Doan n'est pas la bonne cible, plaide Hockey Canada

«C'est pour ça que nous sommes ici, pour protéger Shane Doan», a plaidé M. Nicholson, parfois émotif dans ses réponses.

Quand le sport devient politique

Isabelle Rodrigue - Les deux sports nationaux canadiens — la politique et le hockey — se sont joués dans la même enceinte, jeudi, les représentants de Hockey Canada se portant à la défense du capitaine Shane Doan devant les députés qui s'interrogeaient sur cette nomination.
Pendant près de deux heures, le président du conseil d'administration de Hockey Canada, René Marcil, et le directeur général, Bob Nicholson, ont défendu leur choix devant le comité parlementaire des langues officielles, décrivant Shane Doan comme une personne «exceptionnelle», un «chrétien» qui utilise le mot «fudge» comme juron.
En plus, M. Nicholson a affirmé que les gens qui reprochaient au hockeyeur d'avoir manqué de respect envers les francophones, en lançant «fucking Frenchmen» à l'endroit d'un arbitre lors d'un match de la Ligue nationale de hockey (LNH) en décembre 2005, se trompent de cible.
Selon le dirigeant de Hockey Canada, le rapport de la LNH confirme que les insultes ont été dites, mais pas par Shane Doan, et probablement pas par un joueur Canadien.
«C'est pour ça que nous sommes ici, pour protéger Shane Doan», a plaidé M. Nicholson, parfois émotif dans ses réponses.
Il faut dire que le sujet, qui a été lancé en début de semaine, avait tout pour devenir un débat explosif sur la colline parlementaire. Suscitant d'abord l'intérêt des médias francophones, l'affaire a pris des proportions énormes au rythme de l'intérêt du Canada anglais.
Mais contrairement au Québec, où la nomination de Shane Doan comme capitaine de l'équipe de hockey nationale crée un certain malaise, le reste du Canada se porte à la défense du joueur et s'offusque de la démarche des politiciens.
«Laissez Capitaine Canada tranquille!», titrait par exemple le Calgary Sun, à la une de son édition, jeudi.
Avec ce mélange pour le moins bizarre de hockey, de politique et de langues officielles, les politiciens ont patiné tant bien que mal pour éviter les écueils.
Seul le bloquiste Luc Malo a osé se jeter dans la mêlée avec agressivité. «Un droit de réserve, le mettre de côté cette fois-ci, ça ne vous aurait pas fait mal, ça n'aurait pas fait mal à l'équipe. Pourquoi vous n'avez pas respecté les amateurs?», a lâché M. Malo.
René Marcil a répliqué que les amateurs auxquels le bloquiste faisait référence ne s'étaient pas manifestés, du moins pas à sa connaissance puisqu'il n'avait pas eu vent de plaintes.
«Ce que je trouve de valeur, c'est que c'est la deuxième fois qu'on dérange la concentration d'Équipe Canada avant le championnat ou durant le championnat. C'est important de le dire, on veut aller là-bas, on veut gagner (...) C'est certain qu'on veut en parler, mais ce n'est peut-être pas le bon moment», a expliqué M. Marcil, après son témoignage.
M. Marcil a fait valoir que les explications de la LNH, qui n'a pas trouvé Shane Doan responsable, ont satisfait Hockey Canada qui ne regrette pas son choix. Quant aux poursuites mutuelles pour diffamation entre l'attaquant et le député libéral Denis Coderre, elles ne sont pas terminées.
«Je ne vois pas en quoi on ne pourrait pas prendre Shane Doan et continuer à travailler avec lui parce que c'est en cour actuellement, ce sont des allégations et il n'y a rien de prouvé», a poursuivi M. Marcil.
Toute cette affaire remonte à décembre 2005, lors d'une rencontre disputée à Montréal. Le joueur des Coyotes de Phoenix est soupçonné d'avoir tenu des propos racistes à l'endroit d'officiels francophones. Quelques minutes avant la fin du match, il aurait traité les arbitres de «fucking Frenchmen».
Le joueur a toujours nié avoir prononcé de telles paroles, et c'est ce qu'il a répété, mardi, en marge du championnat mondial qui se déroule en Russie. Shane Doan martèle que la Ligue nationale de hockey (LNH) l'a blanchi de toutes les allégations.
Michel Cormier, le juge de ligne impliqué dans cet échange, maintient, dans une déclaration sous serment déposée en cour, qu'il a entendu le joueur prononcer les paroles.
Sous impulsion du Bloc québécois, les députés de tous les partis ont convenu, à l'unanimité, d'inviter les représentants de Hockey Canada justifier la nomination de Shane Doan comme capitaine devant le comité des langues officielles. Dans le budget annuel de 53 millions $ de
Hockey Canada, un peu plus de 3 millions $ proviennent de fonds publics.
Mais jeudi, les députés conservateurs semblaient regretter d'avoir donné leur appui.
«Les gens dans mon comté me disent qu'ils aimeraient envoyer les politiciens au banc des pénalités et qu'on laisse les joueurs d'Equipe Canada mettre la rondelle dans le filet», a illustré le député conservateur Pierre Poilièvre, avant de poser des questions sur les connaissances des gens de Hockey Canada sur un crédit d'impôt pour les activités sportives.
Après la rencontre, le président du comité, le conservateur Guy Lauzon, expliquait qu'il était temps de passer à autre chose. «On regrette que le Bloc ait fait de la petite politique avec ce sujet, a déclaré M. Lauzon. Malheureusement, on avait une motion du Bloc, et la raison du Bloc, on le sait, c'est de séparer le pays.»
Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, maintient toutefois qu'il est légitime de s'interroger et il n'accepte pas qu'on accuse son parti de mettre de l'huile sur le feu.
«On devrait se taire, accepter d'être des citoyens de deuxième classe? Les autres partis ont tous appuyé notre demande. Ca aurait été curieux que l'on ne pose pas ces questions. Nous, on n'est pas du genre «né pour un petit pain». Alors, on les pose ces questions, on a raison de les poser», a soutenu M. Duceppe.


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