Déception partielle
24 septembre 2007
Monsieur Bousquet, avant d'accuser de "carriérisme" les député(e)s du Bloc à Ottawa, prennez donc la peine de vous mettre à leur place et de penser, ne serait-ce que deux minutes, à ce que vous feriez en tenant compte de la réalité politique qui prévaut depuis le fameux "chant des sirènes" de Stephen Harper un certain 19 décembre 2005 à Québec.
Si les député(e)s du Bloc sont actuellement contraint(e)s à faire figure de Tanguys du Québec et s'incruster à Ottawa, c'est parce que la locomotive capable de faire du Québec un pays n'a tout simplement pas fait son travail. En effet, quand bien même tous les 75 comtés fédéraux du Québec votaient à 100% pour le BQ lors de la prochaine élection fédérale, nous serons encore une province inféodée au tout canadian tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale restera occupée (le caractère gras l'est délibérément pour indiquer une occupation dans le sens militaire) par une majorité de député(e)s qui se satisfont des pouvoirs que leur laisse la constitution canadian de 1982.
Et la situation politique est encore plus frustrante qu'en 2003, l'année où le Parti Québécois a perdu le pouvoir. Malgré un contexte inespéré depuis pour fouetter les ardeurs du mouvement indépendantiste (scandale des commandites, révélations sur le financement occulte d'Option Canada, impopularité record du gouvernement libéral de Jean Charest, cas médiatisés de mauvais accomodements "raisonnables", réaction populaire à Hérouxville, nouveau jugement défavorable des tribunaux canadians face à la Loi 101, etc.), non seulement le Parti Québécois n'a pas retrouvé l'initiative dans le combat pour le pays, mais il s'est totalement discrédité auprès de l'électorat et de ses propres militant(e)s en ayant permis l'élection de deux chefs déconnecté(e)s des problèmes des Québécois(e)s moyen(ne)s et, pire, a fini par renoncer à toute vélléité en vue de conduire le Québec à un statut de pays pour tout avenir prévisible. Et cette situation n'est pas causée par l'absence de volonté de la population: les intentions de vote au PQ ont grimpé un moment jusqu'à 50% et l'appui à la souveraineté n'est jamais descendu en bas de 40%. De son côté, le Bloc a canalisé du mieux possible le ressentiment des Québécois(e)s en parvenant à faire élire 51 député(e)s souverainistes à Ottawa en janvier 2006.
Bien sûr, comme Patrice Boileau l'a énoncé avec justesse, Gilles Duceppe a raté une occasion historique de donner un mandat inégalé au Bloc en déclinant le défi lancé par Paul Martin, mais, à sa décharge, la molesse de la détermination de son grand frère péquiste l'a contraint à la modération, s'il ne voulait pas voir son homologue André Boisclair lui faire regretter son audace en cafouillant à cause de son mauvais jugement et sa grande vulnérabilité politique face à des adversaires aguerris.
Effectivement, le Bloc va éprouver beaucoup plus de difficultés à convaincre les Québécois(e)s de lui faire encore confiance pour défendre leurs intérêts à Ottawa. Cependant, la situation d'impuissance de ses député(e)s n'est absolument pas de leur responsabilité. L'utilité du Bloc Québécois à Ottawa, c'est les Québécois(e)s, dans leur cohérence politique, qui l'établit. Pour ça, il importe nécessairement que le Parti Québécois leur en offre la possibilité!