Puisqu'il n'y a pas de référendum à l'horizon

Pour la reconnaissance des trois nations fondatrices

Le Québec pourrait retrouver un droit de veto

L'idée fédérale

Égalité - Association.
Vers un Forum des trois nations.

À l'occasion des élections récentes de Shawn Atleo à la tête de l'Assemblée des Premières nations,et celle de Ghislain Picard comme Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, je propose une réflexion sur la valeur symbolique et politique d'une association entre les trois nations fondatrices du Canada, les Autochtone, les Québécois et les Canadiens-anglais. Une association entre partenaires égaux.
Pas nécessairement parce que les débats autour de la question constitutionnelle du Québec ou de la situation des premières nations refont surface régulièrement et souvent de façon dramatique, mais parce qu'un pays aussi jeune et dynamique que le Canada peut et doit inventer de nouvelles façons réalistes, justes et courageuses de vivre ensemble non seulement en harmonie mais de façon dynamique et prospère.
Ce sujet de réflexion et d’action politique pourrait avoir le grand mérite de renouveler la dynamique politique au Canada en mobilisant les leaders des peuples autochtones, les leaders des Canadiens-français, des Québécois et des autres francophiles de même que les leaders des Canadiens-anglais et des autres anglophiles. On ferait passer dans la réalité politique une nouvelle théorie, celle des trois nations.
Ma suggestion consiste à pousser un peu plus loin l’initiative que la classe politique canadienne avait prise en 2006 de faire reconnaître le fait que les Québécois forment une nation au sein de la fédération. On se souvient que c'est le parti libéral qui avait pris cette initiative, et Michael Ignatieff en réclame encore la paternité. On sait maintenant que le gouvernement conservateur a été opportuniste, qu’il a saisi la balle au bond et qu'il a fait adopter par la Chambre des communes en novembre de la même année, la résolution qui reconnaît que les Québécois forment une nation dans un Canada uni. Les observateurs ont remarqué que les déclarations du Premier ministre, des ministres et des leaders des partis l’Opposition ont confirmé le sens qu’il fallait donner à l’expression "Québécois" utilisée dans cette résolution, en français comme en anglais. Pour tout observateur sérieux, le mot Québécois, dans cette résolution, englobe tous les Canadiens-français quel que soit l’endroit où ils habitent au Canada. On comprend qu'il s'agît de ceux qui s’appelaient autrefois les Canadiens par opposition aux Anglais, qui se sont ensuite appelés les Canadiens-français et plus récemment les Québécois. Ce n'est donc pas le Québec qui aurait été reconnu comme nation.
Il me semble que la même définition de nation pourrait s’appliquer aux Canadiens-anglais et aux Autochtones, quel que soit l’endroit où ils habitent au Canada. Il est facile de constater d'ailleurs qu'il y a des "Québécois" dans toutes les provinces du Canada, qu'il y a également des Autochtones dans toutes les provinces et la même chose pour les anglophones. Nous aurions alors la reconnaissance d'une réalité incontournable, l'existence de trois nations fondatrices. Les Anglais et ceux qui ont adopté la langue anglaise, les Québécois et ceux qui ont adopté la langue française, et les Autochtones. Les trois piliers d’un Canada bilingue et multiculturel, bordé par trois océans.
Le grand avantage de cette initiative serait de placer les questions constitutionnelles et nationalistes dans un nouveau contexte où les trois nations seraient appelées à se parler et à se concerter dans un forum qui leur serait propre et où chacun serait traité comme un égal et disposerait d’un droit de proposition et de veto. Il ne serait pas illusoire de penser qu’un jour cet arrangement serait reflété dans la Constitution canadienne.
Le gouvernement libéral, au pouvoir à Québec depuis plus de cinq ans, surveille et généralement défend sincèrement et avec agressivité les intérêts des Québécois, mais il ne semble pas disposé à proposer pour l’instant de grands débats constitutionnels.
Le parti Québécois soulève de moins en moins souvent les questions relatives à un prochain référendum sur la souveraineté, presque jamais la notion d’indépendance totale et ne formule pas souvent les détails de ce que comprendrait éventuellement le concept d’association. Il a proposé récemment un projet de transferts de certaines compétences en faveur du Québec, mais il semble que ces revendications, susceptibles de provoquer des crises politiques, ne seront formulées formellement qu’une fois que le PQ aura accédé au pouvoir, ce qui peut bien ne pas se produire avant plusieurs années.
L’Action démocratique, pour sa part se rabat sur la notion d’autonomie revendicative, mais ne fournit aucune ligne de combat ni aucune avancée politique ou économique qu’il considèrerait comme essentielle à la poursuite des intérêts du Québec.
Les Québécois, dans le sens que lui donne la résolution de la Chambre des communes, se retrouvent ainsi dans une espèce de limbes politiques, les canadiens-français du Québec et de partout ailleurs au Canada se voient souvent bien seuls à défendre leur existence comme groupes et à maintenir leur langue et leurs traditions. Et ils n’ont pas de porte-parole officiel qui prenne en permanence fait et cause pour leurs intérêts à la grandeur du Canada. Il me semble donc urgent de mobiliser les énergies des leaders nationalistes, où qu’ils se trouvent, afin de mettre en chantier le Canada des régions et des peuples. Ceci devrait se faire à trois. Trois peuples, trois partenaires, les Canadiens-anglais, les Québécois et les Autochtones qui s’associeraient en respectant la spécificité des partenaires dans ce nouvel arrangement qui prendrait la forme d'un Forum des nations dont le statut et le rôle confirmeraient l'égalité des partenaires dans cette nouvelle association.
De plus, si le nombre de sièges à la Chambre des communes devait s'élever à 342, comme le propose le gouvernement de Stephen Harper et que le Québec ne maintienne que ses 75 sièges, il deviendrait non seulement possible pour Ottawa de gouverner sans le Québec, mais la chose deviendrait également plus facile. Il suffirait qu'un parti obtienne 172 sièges, même sans en avoir aucun au Québec, pour former un gouvernement majoritaire. Cela serait réalisable si l'Ontario et quelques provinces de l'Ouest votaient massivement, mais pas unanimement, pour ce parti. Ce qui veut dire que les conservateurs et les libéraux pourraient former, alternativement, des gouvernements majoritaires sans que les électeurs Québécois ne puissent y faire entendre leurs voix.

