Le ras le bol mondial de 2011

Tribune libre

Les éditeurs du magazine américain Time ont arrêté leur choix de la « personnalité de l’année 2011 » sur « les protestataires ». Ce choix judicieux montre bien l’importance de l’individu d’aujourd’hui lorsqu’il se regroupe avec ses congénères, même s’il a en main de nouvelles technologies sociales qui l’unissent au monde. Seul, dans ce monde de médias mur-à-mur, il peine à percer. Avec d’autres, il partage ses peines, ses ambitions et devient militant, inspire de la sympathie et se fait entendre.
Cet éclatement public n’est pas le résultat d’une émotion soudaine mais l’aboutissement de frustrations et de complaintes accumulées depuis plusieurs longues années contre les institutions politiques. Le Maghreb en est bien la démonstration. J’ai voyagé souventes fois au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Égypte et depuis longtemps, comme tout visiteur dans ces pays, j’ai ressenti le mécontentement qui y bouillonnait de plus en plus. Je ne comprenais pas pourquoi ça ne sautait pas.
En fait, il me semblait clair que des élections libres auraient vite chassé les dirigeants corrompus qui contrôlaient l’armée et la police de ces pays. L’élection du Front Islamiste du Salut (FIS) en Algérie en 1991 me le confirma, mais le résultat de l’élection fut vite annulé par le régime du FLN qui, en plus, mit les dirigeants du FIS en prison.
Le ras le bol mondial a généré un fervent militantisme en Tunisie, en Égypte, au Yémen, au Maroc, en Lybie, en Algérie, en Russie, en Grèce, à Madrid, à Londres, à Wall Street, à Montréal, au Mexique, en Indes, au Chili, en Iran, en Syrie… Il a pris les noms de « révolution jasmine », « printemps arabe », « indignés » et « occupy ». Il aurait pu être encore plus grand et touché la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord, etc.. si le contrôle des partis communistes et des militaires n’y était pas si omniprésent. Ça viendra !
Les manifestations, les occupations, les insurrections et les révolutions ont apporté plusieurs fruits puisqu’elles ont réussi à créer chez plusieurs individus l’espoir d’un avenir meilleur, plus libre, plus prometteur, plus rose pour eux et leur famille.
Au Canada, nous l’avons aussi ressenti. Particulièrement au Québec, le 2 mai dernier. Un grand nombre d’entre-nous en avions assez de la « salade » que les politiciens fédéraux nous servaient depuis si longtemps. Notre seule stratégie fut de protester et de remplacer les élus, quelque soit le parti, quelque soit le programme. Nous leur avons dit « adieu Bloc, PC, Libéraux, couvée… » et nous avons choisi un homme simple, chaleureux qui semblait compréhensif et prêt à tout changer. Ce n’était pas une question de socialisme, fédéralisme, gauche, droite, centre, séparatisme, souverainisme, non rien de tout cela. Les idéologies ne comptaient plus. Nous ne proposions rien mais nous voulions que ça change et nous avons trouvé l’homme qui nous semblait être en mesure de le faire. Malheureusement, il n’est plus et nous revoilà à nouveau à la recherche de la solution.

C’est le parti conservateur (PC) qui en profita. Il avait reconstitué la « Big Blue Machine ontarienne » des années ‘60-’80 et sa stratégie principale visait à obtenir les votes des différentes ethnies canadiennes. Il a mis en place, selon les observateurs avertis, sa « politique de diaspora » par laquelle Harper chercha à obtenir la faveur électorale des néo-canadiens en attaquant durement les politiques et les politiciens des pays qu’ils ont quittés ou en les aidant démesurément, dépendant de la situation. Harper a fait cela à répétition, comme pour Israël avec qui il est devenu l’ami inconditionnel, contrairement à ses prédécesseurs qui étaient neutres en rapport avec le conflit israélo-palestinien et travaillaient à trouver une solution acceptable aux deux parties. Il s’apprête même à signer une entente militaire avec ce pays. Est-ce un risque acceptable pour le Canada ?
Il fit tout pour cajoler ces électeurs particuliers et a gagné sa gageure en remportant, entre autres, plusieurs comtés-clés de la région de Toronto qui lui donnèrent sa majorité, nonobstant le mécontentement des Canadiens à son égard qui s’exprima par les 75,9% d’électeurs éligibles qui ne lui accordèrent pas leur confiance en ne votant pas pour lui ou en s’abstenant.
Pour un grand nombre de régions et de pays, 2011 aura été une année charnière pour l’avancement de la politique nationale et pour la politique mondiale. On le doit aux protestataires de toutes races, de tous problèmes, qui se sont levés, plus d’une fois, pour affirmer leur rejet du système ou du régime dans lequel ils vivent. La démocratie, la justice et le développement social auront fait un gros bond en avant.
Claude Dupras


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