Les États généraux du Canada français n'ont pas donné naissance à la québécitude

Respectons notre histoire

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Tribune libre

J'ignore les raisons qui pousse Vigile à ressortir en manchette du 8 avril - Un mauvais compte-rendu du Devoir - vieux de deux ans de surcroît - sur un ouvrage traitant des États généraux du Canada français. Quelles qu’elles puissent être, Vigile devrait retirer ce texte, car il est mensonger.


Il y a 50 ans, on ne proclamait en rien un droit à l’autodétermination du Québec, mais bien celui des Canadiens-Français. En 1967, il n’y avait pas d’adhésion massive au «peuple québécois», à une nation civique, ou à une identité partagée avec les anglophones et les allophones comme on nous le fait croire depuis.


Tout ce que les États généraux du Canada français prouvaient et prouvent encore, c’est que jusqu’en 1968, nous étions, Canadiens-Français, une nation ayant le pouvoir de s’autodéterminer et ayant la volonté de faire du Québec son État national. Un objectif ambitieux et courageux qui nous opposait directement à Ottawa, parce qu’il avait comme conséquence de mettre fin à la Conquête par le partage du Canada.


Après 1968 pourtant, en contradiction directe avec les résolutions des États généraux, les néo-nationalistes ont fait en sorte que notre définition nationale s’affranchisse légalement de son caractère ethnique (autrement dit culturel) et qu’elle cesse ainsi de référer au Canada historique. Cette référence on ne la tolérerait plus que de manière officieuse -sous le manteau- pour complaire aux militants les plus nationalistes. Le «Québécois» officiel qu’on impose dès lors, vise plutôt à nous donner une appellation consensuelle car parfaitement soumise au cadre fédéral : «Québécois» étant tiré du nom colonial qui nous fut attribué par le conquérant en 1763, et «Canadien», référant pourtant à l'État réel, étant ainsi concédé sans partage aux non-Québécois. Consensuelle aussi, car appellationla plus favorable , territoriale et neutre, à une adhésion des habitants de toutes origines à un un pluralisme sociétal (devant être induit par une éducation dénationalisée et une immigration toujours plus massive).


En brisant ainsi l’élan unique des États généraux du Canada français, en détournant sa portée politique, les néo-nationalistes (les Lévesque et Cie) ont sciemment empêché un conflit ouvert entre Canadiens-Français et Canadiens anglais, un conflit dont l’enjeu eût été la partition du Canada en deux (au moins) États nationaux, l’un français, l’autre anglais. Ce conflit qui pouvait s’annoncer violent, les néo-nationalistes voulaient l’éviter à tous prix. Par esprit pacifiste sans doute, mais surtout parce qu'un État canadien-français aurait rendu impossible la promotion d'une identité nouvelle, creuset commun enfin libéré du poids gênant de l'héritage canadien-français. Pour arriver à leurs fins, ils jugèrent optimal d'acheter la paix en faisant de nous, au Québec, une majorité de façade (nous sommes minoritaires en Amérique), une fausse majorité, comme dirait Gilles Verrier, qui flattait d’autant nos velléités existentielles et diminuait temporairement nos angoisses linguistiques.


Pour cela, il fallait d’une part, nous détourner d’Ottawa, siège certes hostile mais néanmoins véritable du pouvoir étatique qui s’exerce sur nous, cet Ottawa où l’on ne pouvait évidemment pas paraître majoritaires. Précisément ce que la québécitude parvenait à nous faire croire en limitant notre pensée, nos actions et nos préoccupations à un cadre purement provincial, plus familier, et qui, incidemment, en nous coupant du vrai pouvoir, nous infantilisait au point de vue politique. D’autre part, il fallait nous enferrer dans la chimère progressiste d’un Québec souverain représentant un peuple formé de tous les citoyens canadiens du Québec, quelle que soit leur appartenance nationale, leur langue ou leur culture (en consacrant par législation les droits des uns, ou en pinaillant sans fin sur les accommodements à accorder aux autres), un État dont toute action gouvernementale (et a fortiori l’accession à une éventuelle souveraineté) se devrait, pour être légitime, de refléter avant tout chose cette diversité fondatrice. C’est cela, gens de Vigile, le fondement de notre doctrine d’État en québécitude.


