Doris Lussier (1918-1993)
26 mars 2015
@Marc Boutin
Cher Monsieur,
Vous soulevez un bon point au sujet du concept d’indépendance. Le mot fera peur tant et aussi longtemps que les indépendantistes n’accorderont pas à ce concept son sens intégral. Par exemple, dans le dossier de l’immigration, le réflexe de s’appesantir sur des questions de quantification des dépenses de l’État central dans ce domaine par rapport à la portion congrue qui revient à l’État local québécois ne change en rien les fondements constitutionnels du PARTAGE des pouvoirs et des revenus dans notre régime fédéral. C’est l’État canadien qui est le détenteur majeur de ces partages du pouvoir étatique du fédéralisme canadien. Ce «chialage» ne nous rapporte peu sinon d’indisposer le gouvernement fédéral à notre détriment.
Par contre, si l’on voyait le problème dans l’optique indépendantiste, il faudrait expliquer à la population québécoise que nous ne détenons pas ce pouvoir exclusif de tout État souverain. Par conséquent, le Québec maîtrise uniquement qu’un pouvoir local, restreint, qui le prive d’assumer entièrement ce domaine des relations avec les autres pays souverains. Le même raisonnement doit s’appliquer à tous les autres pouvoirs accordés constitutionnellement à l’État canadien. Penser à tout ce qui se passe dans le domaine des télécommunications. Le Québec est totalement subordonné aux politiques fédérales. Penser encore à la bizarrerie des Chaires du Canada au sujet du financement de nos universités sur le territoire québécois. C’est un autre aspect des compétences provinciales qui échappent à État québécois. Penser encore à l’agriculture, une compétence partagée entre le fédéral et les provinces. L’État fédéral a la primauté sur les politiques nationales contrôlées par l’État canadien. (Cf. Bruno Deshaies, «1er Juillet 2014 L'Indépendance du Québec revisitée.» INDÉPENDANCE NATIONALE DU QUÉBEC 418. Dans Vigile.quebec 2014-07-07)
Toutes ces privations sont la conséquence du statut d’une nation annexée. Et c’est le cas du Québec et pour toute nation subordonnée dans n’importe quelle union fédérale. Ce n’est plus être colonisé mais plutôt être annexé, subordonné et superposé au sein d’un État souverain unique. Ce qui est dans les faits, pour la nation annexée, de l’oppression essentielle. Cette situation d’annexion implique la perte de l’agir (par soi) collectif de la nation provincialisée.
Résumons. Le problème de l’indépendance politique du Québec réside dans le partage des pouvoirs et des revenus. Or, la souveraineté de l’État ne se partage pas pour la nation souveraine. Et ce ne peut être le fait que de la nation indépendante, c’est-à-dire au sens intégral. Ce qui met en cause toutes les formules subtiles découlant des raisonnements dans l’optique fédéraliste.