COVID

2022, le pire été pandémique au Québec

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7e vague : vers un retour des mesures sanitaires?


Morts beaucoup plus nombreuses, hospitalisations plus élevées, mais surtout, forte transmission communautaire : 2022 est à ce jour le pire été pandémique qu’a vécu le Québec. En pleine septième vague, la province fait maintenant face à une nouvelle réalité : les nouveaux variants brisent de plus en plus la « logique saisonnière » à laquelle nous avait jusqu’ici habitués la COVID-19.


« Plus le virus change, plus il nous fait des surprises. Il défait de plus en plus le phénomène de cycles saisonniers qu’on voyait avant, un peu comme la grippe. C’est quelque chose qu’on avait commencé à voir avec les précédents variants, mais qui se prononce de plus en plus », explique la Dre Sophie Zhang, médecin de famille au CHSLD Bruchési.


La pandémie se fait nettement plus sentir dans les hôpitaux québécois cet été. Ceux-ci doivent composer actuellement avec 1887 patients infectés. C’est nettement plus que les deux dernières années, même en tenant compte du fait que seulement le tiers des personnes hospitalisées (soit 640) a été admis en raison de la COVID-19. Durant la même période en 2020, on dénombrait 285 patients infectés et 81 en 2021.




 



Du côté de la mortalité, le Québec rapporte en moyenne 11 morts par jour. À pareille date en 2020, c’était moins de 3 par jour. Par ailleurs, la comparaison avec l’été 2021 est encore plus frappante. Entre le 15 juin et le 31 août, le Québec avait déploré en tout 54 morts. Cet été, le Québec en a déjà rapporté 243 depuis la mi-juin.




 



Le virus « n’a pas fini de changer »


La Dre Zhang rappelle que le virus « déjoue » de plus en plus l’efficacité immunitaire des vaccins, ce qui rend le potentiel de contamination encore plus grand, d’autant que la campagne de vaccination pour la dose de rappel s’essouffle au Québec. « C’est un effet de surprise. On est rendus à plusieurs vagues, on est rendus un peu [mieux] préparés. Personne ne s’attendait soudainement à avoir autant de cas cet été », ajoute-t-elle.





 




Comme lors des précédentes vagues, les jeunes propagent le coronavirus tandis que les plus âgées en paient le prix. Les deux tiers des personnes infectées actuellement ont moins de 60 ans. Celles-ci s’en tirent plutôt bien, peu d’entre elles subissant des complications. À l’inverse, les aînés de 80 ans et plus expliquent en grande partie le lourd tribut de la COVID-19 cet été. S’ils enregistrent à peine 13 % des cas, ils représentent plus du tiers des hospitalisations et des deux tiers des décès.




 



« Le problème, pour moi, c’est qu’on agit un peu comme si on était vraiment dans une phase endémique, alors qu’on ne l’est pas. On n’est pas encore capables de contrôler le virus, on ne peut pas le prévoir, il n’est pas cyclique comme l’est l’influenza, par exemple. C’est ce qui nous surprend tous en ce moment », affirme le virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM Benoit Barbeau, pour qui l’échappement vaccinal grandissant y est probablement aussi « pour beaucoup ».


À ses yeux, la population « a déjà décidé que la pandémie était endémique, et qu’on passe à la suite », ce qu’il dit comprendre après plus d’un an de restrictions sanitaires. « Sauf que la réalité, c’est qu’on ne sera pas dans une endémie tant qu’on ne sera pas capables de prévoir la propagation de ce virus. »




On est dans l’idée qu’on vit avec la COVID-19, mais elle nous surprend encore énormément.



Benoit Barbeau, virologue



« On voit que depuis le variant BA.5, en particulier, le virus a vraiment amélioré sa capacité de se transmettre, ajoute-t-il. Et il faut s’attendre pour les prochains mois à ce qu’il continue de le faire. Il n’a pas fini de changer. »


Les absences « font mal »


Si les décès et les hospitalisations demeurent maîtrisés dans le réseau de la santé, c’est surtout la forte transmission communautaire et l’absence marquée du personnel qui « font mal » actuellement, estime le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher. Vendredi, on comptait 7138 travailleurs absents en raison de la pandémie dans le réseau de la santé.


« Le plus gros problème qu’on a en ce moment, c’est vraiment la congestion du système, observe-t-il. Quand on rajoute deux ou trois collègues qui disparaissent à chaque quart à cause de la COVID, ça donne des journées à des étages où il n’y a presque pas d’admissions. »


Le DBoucher affirme que dès le début de la journée, dans plusieurs établissements, « les urgences sont déjà à moitié remplies de patients qui attendent des hospitalisations » pour la COVID-19, mais surtout en majorité pour d’autres raisons. « S’occuper de 10 000 patients avec la moitié des lits qui peuvent être gérés, c’est très complexe. Depuis trois mois, les taux de départ de patients qui partent sans avoir vu un médecin avoisinent les 15 %. Historiquement, on est plus sur du 10 % », poursuit-il.



La situation en bref


Les 11 morts rapportées vendredi ont porté la moyenne quotidienne calculée sur sept jours à 11. La tendance est en hausse de 10 % sur une semaine. Le Québec a également signalé vendredi une augmentation de 27 hospitalisations. Les 1887 personnes hospitalisées actuellement représentent une hausse de 22 % sur une semaine. Aux soins intensifs, les 42 patients représentent une tendance stable sur une semaine. Les 1910 nouveaux cas rapportés vendredi ont porté la moyenne quotidienne à 1736. La tendance est ainsi en hausse de 26 % sur une semaine. Enfin, la campagne de vaccination continue à progresser. Le Québec administre en moyenne 10 500 doses par jour, principalement des quatrièmes doses. À ce jour, 83,6 % des Québécois ont reçu deux doses, mais seulement 52,7 %, trois, et 15,4 %, quatre.


Pierre-André Normandin, La Presse





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