois ne viennent pas, dans deux ou trois mois, ravager leur beau grand Canada et ne crucifient pas les prêtres sur les portes des églises. Lorsque même l’opposition officielle, à notre Assemblée dite nationale, vote unanimement en faveur d’une motion qui félicite les USA de faire la guerre au terrorisme, on réalise brutalement la profondeur du lavage de cerveau et de la reddition des consciences.

Tant qu'à y être, pourquoi M. Thibodeau ne nous donnerait-il pas des nouvelles des journalistes indépendants menacés de mort par l'OTAN, dont Thierry Meyssan et Nasemroaya? À la condition, bien sûr, qu'il n'essaie pas alors de nous convaincre que c'est Kadhafi qui les a menacés de mort; on ne sait jamais, la langue pourrait lui fourcher à la suite d'une insolation...

Votre scénario est plausible, mais l’OTAN n’aura pas à se fatiguer : les indépendantistes de tout poil, par leurs guerres croisées, ont déjà entrepris le travail à sa place. Pas besoin de drones et d’uranium appauvri, la cacophonie et l’esprit clanique y pourvoient amplement.

La proportionnelle intégrale est une plaie politique qui aboutit, en système multipartite, à des coalitions à répétition où les mêmes coalisés finissent par conserver le pouvoir presque indéfiniment à moins d’une faute majeure révoltant l’opinion, de sorte que la coalition gagnante finit toujours dans le copinage et les renvois d’ascenseur. Aucun parti ne peut appliquer le programme pour lequel ses supporters ont voté, et on en arrive forcément à des compromis boîteux qui ont très rarement, sinon jamais, à voir avec les besoins réels à moyen et long terme. Les cas italien et belge sont éclairants là-dessus depuis des années.

Depuis au moins la première querre d’Irak qu’on nous fait le coup à répétition : plus de 20 ans d’agressions étasuniennes injustifiables, le plus souvent approuvées et même relayées par les puissances occidentales. D’après ce que je peux constater autour de moi, voilà longtemps qu’au moins la moitié des gens ne croit plus aux prétextes de l’Empire, mais ça ne mange pas de pain tant que ça ne nous tombe pas sur la tête. Le plus navrant, c’est de voir presque tous les partis politiques québécois et canadiens approuver ces fausses guerres au terrorisme; le Parti québécois et le Bloc ne sont pas en reste. Les informations réelles, que tous les internautes peuvent connaître s’ils s’en donnent la moindre peine, ne sont certainement pas ignorées des politiques, qui, dans ce cas comme dans tant d’autres, se comportent en politiciens de paroisse, parfois par idéologie, tantôt par espoir de participer aux miettes des gains éventuels, le plus souvent parce qu’ils chient dans leur culotte dès que l’Empire grogne. Au Québec, ce sont les mêmes qui ne disent pas un mot lorsqu’ils voient que l’oligarchie financière étasunienne et canadienne est en train d’acheter en gros et au détail, à vil prix, les ressources québécoises, avec le laisser-faire voire la complicité et la bénédiction des gouvernements québécois successifs depuis la fin des années ’90. Le supposé pacifisme québécois est la tarte à la crème de l’hypocrisie, la lâcheté et la trahison, au choix selon le cas. Oh, on préférerait, bien sûr, que des soldats québécois n’aillent pas mourir pour le pétrole, la dictature et le narco-trafic du voisin, mais quant au reste...

Et vous croyez que la démocratie se porterait mieux parce que ceux qui, à tort je veux bien le croire, ne veulent rien savoir de la politique seraient obligés de voter? La prochaine étape, ce sera quoi? Obliger légalement tout le monde, au nom de la santé publique, à manger bio? Interdire le crime est une chose; imposer la vertu, quelle qu’elle soit, m’a toujours paru un acte à la fois totalitaire et contre-productif.

Bref, comme régime de cheval c’est pas sorcier, mais ça prendrait un fin renard rusé comme un loir pour arriver à tenir les poules dans le poulailler sans que le loup n’envahisse la bergerie!

«Le pouvoir des autorités politiques de se faire justice sans égard à la règle de droit grâce à la collaboration complice des forces de l’ordre», cela fait corps avec toutes les formes de régime politique autoritaire, ce qu’est toujours, dans la réalité, n’importe quel régime inféodé à une oligarchie. C’est donc le cas, entre autres, de presque tous les États occidentaux industrialisés, depuis au moins le dernier tiers du XIXe siècle, sauf des exceptions toujours temporaires. Vous avez dit : «démocratie» ? Tu parles, Charles !

Prochaine étape: M. Bousquet va présenter une proposition au congrès du Parti québécois afin qu'il inscrive dans son programme qu'il fera de l'anglais la langue commune au Québec?