À quelles condition sauver SNC-LAVALIN
22 février 2015
Monsieur Lachapelle,
Votre tribune soulève de nombreuses questions auxquelles il est difficile de répondre de manière satisfaisante pour le moment et c'est regrettable.
Je ferai d'abord la remarque suivante : la force d'une organisation vient notamment de la coopération des compétences et Lavalin est constitué d'équipes qui comptent d'autres compétences que celles des ingénieurs. Combien faudra-t-il de temps pour recréer une firme comme SNC Lavalin à des ingénieurs dispersés ? Je ne désire pas prendre la part de SNC Lavalin, mais je fais remarquer la difficulté et le temps nécessaire pour créer des entreprises phares comme Hydro-Québec, SNC Lavalin, Bombardier, CGI, etc. Si le Québec doit devenir plus riche, comme se plaît à le répéter PKP, il devra s'appuyer sur des entreprises de pointe, des entreprises qui ont du potentiel à l'export, dont idéalement quelques unes de grande envergure, non ? Même s'il faut les réformer.
J'identifie deux ou trois perdants commerciaux de l'invasion de la Libye il y a quatre ans (à part bien entendu les Libyens eux-mêmes qui écopent le plus) : les sociétés chinoises, les sociétés canadiennes et les sociétés françaises (?). L'OTAN a détruit sur son passage les contrats et les investissements étrangers bien établis dans ce pays pour les remplacer par quoi ou plutôt par qui ? Je n'ai pas la réponse mais il serait intéressant de fouiller et de voir venir. Car il doit bien y avoir quelques gagnants, à moins de croire que toute l'opération ne visait qu'à créer un autre «chaos créateur» sans ambition économique, ce qui est peu probable. L'autre question qui s'ensuit naturellement : Les nouvelles sociétés qui s'implantent ou s'implanteront en Libye en remplacement de celles qui ont été délogées, le feront-elles en respectant un haut niveau d'éthique et d'honnêteté sachant que tout ce qui pouvait exister de droit et d'ordre dans ce pays a été emporté avec la destruction de l'appareil d'État, qui n'était déjà pas très fort. S'il y avait du trafic d'influence, on peut présumer qu'il n'y en aura pas moins mais probablement plus que jamais auparavant.
Ma dernière question, serait : Le gouvernement du Canada défend-il suffisamment les intérêts canadiens à l'étranger, abandonne-t-il ses entreprises après avoir promu leur présence dans certains pays ? Agit-il en compradore, de façon vassalisée, par l'entremise d'une classe politique attachée à des intérêts qui ne sont pas nécessairement les meilleurs intérêts du Canada ? En ce cas, dépendant de la réponse, on pourrait trouver que le gouvernement du Québec défend relativement mieux qu'Ottawa, dans ce cas de figure, les intérêts d'une multinationale québécoise qui n'est sans doute pas sans reproche mais qui risque effectivement de ne pas survivre au tassement de l'économie mondiale qui se produit présentement. Qui dédommagera SNC Lavalin pour les pertes considérables qu'elle a subies en Libye, sans compter les pertes d'opportunités pour l'avenir ?
En tout réalisme, les pays qui réussissent dans le mode de production très imparfait et certes injuste qui est le nôtre semblent être les pays où la classe politique soutient son industrie sur le marché international et fait corps avec elle. Ce sont ces pays qui tirent le mieux leur épingle du jeu : Allemagne, Russie, Chine, Corée du Sud et, cas le plus complexe, les États-Unis.
Si le Canada sacrifie par vents contraires ses entreprises à l'étranger, comme dans le cas du comportement des autorités canadiennes qui ont soutenu avec zèle l'invasion de la Libye à l'encontre des intérêts économiques du Canada dans ce pays, le Québec indépendant ferait quoi ?