Pourquoi élisons-nous aujourd’hui tant de chefs sans vision?
20 décembre 2011
Est-ce bien scientifique, les explications par le sang ? On a ceux qui ont l'habitude d'attribuer les déboires d'un peuple à l'impureté de son sang. Trop de croisements, disent-ils, la race dégénère. Ceux-là ont plutôt mauvaise presse et ça se comprend. Mais il y en a d'autres pour qui c'est l'inverse. Pas assez de croisements, déplorent-ils, le sang s'use, la race s'anémie. Ils ont l'air de se situer à l'exact opposé des premiers, mais ils partagent avec eux la même fascination pour la génétique. Les uns gobinistes tout court, les autres gobinistes à rebours, tous ils piaffent de remettre à l'honneur la sociobiologie dont Alain de Benoist lui-même semble pourtant être revenu.
Tout événement ou tout phénomène historique a des causes multiples : politiques, militaires, économiques, sociologiques, culturelles, etc. Me semble qu'on peut regarder de ce côté-là avant de chercher la clé de tout problème dans le degré de métissage d'une collectivité, degré trop élevé pour les uns ou trop bas pour les autres.
Au milieu du XVIIIe nous étions, en gros, 70 000 et les Anglo-Américains 1 000 000. Nous tenions le coup depuis longtemps, avec héroïsme, mais, à moins de un contre dix, nous avons fini par tomber. Victimes d'une conquête militaire, nous sommes devenus colonie d'une métropole étrangère. Et le colonialisme, eh bien, ça produit des colonisés, et des colonisés, ça finit par avoir une mentalité de colonisé. La mentalité de colonisé est la conséquence et non la cause du colonialisme. D'où il s'ensuit que c'est après et non avant l'indépendance qu'un peuple subjugué se purge de sa mentalité de colonisé.
Le Rapport Durham, c'est vrai, est l'un des documents les plus importants de toute notre histoire. Il faut absolument le lire, bien sûr, même si cela est pénible tant il suinte et dégouline de mépris à l'égard des Canadiens-Français, «peuple sans histoire ni littérature».
Mais il faut lire aussi le «Portrait du colonisé» d'Albert Memmi où il est écrit que, sauf rarissime exception, «tout homme est ce que fait de lui sa condition objective». C'est suivi d'un «Portrait du colonisateur» où Memmi dénonce cette manie des colonisateurs d'attribuer systématiquement à des facteurs congénitaux l'infériorité politique des colonisés.
Dans les conditions où j'écris ce bref commentaire, je n'ai pas les numéros de pages pour les citations. Mais, bon, dans une tribune libre politique, celle de Vigile ou n'importe quelle autre, très rares sont les textes où l'opinion ne l'emporte pas sur une scientificité qui n'est souvent que toute formelle.
Luc Potvin
Verdun