Nourrir le Québec ou nourrir les autres

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« Et si, n’en déplaise aux « collapsologues », cette épidémie ne changeait pas grand-chose ? »


Il y a toujours beaucoup de belles phrases et de gros chiffres dans les politiques bioalimentaires (je dis « LES », car il y en a eu plusieurs ces dernières années, qui sont toutes tombées dans l’oubli).


La nouvelle politique bioalimentaire du gouvernement québécois ne fait pas exception. Il faut savoir lire derrière le show de boucane habituel et, au surplus, électoral dans ce cas-ci.


D’entrée de jeu, une contradiction, apparente du moins, frappe en ce qui a trait aux grands objectifs énoncés :


augmenter l’autosuffisance alimentaire de 10 milliards;


augmenter les exportations de 6 milliards (presque le double).


Quand, au début des années 1990, on a décidé de s’orienter vers la conquête des marchés étrangers plutôt que l’autosuffisance alimentaire, comme sous Jean Garon, notre taux d’autosuffisance était près de 80 % : il est aujourd’hui autour de 35 % (quand on parle de 50 %, c’est qu’on inclut les produits « transformés » au Québec, ce qui peut vouloir dire simplement embouteillés ou mis en boîte au Québec). Les chiffres sont éloquents.


La portée d’une politique dépend des moyens qu’on y consacre : l’argent et les outils institutionnels et politiques.


En ce qui concerne l’argent, on nous dit qu’on va doubler les superficies cultivées biologiquement, mais comme elles ne sont déjà que de 2 %, les doubler veut dire les porter à 4 %, ce qui est assez dérisoire quand on sait l’urgence d’une transition écologique vigoureuse en agriculture. En Europe, certains pays sont rendus à 10 % et plus. De plus, si l’on se fie au dernier budget, seulement 2 % des investissements publics prévus au cours des cinq prochaines années sont destinés au bio, soit 7 millions pour cinq ans : c’est dérisoire ! Si la part des investissements qui iront aux « petites fermes » (sic) est du même ordre, on n’ira pas loin avec ça.


En ce qui concerne les lois, aucune des réformes considérées comme essentielles par le rapport Pronovost pour assurer un développement de l’agriculture de proximité partout au Québec n’est mentionnée ; or ces lois, comme l’ASRA (assurances agricoles), les quotas, le zonage agricole, les règles environnementales, les normes sanitaires et le monopole syndical, sont toutes faites sur mesure pour les gros producteurs et intégrateurs industriels, de sorte que les agriculteurs écologiques de proximité ne peuvent compter souvent que sur leurs propres moyens et doivent se buter à des obstacles réglementaires qui réduisent considérablement leur production écologique et leurs ventes en circuits courts : accès difficile au financement, aux quotas de production, au territoire agricole, aux installations et à la transformation artisanales, à une représentation appropriée.


Levée du moratoire


La nouvelle politique cède également à une demande répétée de l’UPA en faveur de la levée du moratoire sur de nouvelles mises en culture et de nouveaux élevages dans les territoires en surplus de phosphore, un moratoire durement acquis lors du moratoire et du BAPE sur l’industrie porcine au début des années 2000. On risque d’assister à un « bar ouvert » de défrichement, de déboisement et d’investissements sauvages, à l’encontre des schémas d’aménagement et des règlements intérimaires des MRC. Couillard a clairement affirmé que, si on voulait augmenter notre production pour satisfaire à la fois la demande interne et l’exportation, il ne fallait pas s’enfarger dans les moratoires et les réglementations de l’environnement.


Il a ajouté, avec un trémolo dans la voix, que nos enfants à la garderie allaient enfin pouvoir manger des aliments de qualité de chez nous ! Libre à vous de le croire.


Personne ne s’étonnera qu’on passe sous silence la question des OGM et de leur étiquetage. Pas davantage de place pour l’agriculture urbaine, qui risque de devancer l’agriculture de proximité en campagne à l’avenir. N’y cherchez pas non plus un virage vers la transition écologique en agriculture : on mise essentiellement sur le modèle productiviste en place.


En somme, beaucoup d’enflure verbale pour peu de changement et peu de moyens.




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