Le Québec connaît une véritable «épidémie de grèves», représentant 91% des arrêts de travail survenus au Canada depuis 2023. L’Institut économique de Montréal (IEDM) lance un appel pressant à une intervention gouvernementale stricte, soulignant que 87% des conflits de travail proviennent du secteur public. « Les grèves ne sont plus l’exception, elles sont devenues la règle, surtout dans le secteur public », dénonce Gabriel Giguère, analyste sénior en politiques publiques de l’IEDM.
Or le projet de loi 89, aussi appelé projet de loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, vise à limiter l'impact des conflits de travail sur l'économie québécoise. Il permettrait au ministre du Travail de demander l'arbitrage si une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population.
Dans mon jeune âge, j’entendais autour de moi des commentaires agressifs sur les grèves déclenchées par des syndiqués « toujours insatisfaits de leurs conditions de travail ». Dans ma tête, ils étaient considérés comme des « méchants ». Puis, plus tard, ma conception a changé devant les allusions négatives envers les employeurs « ayant tendance à exploiter les travailleurs ».
Mais qu’en est-il aujourd’hui? Le droit de grève est-il devenu abusif au Québec? Partant du principe que le déclenchement d’une grève émane nécessairement d’un mécontentement de la part des travailleur à l’égard de leurs conditions de travail, je suis d’avis que la nature du climat qui règne à la table des négociations est primordial, voire déterminant pour la suite des choses.
En fait, si des négociations monstres se sont conclues par des accords dans les années ‘70 entre le Front commun et le gouvernement, du temps des Laberge, Pépin et Charbonneau, ils doivent être attribués en grande partie au climat de « concertation » qui s’était développé entre les parties, la table de concertation visant principalement à consulter et à échanger des idées dans un esprit de collaboration, tandis que la table de négociation a pour but de parvenir à un accord, souvent en faisant des concessions et, dans le cas d’impasse, en déclenchant une grève.
Au Québec, le droit de grève est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, à mon sens, il doit être utilisé dans des circonstances ultimes où la concertation est devenue impossible. Dans tel cas et seulement dans tell cas, le droit de grève devient la seule issue pouvant conduire à une entente à la satisfaction des parties.
Henri Marineau, Québec
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3 commentaires
François Champoux Répondre
16 mai 2025Bonjour M. Marineau,
Alors que pensez-vous de ma réponse à votre question ouverte?
Moi qui ai cru longtemps au coopératisme vrai inventé par Dorimène et Alphonse Desjardins avant qu’il ne bifurque dans son frère de sang : le communisme actuel et ses oligarchies qui s’en mettent plein les poches au détriment des «membres» lesquels sont maintenant plus exploités collectivement que ne le sont les capitalistes ordinaires des banques?
L’hypocrisie des humains n’est pas chose animale sinon de ce seul animal plus intelligent que les autres.
François Champoux, Trois-Rivières
Henri Marineau Répondre
13 mai 2025Bonjour M. Champoux,
"Vous vous demandez si le droit de grève est abusif au Québec, et vous n’y répondez pas."
Mon titre est une question ouverte qui laisse délibérément le choix de réponse au lecteur.
François Champoux Répondre
12 mai 202512 mai 2025
Alors, M. Marineau, «le droit de grève est-il abusif au Québec?»
Je n’ai jamais été syndiqué. Ouf! dois-je confesser. La solidarité imposée: non merci pour moi.
La solidarité est un humanisme qui doit être ponctuel; jamais permanent. C’est la nature qui nous la commande et non pas un chef d’une quelconque organisation qui se veut charitable ou patronale.
Évidemment, n’ayant jamais levé de pancartes ou de cris à la justice des hommes, j’ai dû me ranger, accepter, assumer et me débrouiller. Je le confesse. Je n’en suis pas encore mort ni trop souffrant.
On m’a même reproché de manquer de respect aux moins nantis comme si j’étais un sans cœur, un parvenu, un égoïste de premier plan qui n’a de vision du monde que l’accumulation des richesses comme un vrai capitaliste sans autre ambition que de devenir plus riche, toujours plus riche, plus gros jusqu’à l’éclatement de sa panse.
Le syndicalisme est né au XIX siècle de l’abus du capitalisme et le droit de grève fut arraché de force aux puissants financiers. Mais depuis, le capitalisme a enrichi tout un chacun faisant des syndiqués (et du syndicalisme) une force qui peut à son tour en imposer à tout le monde.
Quand on impose, on ne propose plus. C’est là une lapalissade qui doit nous interroger sur le sens du droit de grève à savoir jusqu’où pouvons-nous imposer un droit acquis au prix de luttes qui deviennent maintenant plus fratricides que bénéfiques.
La justice est toujours un balancement entre le respect de soi et de l’autre. C’est l’abus qui crée la démesure. J’ai vu des travailleurs qui ne travaillaient qu’au salaire double de l’heure; plus jamais au salaire simple. J’ai entendu samedi dernier un travailleur qui clamait être écœuré de travailler 2 jours par semaine pour se reposer 5 jours, mais être content d’encaisser 1000. $ pour ses deux jours de travail.
Vous vous demandez si le droit de grève est abusif au Québec, et vous n’y répondez pas. Je vous répondrais que ce n’est pas la bonne question; il faut plutôt demander si le travail est encore compris comme la source de gagner sa vie et sa pitance pour se nourrir dans l’esprit des Québécois. Honnêtement parlant, faut-il se comparer sans arrêt et ne jamais être satisfait au nom d’une solidarité compulsive avec soi-même et les nôtres seulement?
Si je devais choisir aujourd’hui de travailler dans une organisation syndiquée ou non, je choisirais de travailler là où le syndicat n’existe pas, et je négocierais avec mon patron mes conditions de travail. Si l’entente me satisfaisait, j’y travaillerais sans regret. Quant à la solidarité, je la concevrais encore ponctuellement sans en faire une imposition à personne, sauf évidemment si la démesure (l’abus de pouvoir d’un côté comme de l’autre) devenait la mesure.
C'est quand on s'attribue des droits qu'on gagne en respect, mais qu'on perd en sens de la vie: la vie n'est pas un droit; elle est une chance à conjuguer sans en imposer. Desjardins était une coopérative née elle aussi des abus du capitalisme; aujourd'hui, les dirigeants de Desjardins abusent de la philosophie conceptuelle du coopératisme pour l'imposer au lieu de la proposer. Les exemples ne manquent pas: ils se comptent par centaines partout au Québec. C'est là un abus d'autorité qui lui sera fatal.