La démission de Richard Guay comme président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec était éminemment prévisible.
Après une absence de deux mois pour cause de surmenage, on voit mal comment ce gestionnaire fragilisé par la maladie aurait pu revenir à la tête de l'institution financière en pleine tourmente. Même en période calme, ce poste exige une santé de fer et des nerfs d'acier.
D'ailleurs, la Caisse se préparait à cette annonce depuis longtemps déjà. Elle a fait appel à un consultant externe pour évaluer quelle serait une rémunération appropriée pour Richard Guay dans sa nouvelle fonction.
Réputé pour ses connaissances techniques des produits financiers complexes, Richard Guay restera à la Caisse. Il conseillera son successeur en ce qui a trait à la politique de placement et à la répartition de l'actif. C'est à peu de chose près le rôle qu'il exerçait lorsqu'il faisait équipe avec Henri-Paul Rousseau.
Le conseil d'administration de la Caisse prolonge de six mois le mandat de Fernand Perreault comme président par intérim. Ce vieux de la vieille à la Caisse restera donc en poste jusqu'au 7 juillet, très précisément.
Mais, pourquoi attendre si longtemps pour faire entrer en poste un nouveau président?
Le problème, précisons-le, ne réside pas dans les connaissances de Fernand Perreault, un routier de l'immobilier. Il sera entouré d'experts financiers de tout acabit.
Le problème tient à cette longue période de flottement qui favorise l'indécision à la Caisse. Certains employés de la Caisse déplorent déjà en privé que l'institution semble à la dérive depuis deux mois. Or, un tel flottement, ce n'est jamais bon pour les troupes.
La Caisse a besoin d'une direction claire, d'un président élu comme Barack Obama, plutôt que d'un président en fin de mandat.
On comprend que la Caisse veuille attendre la sortie des résultats financiers, attendue à la fin février. Surtout que la Caisse risque de se retrouver dans les derniers de classe en raison de ses lourds investissements dans du papier commercial contaminé.
Difficile de pressentir des candidats qui occupent des fonctions prestigieuses sans leur révéler l'état exact de la situation financière de la Caisse. Ils voudront savoir, à bon droit, dans quelle galère ils s'embarquent.
Mais ensuite, pourquoi la Caisse ne trancherait-elle pas plus vite? Tout l'été, le comité de sélection du conseil d'administration a écumé la planète à la recherche des meilleurs gestionnaires et financiers québécois. Il a toujours les curriculum vitae de 127 candidats dans ses cartons, et ces documents n'ont même pas eu le temps de s'empoussiérer.
La liste des finalistes n'a vraisemblablement pas beaucoup changé. Vrai, il y a peut-être des vedettes de la finance qui ont levé le nez sur l'offre de la Caisse en des temps meilleurs et qui pourraient se raviser en cette période de crise financière. Mais ce n'est pas si long que cela de les contacter.
Des gestionnaires québécois chevronnés qui ont de l'expérience dans des postes d'envergure à l'international, il y en a une fichue belle sélection, à en juger les suggestions que j'avais reçues cet été: Jean Raby chez Morgan Stanley à Paris; Réal Desrochers à la Caisse de retraite des enseignants de Californie; François Trahan au International Strategy&Investment Group à New York; etc.
En entrevue téléphonique, Pierre Brunet, président du conseil de la Caisse de dépôt, défend la façon avec laquelle la Caisse procède. La sélection d'un nouveau président, «cela paraît bien simple, mais c'est un processus compliqué», poursuit-il.
«On veut une équipe stable», insiste-t-il. Ainsi, Pierre Brunet juge que Fernand Perreault pourra parfaitement ajuster les stratégies d'investissement de la Caisse au contexte turbulent de 2009.
C'est cette prudence extrême qui a conduit la Caisse et le gouvernement du Québec à choisir Richard Guay comme président et chef de la direction de la Caisse. À l'époque, Québec préférait y aller avec un dirigeant dont elle connaissait autant les qualités et les défauts plutôt que de parier sur une vedette qui a fait carrière à l'étranger, de peur de se tromper.
Mais le tandem Rousseau-Guay a connu de sérieux ratés dont l'ampleur est encore difficile à déterminer, vu le silence actuel de la Caisse. Il y a eu les investissements importants dans le papier commercial contaminé, qui nécessiteront une nouvelle radiation d'une ampleur inconnue. Il y a eu les opérations de couverture liées au dollar canadien, en relation avec des investissements immobiliers à l'étranger, qui ont tourné au vinaigre. Et l'échec du rachat de BCE, sur lequel la Caisse semble avoir misé.
Ce sont autant de décisions inquiétantes qui laissent les observateurs sur l'impression que la Caisse a agi avec témérité, à l'intérieur des mandats que lui confiaient ses déposants. Et si la prudence avait justement été de redresser la barre à la direction?
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