La Constitution du Québec : une idée-force
13 août 2023
Un pays; une constitution identitaire
Lisons Nathalie Heinich, sociologue; «Ce que n’est pas l’identité» Éditions Gallimard, 2018, p. 79 - 80;
«L’absence d’autoperception et, plus généralement, de “sentiment d’identité” d’une entité abstraite (comme un pays) n’implique pas pour autant que cette entité ne puisse pas être en crise; mais c’est, alors, une crise qui affecte non l’objet lui-même, mais les sujets qui s’y réfèrent, parce qu’ils perçoivent des incohérences entre l’image qu’ils s’en font et la façon dont elle est considérée par d’autres, ou encore son état actuel et son passé. C’est ainsi qu’est montée en puissance dans l’espace public, au cours des années 2010, une référence récurrente à l’identité de la France, en forme d’inquiétude, de malaise, de sentiment de perte. N’en donnons pour exemple que cette remarque du philosophe Alain Finkielkraut: “L’immigration qui contribue et contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l’Europe elle-même à la question de leur identité. Les individus cosmopolites que nous étions spontanément font, sous le choc de l’altérité, la découverte de leur être.” (A. Finkielkraut, “L’Identité malheureuse”, 4e de couverture) En d’autres termes, la rencontre avec “l’autre” (ici l’immigré) suscite chez les autochtones une forme de réflexivité qui les amène à recentrer leur sentiment d’identité autour de leur identité nationale (et non plus de “citoyen du monde”), que ce soit dans la revendication de sa grandeur ou dans la déploration de son déclin - voire les deux à la fois.»
Si un pays est une constitution identitaire, il faut d’ores et déjà se conscientiser au fait que notre identité sera dynamique et inconstante, qu’elle sera multiple et plurielle et que seul le changement demeurera permanent.
Il va sans dire qu’un pays se construit: il y a donc des étapes qui doivent s’exécuter afin d’aboutir prioritairement à ses fondations pour éventuellement voir apparaître une structure viable dans laquelle les citoyens co-logeront.
Une constitution pourrait donc être les plans de la fondation sur laquelle reposera la structure viable selon le coin de la planète où celle-ci sera érigée.
Mais comme toute construction, les fondateurs n’auront pas tout prévu et avec le temps qui passera et qui changera, il y aura des parties à rénover et d’autres à ajouter. Les plans devront au moins avoir prévu des ajouts éventuels et des parties à rénover, comme les ouvertures et la toiture. Rien n’est permanent et croire qu’une constitution ne sera jamais amendée, c’est vouer celle-ci à son effondrement.
Souplesse, flexibilité, accueil; voilà quelques-unes des qualités que toutes les maisons, les constitutions, les pays devraient posséder à la base afin d’assurer ses citoyens la vie belle que chaque créature recherche et mérite du fait même d’exister, de vivre.
Devra-t-il y avoir des maîtres de la maison, des domestiques, des locataires? Voilà des questions que trop souvent les héritiers laissent à l’aventure; mais n’est-ce pas là le principal fondement de tout pays? Qui signera les plans? Quelle identité prendront ses fondations et sa structure? Seront-elles héritières des plus viles dictatures ou de la plus noble des Lumières démocratiques? Une digne «vigile» devra s’exercer par la maîtresse de l’humain: sa mystérieuse pensée qui ne sait jamais! Aucun pays ne se voit, ne se dit, ne se prétend être à jamais: seule la misère d’être, doit guider tout un chacun.
François Champoux, Trois-Rivières