LA CRISE NE FAIT QUE COMMENCER

La fin du capitalisme et le retour du Roi

Changements économiques et politiques majeurs en cours

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Tribune libre

La tendance haussière des bourses que lon observe en ce moment n’est qu’un leurre. Elle est l’effet du bazooka monétaire qui est utilisé depuis des années – « quantitative easing » et « repo » – pour renflouer le système bancaire mondial, qui est complètement à l’agonie depuis 2007-2008 et la crise dite des subprimes.


Oui, un bazooka, car nous sommes en guerre. Cette formule, Emmanuel Macron l’a répétée six fois lors de son discours d’annonce de la mise en confinement de la France, pour mieux souligner la gravité de la situation que nous vivons.


 


Sauf qu’une guerre contre un virus, c’est une guerre impolitique, car une guerre par principe ne peut qu’être d’ordre humain, peuple contre peuple, comme jadis Agamemnon le Grec combattit, avec ses majestueuses hordes, celles de Priam le Troyen, qui ne l’étaient pas moins.


Ces simagrées présidentiels – relayés par une femme qui semble totalement perdue parmi la clique de « babtous », de blancs, qui l’environnent, N’Diaye la Sibeth – qui s’expliquent notamment par l’incurie d’un gouvernement qui, à l’orée de l’annus horribilis 2020, s’ingéniait à réparer l’onanisme racoleur du grivois impétrant au trône de l’hôtel de ville de feue la place de grève, sont là pour dissimuler les impérities et les avaries d’un polichinelle de la bancocratie face à une situation sanitaire sans précédent.


 


Le système médiatico-politique se sert de cette pandémie comme d’un cache-misère couvrant cette réalité certaine : le capitalisme est en voie de disparition.


L’État libanais n’a pas attendu le Covid-19 pour être en cessation de paiement. La « Suisse de l’Orient » a fait faillite vers janvier 20201, cette faillite étant le signe avant-coureur de quelque chose d’inéluctable, d’irréversible. Qu’on se le dise : la Banque court à sa perte, le système financier se précipite dans les abysses, chutant tel l’astre brillant évoqué par Isaïe (14 : 12-14) que d’aucuns ont vu tomber comme l’éclair.


 


En moyenne, le portefeuille boursier de l’épargnant occidental s’est contracté à hauteur de 30 % au mitan du mois de mars 2020. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire l’a bien fait remarquer : « le coronavirus est l’histoire de semaines, le dérèglement économique est l’histoire de mois voire d’années. L’enjeu surdéterminant de l’heure n’est pas la comptabilité des décès des personnes physiques – si tragiques soient elles – mais celle des personnes morales, plus précisément, les entreprises, avec son lot de patrons et de salariés qui, déjà en difficulté, en atteste le mouvement des Gilets jaunes, se trouvent sur le carreau.


 


Nous sommes désormais plongés dans une situation de commotion généralisée. Or ce que les tenants du système capitaliste voudraient nous faire croire, c’est que cette agonie économie résulte principalement des mesures de restriction aux échanges internationaux.


L’arbre « coronarien » pour cacher la forêt chrématistique : là se trouve la clé de compréhension décisive.


 


Quel est le critère fondamental, si l’on s’intéresse à la condition de possibilité archétypique du capitalisme ?


La propriété privée ? Non, car si vous revendiquiez, aux temps de l’Antiquité, le lopin de terre de tel maître d’esclave, vous eussiez reçu une fin de non-recevoir exprimée à coups de glaive... Et la condition d’esclave, si judicieusement examinée par Hegel dans sa Phénoménologie de l’esprit, qui existait à cette époque, n’est-ce pas la preuve que l’idée de propriété privée ne fut pas une invention du capitalisme moderne ?


Ni la possession foncière, ni l’usage privé de moyens de production, même rudimentaires ne sont au fondement de notre système socio-économique « positif » (au sens où les juristes utilisent cet adjectif, c’est-à-dire actuel, en vigueur)2.


La logique du profit alors ? Faire du profit c’est dégager une plus-value, à la suite d’un effort productif ou spéculatif permettant, par le truchement de la consommation, de procurer une utilité, un bien-être.


