La difficile aventure de l'indépendance des États unis d'Amérique
3 janvier 2010
Cher Monsieur,
Le sens de l'Histoire, c'est la direction que prennent de grandes démocraties comme la France, l'Allemange, l'Italie et 24 autres pays souverains d'unir leur destinée dans une Union politique, économique et sociale sans cesse plus étroite. Pour ce faire, ils on cédé à cette Union européenne la plus grande partie de leur souveraineté.
Puisque la question semble vous intéresser un peu, je me permets de reproduire ici, ce que j'ai écrit un peu plus haut.
La France n’est plus ce qu’elle était
Depuis la ratification du Traité de Lisbonne il faut constater que les pays membres de l'Union européenne sont devenus des partenaires autant, sinon plus interdépendants que les provinces canadiennes ou les États des États-Unis. C’est le cas, non seulement de la France, mais des tous les 27 pays membres de cette Union. Nous nous intéressons ici à la France parce que ses liens et son influence au Canada et au Québec sont indéniables, et que la modification de ses attributs ne manqueront pas d'avoir des répercussions sur nos débats politiques.
En effet c’est le premier décembre 2009 que le Traité de Lisbonne est entré en application et que l’Europe a désormais un vrai visage, une vraie adresse, et que s'applique la nouvelle nationalité européenne à chaque citoyen des pays membres. Dorénavant l'Europe a Président permanent et un Ministre des Affaires étrangères permanent. Les détenteurs de ces deux postes importants et prestigieux viennent tout juste d'être désignés: M. Herman van Rumpuy et Mme Catherine Ashton. Ce sont des personnalités peu connues, mais qui ont la lourde tâche de définir en terme clairs le mandat que leur confie la Constitution européenne et de mettre en place tout l'appareil administratif qui permettra, dans un an ou deux, à des personnalités fortes et charismatiques de donner à cette nouvelle Europe toute la visibilité et tout le poids qu'elle mérite.
C'est donc, forte des ses 500 millions de citoyens, dotée d'un Parlement élu au suffrage unversel, d'un Conseil et d'une Commission qui agit comme un gouvernement, d'un réseau diplomatique propre, d'un passeport européen et d'une monnaie unique que l’Europe est enfin prête à jouer le rôle important qui est attendu d’elle sur la scène mondiale, dans l’ensemble des Organisations internationales et dans ses relations avec les autres grandes puissances. Tout cela bien sûr dans l’intérêt bien compris de tous ses citoyens.
Cette évolution de tout un continent, qui sort de cette grande crise économique, n’est pas sans importance pour nous. Dans un livre qui vient tout juste de paraître, l’État du monde 2010 (Boréal) on peut lire les analyses de 50 des meilleurs observateurs de l’actualité mondiale qui en dégagent 50 idées-forces pour comprendre ce qu’ils appellent le grand tournant de ce 21e si cle. Je reproduis bri vement ici ce que ces 50 analystes ont pondu ensemble, comme observation principale et comme conclusion de leur travail. On retrouve en postface un petit texte qui devrait alimenter les réflexions de tous les citoyens, mais en particulier des Québécois. On peut lire : "Rarement le monde a-t-il changé aussi rapidement autour de nous. En quelques mois, le président Barack Obama a marqué, au moins verbalement, la rupture avec son prédécesseur. Le krach financier s’est transformé en crise économique et sociale mondiale, montrant quel point le temps de la souveraineté avait cédé la place à celui de l’interdépendance..."
Il me semble, en effet qu’il y a matière à réflexion. Et les grands changements que l'Union européenne introduit dans le fonctionnement de l'Europe et dans la perception que nous devons en avoir, peuvent servir de point de départ. Retenons quelques éléments importants.
Les pouvoirs de l’Union européenne.
- L'Union européenne jouit d'une personnalité juridique. Elle peut et elle doit négocier et signer les Traités et les Conventions, en son nom propre et au nom de tous ses pays membres. Et elle possède les pouvoirs et les moyens de les faire appliquer dans l'ensemble du territoire de l'Union.
- Désormais, les réunions et les Sommets entre les chef d'État et de gouvernement des pays membres de l'UE ne font plus partie du domaine des Affaires étrangères, mais plutôt des Affaires intérieures de l'Union.