Difficile de renier davantage et l’esprit et la lettre des États généraux du Canada français


Alors, par honnêteté intellectuelle, retirez ce texte mensonger. Cessez de colporter l’idée fausse que les États généraux du Canada français, le geste politique le plus grand et le plus réfléchi de la nation canadienne-française, aient pu faire de nous de pauvres «majoritaires francophones de souche», des inconséquents politiques qui se laissent faire la leçon par ceux-là mêmes qui les trompent, qui ne font que croire ce qu’ils veulent bien croire pour préserver l’illusion d’une québécitude qui leur ressemble.


Ce préjugé est si profondément ancré qu’il vous rend incapables d’admettre l’évidence : votre définition de la québécitude n’en est qu’une parmi bien d’autres et elle s’avère de moins en moins adaptée au Québec actuel. Elle est là la raison première du déclin du mouvement souverainiste-nationaliste.


Rien n’y fait pourtant, vous ne saurez jamais que vous identifier, tout comme le fait Vincent Marissal, Justin Trudeau, Philippe Couillard ou comme que n’importe quel militant solidaire, caquiste, fédéraliste ou islamiste, au nom si distinctif de Québécois.


Et vous d’ajouter «pour le meilleur ou pour le pire». Pour le pire! Ça veut dire quoi, Grand Dieu? Être Québécois jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de nous…


Lord Durham aurait fort bien pu conclure : I drink to that!



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2 commentaires

  • Gilles Verrier Répondre

    13 avril 2018

    Il y a un manque de respect de la vérité historique à vouloir « québéciser » de force, ce qui ne l'a jamais été. Le livre récemment publié par Louis-Philippe Courtois, Lionel Groulx, qui sous-titre : Le penseur le plus important de l'histoire du Québec est inexact. Il est possible que le sous-titre soit un choix de l'éditeur, c'est néanmoins mal représenter Lionel Groulx, qui était d'abord et essentiellement un penseur canadien-français. Sa phrase célèbre « État français nous l'aurons » ne référait pas à l'État pluri-national et multiculturel du Québec. Rétablissons la rigueur !  



  • Me Christian Néron Répondre

    11 avril 2018

    Christian Néron



    Il est vrai que notre nom véritable n'est pas  ««  Québécois  »».



    Cette dénomination nous vient de George III qui, avant de signer 


    la proclamation royale du 10 octobre 1763, avait demandé que le


    nom de ««  province of Canada  »»  soit changé pour  ««  province of Quebec  »».


    Les ministres avaient fait le changement sans sourciller.



    George III aimait particulièrement ce nom parce que c'est à Québec que les


    troupes protestantes, avec l'aide de la Providence, avaient pris d'assaut la


    citadelle de l'Antéchrist.



    Quand Benjamin West avait exposé  « The Death of General  Wolfe », en 1771,


    ce tableau avait fait sensation. George III s'en était fait faire immédiatement une


    copie. Voir Ann U. Abrams, « Benjamin West and the Grand-Style History Painting »,


    pp. 165-182.



    Durant les Débats parlementaires sur la Confédération, en février et mars 1865, un


    député canadien qui combattait ce projet s'était fait prophète en disant : ««  Nous per-


    drons jusqu'à notre nom dans cette aventure ! »»



    Plus près de nous, notre roi des rois, Elvis Gratton, en avait perdu jusqu'à son latin.



    En fait, notre véritable nom de naissance est « Canadien ». Nous l'avons perdu.



    C'est terrible de ne plus savoir comment on s'appelle.