 


Mais, dans ce cas-là, les différents ordres monastiques médiévaux étaient des entreprises capitalistes car ils créaient beaucoup de valeur ajoutée. L’essor du capitalisme s’explique en partie par la force du clergé régulier médiéval3, mais il est absurde de voir dans celui-ci une système social capitalistique. Et, en outre, nous pourrions encore remonter plus loin dans le temps. Le nomade de la préhistoire qui prend soin des ses bêtes dégage, en accomplissant cela, un profit mais n’est-il pas inepte de le considérer comme un capitaliste ?


Quel rapport y a-t-il entre lui et les requins de la City et de Wall Street dont parlait Georges Bernanos dans La grande peur des bien-pensants en ces termes : « Vous aurez quelque petit cireur de bottes yankee, un marmot à tête de rat, demi-saxon, demi-juif, avec on ne sait quoi de l’ancêtre nègre au fond de sa moelle enragée, le futur roi de l’Acier, du Caoutchouc, du Pétrole, le Trusteur des Trusts, le futur maître d’une planète standardisée, ce dieu que l’Univers attend, le dieu d’un univers sans Dieu » ?


 


En fait l’ontologie du capitalisme est à chercher auprès des réflexions livrées par Aristote, et plus tard, Karl Marx. Ce dernier, diplômé d’un doctorat de philosophie portant sur le philosophe antique Épicure, avait fondé sa théorie de la valeur sur les enseignements du maître d’Alexandre le conquérant.


La légalisation de l’usure fut le point de départ de l’épopée capitaliste. L’interdit posé par Aristote de cet usage contre nature de la monnaie qu’est le prêt à intérêt fut conservé par l’Église catholique, laquelle fut ardemment combattue à partir de la Réforme au XVIème siècle, puis persécutée par la Révolution de 1789, après avoir été dénigrée par les Lumières, et enfin singée par le Romantisme, qui mettait de l’eau – « bénite », mais ce retour du sacré était trop souvent mâtiné de gnosticisme – dans le vin âpre de l’esprit athée, individualiste, républicain et démocratique.


 


À ses début, le taux d’intérêt était exorbitant. La prohibition fait monter en flèche les prix. Regardez les produits stupéfiants, c’est parce qu’ils sont illégaux qu’ils sont si chers. Si on prend l’exemple du prêt à la grosse aventure, très pratiqué au temps des Grandes Découvertes4, il est « ordinairement de 25 % à 30 % et jusqu’à 40 % en période de guerre »5.


Dans La Révolution française, Pierre Gaxotte indique qu’en août 1789, l’État français a souscrit un emprunt public de trente millions de francs à 4,5 %. Cet usage jadis proscrit s’était ainsi normalisé, la Loi traditionnelle avait été oubliée par les derniers rois.


« Quoique nos rois s’appelassent encore les fils aînés de l’Église, ils s’acquittaient fort négligemment de leurs obligations envers elle ; ils montraient bien moins d’ardeur à la protéger qu’ils n’en mettaient à défendre leur propre gouvernement »6, note Alexis de Tocqueville.


D’où la thèse selon laquelle la Révolution française fut un châtiment divin dirigé contre la Monarchie capétienne et la noblesse. Il est certains que nos derniers rois de France n’étaient pas sans défauts, ni sans limites cognitives.


 


Dans Enquête sur la monarchie, Maurras explique que lors de ses discussions avec Frédéric Amouretti, qui devaient être d’une vivacité formidable, les deux compères en arrivaient à cette conclusion, exprimée sous forme de discours :


« Citoyens, on vous a raconté que nos rois étaient des monstres : il y eut parmi eux, c’est vrai, des hommes faibles, peu intelligents, plusieurs médiocres, débauchés, et peut-être deux ou trois méchants. Il y en eut qui fussent des hommes remarquables, la plupart furent des hommes d’intelligence moyenne et consciencieux. Regardez leur œuvre : c’est la France. »7


Quelle œuvre, effectivement ! Sa démarche conséquentialiste sous-tend qu’il éprouvait un amour de son pays plus que du roi. Son sol, sa lumière, ses exhalaisons, ses vastes forêts, ses champignons, ses productions fruitières, ses viandes et fromages, son vin fort fameux, ses sources d’eaux riches de toutes sortes de minéraux, ses cours d’eau, lacs, mers et océans, et ses habitants bien sûr, de la passementière à la duchesse, de bûcheron au marquis ; ceux-là sont des vivants, mais il y a aussi la reviviscence des illustres ancêtres qui compte, autant.