- La Constitution européenne, dans sensiblement les mêmes termes que la Constitution des États-Unis, stipule que les Institutions de l'Union doivent respecter l'identité
des États. Un autre rapprochement que l’on peut faire avec les origines de l’édification des États Unis d’Amérique est le fait que le drapeau, qui a été l’emblême du conseil de l’Europe souhaité par Churchill, et qui a ensuite été adopté par l’Union européenne, ressemble étrangement au drapeau qui a été l’emblême officiel des États Unis d’Amérique de 1777 à 1795. Le drapeau américain contenait 13 étoiles jaunes (les 13 premiers États de l’Union) disposées en cercle sur un fond rectangulaire bleu. Le drapeau européen est identique, sauf qu’il ne contient que 12 étoiles. Bien malin qui pourrait prédire si les rapprochements entre l’évolution de ces deux grandes puissances que sont l’Europe et les États Unis vont se poursuivre, et si le statut des États qui les composent va se ressembler éventuellement. Je suis de ceux qui croient que ce sera inévitablement le cas. On a cependant décidé, en Europe, de ne pas utiliser l'expression, les États-Unis d'Europe, mais on en est tout proche. D'ailleurs, l'ex président de la France et principal architecte de la Constitution européenne, M. Valéry Giscard d'Estaing déclarait déjà le 12 septembre 2002: "Nous avons désormais un système de culture fédérale".
D'ailleurs, il faut sérieusement envisager que la réforme souhaitée du conseil de sécurité de l'ONU ne puisse se faire que lorsque l'Union européenne prendra sa place dans un Conseil élargi, en remplacement de la France et de la Grande Bretagne qui y détienne chacun un siège permanent. Cela mettrait l'Europe, avec une seule voix, sur le même pieds que les États-Unis, la Chine, la Russie et les autres.
- L'Union européenne doit mettre en place un service diplomatique complet et autonome, en recrutant ses 5,000 principaux éléments dans les services diplomatiques des pays
membres. Sous la gouverne du Parlement européen et de la Ministre des Affaires étrangères de l'Union, ce réseau se déploira dans les cent et quelques Bureaux de l'Union
européenne dans autant de pays et dans les Organisations internationales. On ne parle pas beaucoup encore de la disparition éventuelle des services diplomatiques nationaux,
mais on la voit très bien venir.
- L’Union européenne a beaucoup plus de poids et de pouvoir que ce que l'on voit dans un survol rapide: Ainsi,
- le Budget de l'Union pour l'année 2010 est de l'ordre de 190 milliards de dollars.
- les décisions sont prises à la majorité des voix. Donc plus de droit de veto et de politique de la "chaise vide"
- les lois et règlements de l’Union européenne, qui sont deux fois plus nombreux que ceux des pays membres, s’appliquent intégralement sur la totalité du territoire de l'Union
- la Cour européenne de Justice peut invalider toute décision des tribunaux natinaux.
L’Union européenne dans le monde.
- l’Union européenne représente seule ses 27 pays membres, y compris bien sûr la France, l'Allemagne et les 25 autres, dans un nombre toujours plus grand de Forum mondiaux et d’Organisation internationales. C’est le cas dans l’Organisation mondiale du Commerce, comme la Conférence de Copenhague sur l’environnement,
et dans une multitude de négociations multilatérales ou avec avec des pays tiers, sur des sujets aussi variés que la pêche, l'énergie, l'environnement, les tarifs douaniers
le contrôle des fronti re, le terrorisme, et bien d’autres.
L’Union européenne, un force contre les divisions.
Si l'Union européenne a connu des succès impressionnants au cours des cinquante années qui l’ont vue passer de 6 à 15 puis à 27 États membres, c'est parce que ces pays, fiers, puissants et indépendants depuis des millénaires, situant dans ce contexte l'essentiel de leurs propres intérêts, sont parvenu à abolir leurs frontières, à dégager des politiques communes essentiels à leur progrès, à conclure de nombreux transferts de compétences vers les institutions européennes, et à adopter une monnaie commune tout en confirmant le rôle essentiel de l’Union européenne sur le vieux Continent de même que sa présence et son influence dans le monde.
Il se peut bien que des citoyens, en Europe et ailleurs, s’en étonnent et même manifestent contre cette évolution de l'Europe, mais il faudra leur rappeler que les Chefs d'États ou de gouvernements, démocratiquement élus, dans tous les pays membres ont, depuis 50 ans, discuté, approuvé et appuyé cette évolution. Ils étaient conscients de l'importance et des fondements historiques de la souveraineté de leurs pays, mais ils ont tous compris que le progrès de leurs économies et le bien-être de leurs citoyens devaient passer par cette mise en commun des mécanismes et des ressources essentiels à l'atteinte de ces objectifs. Il est donc relativement facile de comprendre pourquoi le Président de la France ait dit récemment "qu'on n'arriverait pas à le convaincre que le monde avait besoin de plus de division". Chacun reste libre de partager cette opinion, mais l'Europe, en ce XXIe siècle, en fait une éclatante démonstration.