Selon l'auteur, imposer un ticket «orienteur» qui oblige le citoyen à payer un montant déterminé à chaque visite au médecin, apparaît plus comme une taxe à la maladie que comme une contribution à la santé.
Photo: Archives Le Droit
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Yann Dazé, M.D. - Le budget déposé par le gouvernement du Québec à la fin mars a eu l'effet d'une bombe sur l'ensemble des Québécois, de par son contenu bien sûr, mais aussi et surtout, en raison de la façon dont le gouvernement du Québec propose de s'y prendre pour régler les problèmes de financement qui nous accablent, notamment celui de la santé.
Ce qui retient davantage notre attention dans ce budget, c'est le nouveau mode de taxation qu'on veut nous faire avaler en santé. Augmentation des droits de scolarité, hausse des tarifs pour divers services publics, contribution spéciale obligatoire pour le réseau de la santé sont toutes des mesures basées sur le principe de l'utilisateur-payeur. Dans certains cas, ce principe fait du sens, en autant que l'on épargne les moins nantis. Mais, quand on parle de la santé, alors que l'on sait qu'un individu n'a que peu ou pas de contrôle sur ses problèmes de santé, imposer un ticket «orienteur» qui oblige le citoyen à payer un montant déterminé à chaque visite au médecin, nous apparaît plus comme une taxe à la maladie que comme une contribution à la santé. D'ailleurs la littérature scientifique et l'expérience d'autres pays démontrent que les patients qui doivent payer un ticket «orienteur» retardent leur visite au médecin, ce qui souvent fait en sorte d'aggraver leur condition et de faire augmenter les coûts de santé. Le gouvernement doit d'abord et avant tout nous démontrer, hors de tout doute, que c'est la seule façon de sauver le système de santé, ce qu'il n'a pas su faire jusqu'à maintenant.
Au cours des 15 dernières années, le Québec a vu défiler tous les intervenants du réseau à diverses commissions parlementaires. Nous avons eu l'occasion d'étudier une myriade de rapports costauds, qui faisaient des recommandations et proposaient des mesures, qui n'ont malheureusement jamais été mises en application. Les rapports Clair, Castonguay, Ménard, et les conclusions de la commission parlementaire sur les moyens à mettre en place pour Garantir l'accès aux soins, ont rapidement pris le chemin des tablettes, malgré des propositions intéressantes dont plusieurs faisaient consensus au sein du réseau. Résultat, nous en sommes toujours au même point. Une chose est claire. Dans tous ces rapports, à toutes les tables et dans tous les débats publics, le citoyen devait se retrouver au coeur du système de santé. Et pourtant, plus les années avancent, plus on le retrouve aux confins de ce même système. Le gouvernement Charest propose aujourd'hui de le ramener au centre, mais en lui faisant payer la note et les dérives administratives du système.
En gage de bonne foi, le gouvernement nous dit : Vous allez payer mais, nous allons aussi faire notre part. Nous allons faire un grand nettoyage. Si le passé est garant de l'avenir, peut-on faire confiance à la firme de nettoyage gouvernementale?
L'avenir du système de santé est l'affaire de tous! Les intervenants du réseau de la santé doivent assumer leurs responsabilités et être imputables. Le gouvernement doit lui aussi nous rendre des comptes. Présentement, le citoyen n'a aucun recours. Il est à la merci du système. Il serait peut-être temps que l'on adopte une véritable Charte des droits des patients et qu'on garantisse au citoyen des délais médicalement acceptables en fonction des normes établies scientifiquement, et ce, dans tous les domaines, plutôt que de reporter constamment les interventions chirurgicales et d'étirer les listes d'attente.
Le citoyen paie, mais l'accès aux services diminue. Pour boucler le budget des établissements, on ferme des lits, on ferme des salles d'opération, on surcharge le personnel. Même dans les cliniques sans rendez-vous, on ne donne qu'un nombre prédéterminé de rendez-vous pour la journée. Les premiers arrivés ont plus de chance, les autres doivent revenir le lendemain. Et parfois, le lendemain, c'est l'urgence.
La taxe à la maladie n'est pas une, et n'est certainement pas LA solution!
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Yann Dazé, M.D., Fédération des médecins résidents du Québec
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