Un coup de sang
21 octobre 2007
Lundi, 22 octobre 2007, Bruno Deshaies
Bonjour Monsieur Poulin,
Je prends note de votre réponse et je l’apprécie. Je comprends que vous cherchez comme beaucoup d’autres indépendantistes une voie, un chemin ou une façon de faire qui pourrait mettre en branle un processus de persuasion qui finirait par atteindre la population qui adhérerait au message. Ce travail fondamental nécessite l’existence d’une élite indépendantiste que nous aimions l’expression ou non.
Vous écrivez : « si les intellectuels sont précieux et même essentiels dans ce combat, c’est tout de même la foule anonyme qui fera (ou non) l’indépendance ». Concedo. Toutefois, l’idée de transformer une situation d’annexion pour un peuple qui est soumis à un tel statut depuis près de deux siècles et demi n’est pas une mince tâche. Vigile et les Vigilistes ont du pain sur la planche. Accéder au statut d’indépendance pour les Québécois exige une préparation mentale et certaines connaissances historiques.
La création d’une Chaire de l’indépendance du Québec ne fait pas injure à l’intelligence des Québécois. Elle démontre tout simplement que nous avons assez de maturité pour croire que le phénomène d’indépendance des nations n’est pas un mal en soi pour l’humanité. En revanche, l’histoire des fédérations et des empires a laissé beaucoup de goût amer pour les peuples qui ont été subjugués durant des décennies et mêmes des siècles. La défense de l’indépendance d’une nation n’accrédite pas le phénomène de nations indépendantes qui pratiquent un nationalisme excessif ou outrancier. Toutefois, pour reprendre une norme de Maurice Séguin :
« Indépendance ne saurait vouloir signifier – d’une manière absolue –
« ne pas dépendre »,
ne pas avoir à tenir compte des autres,
ne pas subir d’influences,
de ne pas être limité par les autres. »
Par contre, la nation distincte vise à affirmer (son indépendance si elle la possède) et à défendre (si elle la croit menacée) la maîtrise de sa vie politique, économique et culturelle. Elle cherche donc à agir par soi collectivement tant à l’interne qu’à l’externe. Cette nation reconnaît que le fait d’agir (par soi) constitue une richesse d’être et son remplacement, une oppression essentielle. La tutelle dans une union fédérale constitue une limitation de richesse d’être collectif en termes d’agir par soi collectif. Prendre conscience de ce fait pour une population, un peuple ou une nation peut faire naître un sentiment national susceptible de rendre possible l’affirmation et la défense de l’indépendance.
C’est par l’affirmation et la défense de l’indépendance que les autres aspects de la vie en société au Québec prendront finalement une tournure différente (par ex. : la langue officielle, les choix sociopolitiques, les questions environnementales, la gouverne de l’État, etc.).
LE combat doit porter prioritairement sur l’indépendance autour duquel graviteront les exigences des Québécois-Français pour un Québec libre et souverain. S’unir dans cette perspective ouvrirait la porte -- à tout le moins dans la pensée -- à une petite révolution au Québec. Or, l’inverse n’ayant pas réussi jusqu’à ce jour, il faut bien se rendre à l’évidence et procéder autrement. Bien sûr, les fédéralistes nous dirons toujours le contraire. Ce courant d’idées conventionnelles devra être combattu systématiquement dans la perspective de l’optique indépendantiste. Si le combat se veut celui d’une collectivité majoritaire au Québec de Québécois-Français, y faudra y mettre le paquet.
Croire à l’indépendance n’est pas pire que croire au fédéralisme. Les indépendantistes devraient cesser de s’excuser, de se culpabiliser ou de passer leur temps à imaginer l’indépendance d’une nation comme un phénomène de pureté ou de penser continuellement que la vérité est peut-être quelque part entre les deux, par exemple, dans le fédéralisme très décentralisé. Finalement, toujours ce discours pour sauver la chèvre et le chou qui nous conduit inlassablement dans l’impasse. Il faut maintenant chasser cette morbidité politique qui accable les Québécois-Français par rapport à l’indépendance du Québec. La foule, pour reprendre votre mot, monsieur Poulin, a besoin de savoir où loge son élite. Si elle sait où celle-ci veut véritablement aller, il est fort probable que les indépendantistes commenceront à marquer des points en dehors des cercles restreints de souverainistes. Pour cela, il faut une certaine cohérence ou une cohérence certaine pour faire adhérer la population au discours indépendantrite.