Québec

Contorsions et ligne de parti

Il aura suffi de peu de temps à Pauline Marois pour renaître de ses cendres

Contorsions ?...




Robert Dutrisac - C'est incroyable ce qu'un sondage peut faire. Pauline Marois, tel un phénix, renaît de ses cendres alors que certains députés péquistes prédisaient il n'y a pas si longtemps qu'elle ne passerait pas l'hiver. Et voilà que des brebis égarées, comme Louise Beaudoin et Pierre Curzi, songent à revenir dans son giron, tandis que d'autres changent de note, comme Stéphane Bergeron, qui mettait en doute sa crédibilité l'été dernier et qui se livrait, dans nos pages hier, à un éloge quelque peu dégoulinant de la «Dame d'acier». Inoxydable, de surcroît.
À la mi-janvier, Bernard Drainville, dans une entrevue au Devoir, disait craindre que le Parti québécois ne disparaisse. Hier, il affirmait que «les choses vont beaucoup mieux». Quelques semaines seulement et les risques de disparition du parti de René Lévesque se sont évanouis. «Quand j'ai fait mes déclarations, on ne peut pas dire que ça allait très bien. Depuis ce temps-là, les choses se sont replacées», a-t-il fait valoir.
Comme son collègue Stéphane Bergeron, Bernard Drainville a loué l'opiniâtreté de Pauline Marois. «Vous avez vu comment elle a passé à travers les épreuves des derniers mois. Je pense qu'elle est faite forte, pas mal de monde l'ont constaté», a-t-il dit. Lui le premier, peut-on ajouter.
Certains députés péquistes ont l'air de conspirateurs qui, après avoir tenté sans succès d'empoisonner la reine, vantent sa forte constitution. À les entendre aujourd'hui, on pourrait croire que la contestation du leadership de Pauline Marois avait pour seul but de rehausser son prestige.
Il y a d'étranges passages dans la lettre flagorneuse de Stéphane Bergeron. Le député de Verchères écorche au passage Pauline Marois en avançant que la population a des raisons de ne pas l'aimer. «On peut certes avoir des réserves à l'égard de madame Marois, ne pas apprécier cette image guindée et hautaine», écrit-il, en ajoutant, comme pour se rattraper: «que d'aucuns se sont employés à renvoyer d'elle».
Puis, établir un parallèle entre Margaret Thatcher et Pauline Marois a quelque chose de hasardeux: la Dame de fer et la Dame de béton ou d'acier inoxydable se trouvent à l'opposé du spectre politique, comme le rappelle d'ailleurs le député.
Pauline Marois n'a pas, comme Margaret Thatcher, «finalement dû baisser pavillon devant les jeux de coulisse, le grenouillage, les coups bas, les déloyautés et les trahisons des collègues de sa propre formation politique». C'est une belle description des luttes intestines au PQ que fait là Stéphane Bergeron. Aussi, pour reprendre le mot d'un collègue du Soleil: si Pauline Marois est la Dame d'acier, Stéphane Bergeron est l'Homme de caoutchouc.
Comparer Pauline Marois à Margaret Thatcher, c'est un peu comme mettre dans le même sac François Legault et Mitt Romney, un rapprochement issu de l'imagination débordante du désormais célèbre caquiste François Rebello. À part le fait que le premier est riche et que l'autre est archi-riche, on ne voit pas.
Plus fine que le député de Verchères, Louise Beaudoin expliquait hier que ce ne sont pas les récents sondages qui font qu'elle songe très sérieusement à regagner prochainement le PQ. Quand elle a claqué la porte en juin, le PQ dominait dans les sondages. C'est plutôt que «le verre est à moitié plein», a-t-elle joliment déclaré. Louise Beaudoin se réjouit des changements auxquels a souscrit Pauline Marois, comme le vote libre des députés et les référendums d'initiative populaire. Ce verre, tel un calice, encore faut-il qu'elle le boive jusqu'à la lie.
Car la chef péquiste a vite fait de mettre des balises à ces référendums. Pauline Marois n'a aucune intention de se laisser entraîner dans une campagne référendaire sans qu'elle le décide: elle prendra tous les moyens pour éviter cette éventualité. Quant au vote libre, gageons que les péquistes n'y auront recours que très rarement, si jamais vote libre il y a, et encore, sur des enjeux qui ne portent pas à conséquence. Faire de la politique autrement, comme le veut la formule, abandonner la ligne de parti, apparaît bien théorique dans un système politique de type britannique où le rôle de l'opposition, c'est de s'opposer. Peut-on imaginer une seconde un vote libre sur la Loi sur les mines ou la hausse des droits de scolarité? Poser la question, c'est y répondre.
Si certains péquistes qui ont démissionné en juin reviennent au parti, ce sera indéniablement pour rentrer dans le rang. Car c'est grâce à sa cohésion qu'un parti gagne des élections.
Se marcher sur les pieds
François Legault est confronté à cette réalité. Comme l'avait prédit Jean Charest, la Coalition avenir Québec est minée par ses contradictions. Tel le Christ portant sa croix, François Rebello est tombé trois fois: la première en faisant une profession de foi souverainiste lors de l'annonce de son adhésion à la CAQ, la deuxième en évoquant le fait qu'avec des transports en commun adéquats, les banlieusards pourront se contenter d'une seule voiture et, enfin, la troisième, en affirmant que Québec devait poursuivre Ottawa en raison de son retrait du protocole de Kyoto. François Rebello, cet ancien entrepreneur — il a fondé une société-conseil pour les fonds de placement —, est un député hyperactif qui déplace de l'air. Mais en très peu de temps, il a marché sur pas mal d'orteils.
François Legault a commencé par défendre son député. Après tout, le profil de François Rebello correspond à celui des candidats qu'il recherche: gens d'affaires ou cadres dynamiques âgés de 35 à 45 ans. En prime, il dispose d'une solide expérience politique dont on peut douter toutefois qu'elle s'accompagne d'un jugement sûr. Depuis, François Legault a remis à l'ordre son fougueux transfuge en lui enjoignant de se taire.
Quand François Legault, à la tête de son «groupe de réflexion», faisait sa tournée l'an dernier, sa démarche originale incarnait la nouveauté. Maintenant qu'il dirige un parti, François Legault doit composer avec la nature même d'une formation politique: cohésion, discipline et ligne de parti. Disons que cela fait beaucoup moins nouveau.


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