Les Canadiens-Français entre indépendance faussaire et déceptions législatives
11 février 2021
Riche commentaire que je commenterai à mon tour.
Le point tournant de la québécitude, d’un point de vue statutaire, me semble bien le référendisme. Par lui, on voulait transférer, de manière irrémédiable, le droit à l’autodétermination de la nation canadienne-française à l’ensemble du peuple québécois bientôt reconnu (par la loi 101) plurinational, multiculturel et bilingue. D’un point de vue sociopolitique cependant, oui, l’idéologie néonationale des années 1960 est à la source de la dénationalisation des Canadiens-Français. Mais il faut néanmoins admettre que la Révolution tranquille s’est faite en détournant le nationalisme canadien-français et que ce n’est qu’à partir de 1968 que l’idéologie progressiste prend le dessus. Tous les partis (UN, PLQ et PQ) laissent alors croire que pour s’émanciper politiquement, les Canadiens-Français doivent se dire Québécois. C’était la condition sine qua non pour que les Lévesque et Bourassa nous mènent soit au Grand Soir, soit au renouvellement de la Confédération.
Au final, on se rend compte que l’objectif de tout ce beau monde se résumait à cela : régler le problème canadien-français en faisant naître un peuple nouveau et inclusif, une société québécoise libérale telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Selon vous, devenir Québécois était néanmoins nécessaire pour nous donner une conscience territoriale. En Occident, ça ne se passe pourtant pas ainsi d’habitude. C’est la nation qui donne ou redonne son nom au territoire qu’elle entend faire sien, et non l’inverse. En l’occurrence, le Québec aurait dû redevenir formellement le Canada-Français. Mais cela, ça ne cadrait pas avec le projet de peuple nouveau des progressistes et ça, ça attaquait directement les fondements de l’État canadien, son identité nationale, de même que sa personnalité internationale. C’eut été un acte qui eut mis le feu aux poudres chez les Anglais, car faire renaître le Canada-Français aurait signifié l’échec de la Conquête.
Un nom a toujours une importance cruciale : la Bretagne n’est pas l’Armorique, la Gaule n’est pas la France et le Québec n’est pas le Canada-Français. À la base même de la québécitude qui s’intègre si bien au multiculturalisme canadien, se retrouve le bon vieux « bonententisme » collabo de naguère.
Reste la question de la reconnaissance de la nation canadienne-française que vous réduisez encore à une question raciale ou folklorique, comme pour rajouter une difficulté qui n’a pas lieu d’être. Les Canadiens-Français forment certes une ethnie qui a su assimiler bien des éléments hétérogènes au fil des siècles, mais plus que cela, ils forment une nation. Depuis 1763, nous jouissons de droits collectifs et de prérogatives que nous avons su étendre et qui nous sont propres (notre langue, nos institutions et nos lois). Au Québec, dans cette structure coloniale établie pour nous circonscrire, nous avons réussi à définir un espace juridique et social si cohérent que certaines minorités ont même pu choisir de s’y intégrer. En 1968, nous aurions pu parachever cette reconquête par la reconnaissance internationale d’un État national canadien-français, mais nos élites progressistes, à dessein, nous ont imposé l’imposture québécoise, le plurinationalisme bilingue de la québécitude.
Aujourd’hui, alors que nous sommes en passe d’être minoritaires au Québec, il faut tout de même agir. Le peuple québécois poursuit son évolution et nous n’avons plus de contrôle sur son avenir. L’indépendance du Québec n’a ainsi plus de sens, de même que le renforcement de l’État du Québec qui ne nous représente pas. Pour agir de nouveau, il faut intégrer la réalité juridique et politique de ce peuple québécois en faisant statutairement reconnaître la nation canadienne-française comme partie de ce peuple. Ainsi seulement pourra être établie la responsabilité première de Québec et d’Ottawa quant à notre épanouissement national, un peu comme ces gouvernements assurent celui de la communauté québécoise d’expression anglaise ou celui des Premières Nations.
En clair, récupérer la jouissance de nos impôts afin de défendre nos intérêts nationaux, soit en remettant sur pied des institutions qui nous soient dédiées, soit en exigeant le respect de notre héritage identitaire, pensons seulement à l’enseignement de notre histoire nationale, par exemple.
Exister enfin dans cette réalité plurinationale dans laquelle nous vivons, voilà ce que nous proposons.