Égalité ou indépendance?
29 février 2008
Il serait évidemment préférable, sur le plan doctrinal, de proposer directement l'indépendance, ce qui se fait depuis cinquante ans avec le succès que l'on sait. Ce qui compte d'abord, cependant, c'est d'y parvenir, pas de recevoir une médaille de pureté en guise de prix de consolation.
La proposition de M. Paquette ne comporte rien de déshonorant et, contrairement à ce qu'on semble prétendre, elle ne constitue pas une demande de négociation. Elle présente au Canada le choix entre l'acceptation d'un "home rule" dont il ne veut à aucun prix et l'indépendance du Québec, qui devient le choix québécois advenant un refus. Les indépendantistes seraient minoritaires dans la coalition? Au départ, oui; à la fin, non, puisque tous les coalisés auraient accepté dès le début (sans quoi la coalition n'a aucune raison d'être) qu'un refus d'Ottawa entraînerait la proclamation de l'indépendance. Reste à savoir si les nationalistes style ADQ accepteraient de faire partie de cette coalition, mais refuser signifierait, à la face du public, qu'ils n'ont pas le réel désir de sortir le Québec de l'impasse et sont prêts à demeurer Canadiens à n'importe quelle condition. Je ne suis pas certain que beaucoup de sympathisants de ce parti accepteraient de cautionner une telle évidence. Il ne s'agit pas de convaincre au départ la majorité des Québécois de la nécessité de l'indépendance mais de leur prouver par les actes, et sur une période très courte, qu'à défaut de la faire, il n'existe aucune solution de rechange. C'est certainement moins glorieux mais au moins aussi valable en pratique que de continuer à leur en prêcher en théorie les vertus. Cela déconsidère-t-il l'idée de l'indépendance? Je n'y crois pas; je ne connais aucun peuple qui soit passé à l'acte à la suite d'une longue maturation purement intellectuelle: on découvre le besoin absolu de la liberté lorsque la chaîne devient intolérable, et elle devient intolérable lorsqu'elle est reconnue brusquement, brutalement, pour ce qu'elle est. Je défends cette position, tout en acceptant de me tromper, et suis prêt à en changer si on me présente autre chose qu'une théorie.
Si, même dans cette situation, les Québécois refusent l'indépendance, au moins les choses seront claires pour tout le monde. De toute manière, je n'ai pas un espoir démesuré de voir naître, du moins rapidement, une telle coalition, ne fût-ce que parce que le Parti québécois, en tout cas actuellement, est trop velléitaire pour tenter quoi que ce soit et parce que les autres partis et organismes indépendantistes sont trop préoccupés de pureté, trop méfiants, et quelques-uns trop pétris de sectarisme, pour s'unir à leurs alliés naturels dans un scénario qu'ils n'ont pas concocté eux-mêmes. Si c'est bien le cas, alors demeurons tous sur nos positions et continuons de convaincre tout le monde que la nation sera assimilée dans dix, quinze ou vingt ans si "nous ne suivons pas le bon chemin", le nôtre évidemment...
P.S. pour M. Bousquet. — En 1867, les termes de confédération et de fédération étaient indifféremment employés, et pas seulement au Québec. Par ailleurs, j'ai lu à peu près tout ce qui s'est écrit avant la concrétisation de l'AANB. Personne n'a jamais alors prétendu que le Québec y aurait le statut d'un État souverain ni qu'il s'agissait d'un pacte égalitaire entre deux nations. Cette dernière interprétation est venue après, et elle fut soutenue exclusivement par des Canadiens français. Parmi ces derniers, on trouve ceux qui avaient été assez naïfs pour s'imaginer les choses ainsi ou assez hypocrites pour masquer par là leur forfaiture d'avoir incité les Canadiens français à accepter de joindre la Confédération en votant pour les Bleus parce qu'ils émargeaient aux intérêts du groupe financier qui envisageait la construction d'un chemin de fer de l'Atlantique au Pacifique. On en trouve également qui, ni naïfs ni malhonnêtes mais ayant participé activement à la révolte avortée des Patriotes, croyaient sauver ainsi les meubles.