La dette de la Loi 101 envers ESSO
2 mars 2016
Monsieur Le Hir,
Le rappel historique que vous faites est d'autant plus instructif qu'il confirme que les pires adversaires de l'émancipation du Québec sont trop souvent ces laquais francophones anglicisés qui, de peur de déplaire à leurs supérieurs, comme je l'ai écrit précédemment (http://vigile.quebec/Le-desir-maladif-de-plaire-aux), croient ainsi servir fidèlement leurs «maîtres» anglophones de Toronto.
Et il semble bien, d'après votre chronique précédente (http://vigile.quebec/Le-grand-bond-en-arriere-du), que la situation à cet égard n'a guère évolué depuis 40 ans. En fait, nous sommes revenus à notre point de départ: pendant tout ce temps, nous avons tourné en rond. Voilà qui ne m'étonne guère!
C'est pourquoi je ne partage pas votre optimisme lorsque vous écrivez en conclusion à votre texte: «Il n’y a qu’un seul remède [...], il est urgent de réviser notre Charte de la langue française.» Ne vous en déplaise et n'en déplaise à Jean-Benoît Nadeau du Devoir, je vois en effet mal les libéraux de Philippe Couillard procéder à une telle révision dans les mois ou les années qui viennent. Quant au PQ, encore faudrait-il qu'il reprenne le pouvoir en 2018 avant d'espérer corriger le tir! Or, que fait-on dans l'intervalle pour contrer les effets de ce qui ressemble de plus en plus à une démission collective face à la situation actuelle du français au Québec?...
Après tant d'années de tergiversations, la preuve est pourtant faite qu'aucune mesure de protection de notre langue ne saurait contribuer à changer durablement la réalité. Nous perdons notre temps en persévérant dans ce sens. Il y a bientôt quatre ans de cela, j'écrivais sur ce site (http://service.vigile.quebec/Qu-est-ce-qu-on-attend-pour-ramer) qu'«il est vain de chercher à amender ou à bonifier la Loi 101. Comme aurait dit Réal Caouette, que mon grand-père maternel affectionnait tant, c’est vouloir "mettre un cataplasme sur une jambe de bois". Quand on aura enfin un pays à nous, on n’aura plus besoin de lois pour défendre notre langue. Le français sera la langue officielle du Québec aux yeux de tous les peuples de la terre !»
Par conséquent, je persiste et je signe: le PQ a jadis «mis la charrue avant les boeufs» avec sa Loi 101. À cause de ses effets inutilement irritants, la Charte de la langue française, adoptée en 1977, a sans doute dressé contre le PQ de larges franges de la population qui auraient pu autrement appuyer les référendums de 1980 et de 1995. Le PQ ne peut à toutes fins pratiques que se diriger vers une voie de garage s'il cherche de nouveau, dans un proche avenir, à faire de la protection du français un enjeu majeur comme ce fut le cas en 2013 avec le projet de loi 14. La seule cause qui mérite encore et plus que jamais d'être défendue, c'est celle de l'indépendance du Québec. Vouloir mobiliser les troupes souverainistes et la population en général sur des questions comme la langue, la laïcité, l’immigration, les oléoducs ou je ne sais trop quoi, c'est passer à côté de la question principale: seule l'indépendance permettra de régler définitivement tous ces problèmes que nous traînons comme des boulets depuis trop longtemps!
Mais, d'ici à ce que le Québec soit indépendant, nous avons du pain sur la planche afin de convaincre une majorité de Québécois, toutes origines confondues, qu'il en va de notre intérêt collectif de nous donner un pays à nous où nous pourrons décider comme bon nous semble de ce qui est bon pour nous ou non!
Cordialement,
Normand Paiement