Harper reconnaît la nation québécoise en Australie

Stephen Harper était en Australie pour participer au sommet de l’APEC à Sydney, qui a pris fin dimanche. Ses déclarations en ont surpris plus d’un...

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«the Québécois nation»... Pas très "inclusif"... En rapetissant la nation québécoise à un nationalisme ethnique, Harper se montre dans sa vérité: un "diviseur". (Vigile)

Photo AFP Joël-Denis Bellavance - Stephen Harper a conclu son séjour d’une semaine en Australie avec un geste audacieux. Dans un discours devant le Parlement australien, il a affirmé sans ambages que les Québécois forment une nation au sein du Canada. Il a de plus brandi la menace d’abolir le Sénat canadien, si ses efforts pour réformer cette institution restent vains.



M. Harper est le premier chef d’un gouvernement canadien à reconnaître la nation québécoise sur la scène internationale. Ce geste sans précédent pourrait provoquer des remous. La reconnaissance de la spécificité québécoise, à l’étranger par surcroît, ne fait pas encore l’unanimité au pays.
L’an dernier, le gouvernement conservateur avait fait adopter une motion à la Chambre des communes déclarant que «les Québécois forment une nation au sein du Canada uni».
Stephen Harper a fait cette surprenante déclaration devant les députés et les sénateurs australiens, en français d’abord et en anglais ensuite pour bien se faire comprendre. «L’Australie est née en anglais. Le Canada est né en français, à Québec, il y aura 400 ans l’année prochaine, et cela se reflète jusqu’à ce jour par la présence des francophones et de la nation québécoise au sein de notre pays uni», a-t-il d’abord dit en français. En anglais, le premier ministre a utilisé l’expression «the Québécois nation» devant ses hôtes, dont le premier ministre australien John Howard.
M. Harper a tenu ces propos alors qu’il relevait dans son discours les différences entre le Canada et l’Australie, mais aussi les valeurs communes qui unissent les deux pays même s’ils sont séparés par l’océan Pacifique et situés à des milliers de kilomètres l’un de l’autre.
Selon des informations obtenues par La Presse, hier, M. Harper a décidé seul, sans obtenir l’avis de ses proches collaborateurs, de conclure sa visite officielle en Australie en faisant une telle déclaration devant le Parlement. Certains de ses conseillers l’ont appris 24 heures seulement avant qu’il ne prononce son discours.
« Pour la première fois, un premier ministre reconnaît la nation québécoise sur la scène internationale. Et il n’arrête pas là. Il dit que si l’Australie est née en anglais, le Canada, lui, est né en français », a tenu à souligner à La Presse hier un haut fonctionnaire sous le couvert de l’anonymat.
« Le premier ministre tenait à démontrer le profond respect qu’il a pour les Québécois et les francophones et reconnaître du même coup leur importante contribution dans l’évolution du Canada », a expliqué une autre source gouvernementale.
Interrogé pour savoir si le premier ministre ne craint pas de provoquer une tempête politique au pays en tenant de tels propos à l’étranger, cette source a répliqué: «Ce que nous avons reconnu au Parlement (la nation québécoise), on le reconnaît et le respecte aussi à l’étranger.»
Réforme du Sénat
M. Harper a de plus réitéré son intention de réformer le Sénat. «Le Sénat australien démontre comment une Chambre haute réformée peut fonctionner au sein de notre système parlementaire. Et les Canadiens comprennent que notre Sénat, tel qu’il est aujourd’hui, doit soit changer ou, comme les anciennes Chambres hautes de nos provinces, disparaître.» Deux projets de loi sur la réforme du Sénat sont bloqués au sénat. L’un prévoit limiter le mandat des sénateurs à huit ans. Un deuxième projet de loi prévoit des élections sénatoriales. Deux projets auxquels s’oppose la majorité libéral au Sénat.
M. Harper s’est rendu en Australie pour participer au sommet de l’APEC à Sydney, qui a pris fin dimanche. Durant son séjour, le premier ministre a été fidèle à son habitude de faire ses déclarations officielles d’abord en français devant les journalistes canadiens et ensuite en anglais parce que le français, selon lui, «est la langue fondatrice du Canada», a-t-il déjà indiqué. M. Harper a aussi eu un entretien bilatéral avec le président du Pérou, Alan Garcia, qui sera l’hôte du prochain sommet de l’APEC. Les deux hommes se sont entretenus… dans leur langue seconde, le français, pendant plus d’une demi-heure.
Dans son discours d’une vingtaine de minutes devant les parlementaires australiens, M. Harper a par ailleurs profité du sixième anniversaire des attentats terroristes au États-Unis pour défendre la mission canadienne en Afghanistan, affirmant qu’il s’agit d’une cause «noble et nécessaire».
Il a souligné que le Canada et l’Australie ont souffert à leur manière d’actes terroristes. Vingt-quatre Canadiens ont perdu la vie dans les attentats du 11 septembre 2001. Et 70 soldats et un diplomate canadiens ont été tués en Afghanistan. Plusieurs Australiens ont aussi été tués dans un attentat revendiqué par Al-Qaeda à Bali, en Indonésie.
«Nos deux pays ont été ensanglantés par le terrorisme. Et nous faisons tous les deux notre part pour contrer le terrorisme. En Afghanistan et ailleurs, nos deux pays se sont engagés à collaborer. Comme l’a dit le premier ministre Howard lors de son allocution devant notre Parlement l’année dernière, "ce n’est pas seulement pour le bien de l’Australie et du Canada, mais pour le bien de tous les peuples du monde"», a affirmé M. Harper.
«Cette cause est à la fois noble et nécessaire. Car comme l’ont démontré les événements du 11 septembre, si nous abandonnons nos semblables à la pauvreté, à la brutalité et à l’ignorance, dans le village mondial d’aujourd’hui, leur misère deviendra éventuellement, et inévitablement la nôtre», a-t-il ajouté.
Bras de fer
M. Harper a tenu ces propos alors qu’un bras de fer se dessine le mois prochain entre son gouvernement conservateur minoritaire et les trois partis d’opposition à la Chambre des communes sur la poursuite de la mission canadienne en Afghanistan après février 2009.
En fin de semaine, M. Harper a fait savoir qu’il souhaite prolonger la mission des troupes canadiennes, mais qu’il n’avait pas l’intention de tenir un vote précipité sur une prolongation à moins d’avoir un consensus des autres partis.
Les libéraux et les bloquistes, qui exigent la fin de la mission de combat en février 2009, et les néo-démocrates, qui réclament le retrait immédiat des troupes, ont réagi avec colère en menaçant de renverser le gouvernement lorsqu’il présentera son discours du Trône le 16 octobre.
À son arrivée dans la capitale Canberra, hier, M. Harper a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du soldat inconnu au Monument de guerre. Après son discours, aujourd’hui, il devrait rencontrer le chef du Parti travailliste, Kevin Rudd, qui a d’excellences chances de déloger John Howard du pouvoir aux élections prévues d’ici quelques semaines.


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