Puisqu'il ne peut pas y avoir de référendum au Québec avant 2017 (dans le meilleur des scénarios, un éventuel deuxième mandat du PQ ne peut pas avoir lieu avant 2016) et que d'ici là, la proportion des députés Québécois à la Chambre des communes risque d'avoir diminuée au moins une fois sinon deux fois, le Québec et les Canadiens-français ne pèseront plus très lourd dans l'exercice du pouvoir à Ottawa. Si les Québécois n'arrivent pas à se décider de prendre leur place dans la confédération canadienne, ils risquent de devenir les observateurs de leur déclin.
Bien sûr, on aboutirait à une impasse si les Québécois refusaient une association à trois, avec les anglophones et avec les Premières Nations (autochtones) sous prétexte que les autochtones ne représentent que 10% de la population du Canada et que par réaction, les anglophones refusaient une association avec les francophones sous prétexte qu'ils ne représentent que 22% de la population du Canada, le Québec s'affaiblirait inexorablement.
Que faut-il faire maintenant pour que le Québec ne soit pas éternellement dans l'opposition?
Il faut songer à des propositions nouvelles et hardies pour assurer une place essentielle aux Québécois et autres francophones canadiens dans le système fédéral. J'en ai donc avancé une: former une association entre les trois grandes nations canadiennes.
Il serait très intéressant qu'un parti politique propose dès maintenant une résolution qui demanderait à la Chambre des communes de reconnaître que les Autochtones, les Canadiens-anglais et les Québécois forment trois nations distinctes dans une Canada uni, et que les institutions devraient éventuellement refléter au mieux cette réalité.
D’ailleurs, un des premiers projets, suivant l'adoption de cette résolution pourrait être de demander à ce nouveau "Forum des trois nations" de proposer une réforme du Sénat qui tiendrait compte de cette réalité que la Chambre des communes aurait reconnue.
Il me semble qu’il y a dans ce projet un potentiel important de mobilisation des énergies et des talents de plusieurs leaders canadiens qui depuis trop longtemps se sont employées à formuler, chacun dans son secteur, des revendications qui sont sans doute encore d’actualité mais qui ont eu du mal à être reconnues comme légitimes parce que visiblement elles transcendent les frontières des Provinces et des Territoires de ce grand pays. Ce projet recevrait sans doute l'appui de plusieurs leaders autochtones, notamment du Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, M. Ghislain Picard, qui écrivait dans un texte paru récemment dans les medias: "Nous, Premières Nations du Québec et du Labrador, formons des nations distinctes possédant le droit à notre propre statut politique afin d'assurer librement le développement économique, social et culturel de nos communautés."
De plus, le Canada donnerait une réponse positive et stimulante aux questions qui se posent à l'ONU et à son Comité des droits de la personne au sujet de la condition des Autochtones au Canada et il donnerait un sens plus politique et une portée réelle à la reconnaissance des Québécois comme nation. Et la Nation anglophone aurait tout à gagner dans cette harmonie retrouvée entre toutes les composantes de notre société.
Enfin, tout en renforçant son unité, le Canada créerait une nouvelle dynamique politique qui mobiliserait ses meilleures énergies et marquerait un très grand pas pour faire disparaître cette impression que le Canada sera toujours composé de "deux solitudes" dont une est plus isolée que l'autre, et pour placer dans un autre contexte le fait que la Constitution de 1982 n'a pas reçu l'aval officiel du Québec.
Georges Paquet