 


La pérennité de ce pays de cocagne ne peut être assurée que par le Roi. Maurras, semble-t-il ne ressentait pas d’admiration spéciale pour les nobles d’ancien régime, tout en soulignant la supériorité ontologique de l’aristocratie, corollaire naturelle de la monarchie : « Son véritable office propre est de convier l’élite de sa génération à collaborer avec lui pour un progrès dans l’ordre qui obtienne l’assentiment pratique de la quasi unanimité du pays. »8


Car Maurras savait que la noblesse avait une tendance crasse à jouer contre le roi. Et cela depuis les débuts, depuis Clovis : en atteste le mémorable épisode du vase de Soissons. Tocqueville note que la noblesse « était la classe la plus irreligieuse avant 89 »9. Ses membres « firent de l’impiété une sorte de passe-temps de leur vie oisive. »10 Les cas les plus emblématiques étant le marquis de Sade et Philippe « Égalité », qui soutint la mise à mort de son propre cousin Louis XVI.


 


Et ce n’est pas un hasard si, dans les années 1720, la terrible politique de John Law d’émission de monnaie-papier fut instaurée alors que le trône du roi était vacant, durant la Régence. Une Restauration monarchique doit donc, sur le plan financier, avoir comme pierre angulaire la prohibition de l’usure, qui, de toute façon, n’existe plus qu’à l’état de zombie, puisque nous sommes les témoins de la plus absurde des inventions du capitalisme, les taux d’intérêt négatifs.


 


Le futur roi de France que nous attendons n’aura pas pour mission la mise à mort du capitalisme, puisque le capitalisme se charge de lui-même de sa destruction, il est son propre fossoyeur, comme disait Marx.


Sa mission est d’empêcher la mise à mort de la France que programme depuis ses débuts la République, fille de la révolution, dont Tocqueville disait qu’elle « n’a pas eu de territoire propre » et qu’« elle a formé, au-dessus de toutes les nationalités particulières, une patrie intellectuelle commune dont les hommes de toutes les nations ont pu devenir citoyens. »11


 


Le capitalisme, en effet, « est entré dans une phase à bien des égards ‘‘apocalyptique’’ »12. Et c’est un marxiste, donc un athée, qui dit cela, Étienne Balibar. Les conséquences économiques du Covid-19 sont là pour l’attester, avec son lot de faillites d’entreprises, de nouveaux chômeurs et de coulissiers ruinés. L’annonce de la création d’une bad bank13 est là pour enfoncer le clou, pour ceux qui seraient sceptiques, par excès d’optimisme, tels Pangloss dans Candide de Voltaire...


 


1https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/au-bord-de-la-faillite-le-liban-fait-face-a-une-catastrophe_2115964.html


2Cette thèse selon laquelle « l'essence du capitalisme repose sur la propriété privée des moyen de production » est par exemple exprimée par Jean Robelin dans « Marx et l'avenir du capitalisme » in Revue de Métaphysique et de Morale, Octobre-décembre 2018, n°4, p. 479.


3Marcel Gauchet soutient quil faut « reconnaître la spécificité chrétienne comme un facteur matriciel et déterminant dans la genèse des articulations qui singularisent fondamentalement notre univers, qu'il s'agisse du rapport à la nature, des formes de la pensée, du mode de coexistence des êtres ou de l'organisation politique. », Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985, p. II.


4Voir par exemple Charles Carrière, « Renouveau espagnol et prêt à la grosse aventure : Cadix dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 1978, p. 221-252.


5Laurier Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France. Français et Amérindiens au XVIe siècle, Paris, Belin, 2019, p. 47.


6Tocqueville, L’Ancien régime et la Révolution, Paris, Gallimard, 1987, p. 243.


7Charles Maurras, Enquête sur la monarchie, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1925, XCV.


8Ibid, p. CXXVII.


9Alexis de Tocqueville, op. cit., p. 245.


10Ibid., 246.


11Ibid., p. 105-106.


12Étienne Balibar, « Sur l'expropriation des expropriateurs », in Revue de Métaphysique et de Morale, Octobre-décembre 2018, n°4, p. 479.


13https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN23H163



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