Une révolution sans libération
12 juin 2025
Les clés de notre émancipation politique sont dans la Grande Noirceur
Merci à M. Michel Matte pour la recension de ce livre Un révolution pour rien, censé nous donner la clé du cul-de-sac de la cause nationale :
« Comment expliquer l’enlisement du projet de souveraineté du Québec? Le livre de Francis Denis, Une révolution pour rien [i] apporte un éclairage essentiel sur cette impasse.»
D'après les extraits retenus dans cette recension, la thèse de l'auteur de l'ouvrage serait à l'effet que ce serait le poids de l'Église dans notre histoire qui aurait pesé sur la nation l'empêchant d'avoir un élan décisif vers sa libération politique. Or je soutiens exactement le contraire dans ce texte, attribué à M Le Hir, mais qui est en fait de moi (raison technique).
( ix) Richard Le Hir, L’Église catholique nous a-t-elle trahis ou sauvés ? | Vigile.Québec, le 22 mars 2017 )
L'Église (comprise ici comme une institution politique majeure) loin d'être un poids a plutôt été un soutien continu de la trame nationale tout au cours de notre histoire. Particulièrement évident suite à la défaite des Patriotes et du rapport Durham, visant notre assimilation, et de l'Acte d'Union visant notre minorisation pour y parvenir. Dans le contexte, la seule institution qui restait apte à relever ce défi existentiel qui se posait clairement fut l'Église et ses institutions.
De 1840 à 1960 , c'est l'Église qui va servir d'armature d'État, en assumant les missions premières de son développement : peupler et mettre en valeur le territoire, tout en préservant une cohésion nationale. La Revanche des berceaux pour relever le défi démographique, et « Emparons nous du sol pour préserver notre nationalité » pour poser les bases de l'État territorial.
La stratégie du peuplement et de l'occupation du territoire par l'Église de Rome et ses institutions :
« (Contre) une formidable force d'assimilation ... d'avoir continué notre développement ... allant de l'avant marquant nos conquêtes du sol par le signes de nos clochers ... retenant dans l'alliage nos qualités française et chrétiennes. ( Lionel Groulx)
« Conquérir nos conquérants » Aux anglais qui s'en plaindront ? (le curé) Labelle propose à ses compatriotes de « laisser japper »
Un anglais qui a bien compris la stratégie d'occupation du territoire de l'Église et qui a jappé très fort suite concernant l'Estrie :
The tragedy of Quebec (Robert Sellar, 1907)
Eastern Towshiphs
1867 : Protesant number, 56,600 ; the catholic, 25, 583
1911 : Protestants, 57 926 ; catholic, 174,000
(...) The designe of the priest was,that this self-confident, self-reliant, and enterprising peoples should be brought under a pressure that will constraint them to leave their fields and homes to be occupy by french canadians (p 197=198)
(...) The priests used two levers to drive protestants from township, the parish system and the separate schools. The parish system came first. This book has been writing in vain if it as not demontrate that the extension of that system to the township is a tyrannical invasion of free territory, a defiance of royal proclamation and imperial statute ; ; in one word a usurpation (p 201).
(Sa conclusion)
Possession of the soil mean sovereignty (p 196)
https://archive.org/details/tragedyquebecex00sellgoog
C'est cette stratégie qui relève de la politique profonde, qui va produire le potentiel d'un État, qui va s'imposer aux artisans de la Révolution tranquille....une révolution pour rien..., pour la simple raison qu'au tournant des années soixante, nous sommes passés du conservatisme au libéralisme (*) et que cette révolution en fut une libérale. Et que dans la finalité le libéralisme vise à abolir la souveraineté des États, ce qui mène à la dissolution des nations (l'Occident actuel en témoigne).
Depuis la Révolution tranquille nous voyons notre histoire au travers le prisme du libéralisme, d'où ce regard sur la période conservatisme (1840-1960 qualifiée de Grande Noirceur, alors même que les clés de notre émancipation politique s'y trouvent.
(*) Le libéralisme et le conservatisme sont vus ici du point de vue de la philosophie politique.