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Membre du service diplomatique canadien de 1967 à 2002, notamment au Nigeria, en France, en Belgique (auprès de l'Union européenne), à Haïti, à Rome (auprès du Saint Siège) et en Côte d'Ivoire





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2010

    Monsieur Paquet,
    Je ne sais pas où vous prenez vos informations, mais le PQ tiendra un référendum durant son premier mandat. Marois le déclenchera quand les sondages seront les meilleurs pour le OUI. (Vous pouvez me faire confiance à ce sujet. Je suis impliqué au PQ et je connais le plan de match).
    Laurent Cambon

  • Georges Paquet Répondre

    27 octobre 2009

    Gagner le gros lot.
    M. Laurent Cambon ne se distingue pas de la majorité des citoyens qui, selon un sondage récent, mettent en tête de liste de leurs ambitions dans la vie, l'espoir de gagner le gros lot à une lotterie.
    Je rappelle que ce n'est pas dans 4 ou 5 ans que le PQ nous dit qu'il pourraît, éventuellement, proposer un troisième référendum, mais dans le cour d'un deuxième mandat. Il faut d'abord que le PQ soit élu une première fois. Ce qui ne peut pas se produire avant encore 3 ans. Dans le contexte actuel, les chances que cela se produise sont plutôt minces. Mais poursuivons un scénario idéal, sinon utopiste. Le PQ prend le pouvoir en 2013. Il éxécute un mandat de 5 ans, disons 4, cela nous amène en 2017. Encore dans un scénario idéal, pour les souverainistes, le PQ gagne à nouveau les élections. Au coeur de ce deuxième mandat, vers 2019-2020, il déclanche un éventuel référendum, à moins qu'il constate encore une fois que les citoyens n'en veulent pas.
    Est-ce que vous ne croyez pas qu'il faille faire autre chose de positif et de réaliste en attendant?

  • Archives de Vigile Répondre

    26 octobre 2009

    Monsieur Paquet,
    Votre horizon est bien court... Vous êtes prêt à laisser tomber l'indépendance pour un projet de réforme du fédéralisme ? Il n'y a pas de référendum à l'horizon pour la semaine prochaine, mais dans 4 ou 5 ans, oui. Le calcul est simple: Ça vaut la peine d'attendre quelques années pour gagner le gros lot, plutôt que d'avoir un prix de consolation à court terme...
    Laurent Cambon