Lettre au nouveau président de la Caisse de dépôt

CDPQ - Où va Michael Sabia?

Voici quelques conseils qui pourraient rendre votre travail plus agréable et vous maintenir plus longtemps en poste.
Vous voilà donc à la tête d’un symbole de l’identité québécoise, mais aussi de l’organisation paria devenue le bouc émissaire local de la crise financière. D’un côté, le porte-étendard du Québec dans le milieu de la haute finance, de l’autre, l’image même de ce monde discrédité.
Votre nomination suscite des craintes, bien légitimes selon moi. Si vous avez accepté le poste, c’est que l’adversité et les paradoxes ne vous font pas peur, pas plus que les marchés. Vous êtes brave, il n’y a pas à en douter, et on vous dit fort intelligent. Serez-vous habile pour autant ?
Sept millions de Québécois sont aujourd’hui persuadés que le confort de leur retraite ne dépend que de vous et des astucieuses décisions que vous prendrez au cours des prochains mois. Vous savez fort bien que ce n’est pas si simple. Tenez, depuis le début de l’an née 2009, la Caisse de dépôt et placement a probablement perdu entre six et sept milliards de dollars de plus à cause de la chute des indices boursiers. S’il fallait que cela s’ébruite, je suis sûr qu’il y en a qui vous en tiendraient responsable, ainsi que le nouveau président du conseil, la ministre des Finances et le premier ministre!Premier conseil, expliquez donc aux Québécois à quoi sert la Caisse de dépôt et comment elle fonctionne. À lire et à entendre certains commentaires, on croirait qu’Henri-Paul Rousseau, qui a présidé la Caisse de 2002 à 2008, a pris 40 milliards de dollars en espèces sonnantes et trébuchantes du trésor caché de la Caisse pour aller les jouer au casino, flambant notre pauvre bas de laine.
Vous me direz qu’Henri-Paul Rousseau a déjà donné toutes les explications nécessaires — ce qui n’a pas désamorcé les critiques acerbes des commentateurs et de l’opposition. Justement, vous n’êtes pas Henri-Paul Rousseau et vous n’avez pas à porter son bilan sur vos épaules. C’était un savant et un grand communicateur, mais il n’a pas inventé la modestie et il prenait peu de temps pour « communiquer ». Faites un effort : soyez un président ouvert, humble et accessible. Soyez aussi transparent que l’est l’immeuble abritant votre bureau principal, dans le Vieux-Montréal.
Vous savez sans doute que CalPERS, la caisse de retraite des employés de l’État de Californie, rend accessible dans Internet une évaluation hebdomadaire de son portefeuille. Rien n’est plus facile en ce qui concerne les placements en actions et en obligations. Et le géant californien demande une évaluation trimestrielle de ses placements privés ainsi que de ses inves tissements immobiliers. Aucun vérificateur n’a certifié l’exactitude de ces chiffres, mais ceux-ci donnent une bonne idée de l’évolution des choses. Le 6 mars dernier, l’ac tif de CalPERS était de 160,7 milliards de dollars, soit 92,3 milliards de moins (- 36 %) que le 31 décembre 2007. (Quand on se compare, on se console…)
Pourquoi la Caisse n’aurait-elle pas l’audace de la transparence et ne communiquerait-elle pas ses résultats chaque semaine ? C’est sûrement un pari moins risqué que celui du papier commercial…
Vous savez, la finance est une chose bien mystérieuse pour la grande majorité de vos concitoyens. J’oserais dire que même ceux qui prétendent s’y connaître un peu ont paru bien dépassés au cours des six derniers mois. Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui se passe ? Que peut-il se passer ? Voilà trois questions toutes bêtes propulsées au centre de nos vies. Rassurez-vous, je ne vous demande pas d’être devin. Je ne suis même pas sûr que ce soit raisonnable de vous interroger sur l’état réel des marchés. Ce que j’aimerais, par contre, c’est être capable de vous accompagner ou du moins de suivre votre démarche.
Promenez-vous dans les régions du Québec et allez rencontrer vos déposants. Rassurez-les et dites-leur, vous, que leurs pensions ne sont pas en danger et que l’institution que vous représentez consacre toute son énergie et son talent à s’en assurer. Racontez-leur ce que vous faites. Expliquez-leur pourquoi c’est une bonne idée que la Caisse soit propriétaire en partie d’aéroports londoniens ou de centres commerciaux américains.
Enfin, n’oubliez pas que la Caisse est née symbole et qu’elle demeure symbole. Elle a 37 milliards de dollars investis au Québec ? Dites-le ! Proclamez-le ! Parlez des entreprises que vous appuyez et de votre rôle dans le développement du Québec. Engagez-vous à faire encore mieux. Établissez un seuil minimal pour ce qui est de la proportion des placements québécois sur l’ensemble de votre actif. Devenez le champion du Québec inc. !
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Chroniques Pierre Duhamel 2 mars 2009 9:00
– Chronique publiée dans L’actualité du 1er mai 2009 —
Photo : Paul Chiasson / PC


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