Monsieur Lamy, je partage votre lecture du déroulement du congrès des 2-3 mars dernier. Je n'étais pas membre d'Option nationale au moment de l'assemblée de fondation du parti en février 2012, je militais toujours pour le Parti indépendantiste (PI) comme je l'ai fait depuis sa création en juillet 2007. Je ne suis membre d'ON très exactement que depuis le 5 février dernier. Pourquoi? Pour faire adopter une approche claire, déterminée et irréversible vers l'indépendance. Lorsque j'ai lu la proposition 18 du cahier de propositions pour l'article 1 du programme (celle de Sainte-Marie-Saint-Jacques prévoyant, comme premier vrai "geste de rupture", le dépôt par le nouveau gouvernement d'Option nationale d'une loi reconnaissant à l'Assemblée nationale le pouvoir de remplacer le cadre juridique canadien par un cadre juridique national - règle de succession d'État), elle m'a convaincu d'être présent au congrès pour contribuer à son adoption. Selon moi, l'adoption de cette proposition était incontournable pour donner le mandat à ce gouvernement de procéder au fameux "LIT". Sinon:
-* Comment croyez-vous que les institutions fédérales et les milieux d'affaire (très largement fédéralistes) collaboreraient avec nous pour assurer le transfert le plus harmonieux possible du personnel et de l'expertise exercée jusqu'alors en notre nom pour le gouvernement fédéral?
-* Quel autre signal notre programme prévoit-il envoyer, devant la communauté internationale, pour signifier notre volonté légitime de devenir un pays?
-* Sur quelle autre base pourrons-nous forcer les individus et les personnes morales (employeurs et organismes) de cesser de payer des impôts et taxes à Ottawa?
Malheureusement, notre chef Jean-Martin Aussant a coupé court aux échanges en décrétant qu'il n'était pas question d'élection référendaire (une déformation de la réalité selon moi) et qu'il était impensable de faire un pays avec un appui de 30% (une exagération malhonnête). Le président d'élection ne m'a même pas permis d'intervenir au micro en appui à Denis Monière, ordonnant le vote avant même que j'ais eu le temps de revenir à ma table et prendre mon carton bleu.
Par la suite, les congressistes nous ont couverts de ridicule, rejetant toutes les références à un ou deux référendums, qu'il porte sur le principe de l'indépendance, sur la constitution ou les deux, nous privant par le fait même d'une option de rechange, même si elle aurait fait d'ON implicitement un "PQ 2.0". On pourrait citer aussi les déchirements sur l'enseignement de la "seconde" langue ou le faux débat sur la "république" que les membres ont oblitéré du programme essentiellement par frilosité. Pourtant, pour quelque lecteur un tant soit peu objectif et ayant un minimum de notions politiques, notre programme est clairement républicain, à commencer par l'abolition du poste de lieutenant-gouverneur et son remplacement par un président élu au suffrage universel!
Il est vrai cependant qu'on aurait dû s'entendre auparavant sur la finalité du programme sortant de cet exercice: un programme succinct, clair et cohérent indiquant les lignes directrices de nos actions en tant que premier gouvernement national québécois ou un programme détaillé (la fameuse "liste d'épicerie" destinée aux clientèles-cibles) risquant de nous aliéner une partie de notre électorat pour des considérations mineures.
Tout ce que je peux vous dire, c'est de vous inviter à prendre un peu de recul par rapport à la construction du parti. Au niveau du programme, je souhaite vivement que le nouveau conseil national réexamine les propositions rejetées et organise des ateliers thématiques pour donner la chance aux membres de se prononcer en connaissance de cause sur les aspects présentant des lacunes dans notre nouveau programme. Je fonde beaucoup d'espoirs en Patrick Bourgeois et en Paolo Zambito comme "chiens de garde" de la stratégie des "gestes de rupture". Au niveau organisationnel, j'accepte les excuses du national pour les lacunes organisationnelles et de procédure lors de ce congrès. Les organisateurs de ce congrès devaient composer avec deux exigences contradictoires et cruciales: le besoin de nous donner une plate-forme électorale claire, honnête et cohérente (ce qui impliquait beaucoup de réflexion et de consultation) et le risque d'élection précipitée. De plus, la perte du seul siège d'ON a fait perdre beaucoup de visibilité au parti et à son chef, de sorte que nous n'avions pas d'autre choix que d'accorder un salaire à JMA pour lui permettre de parcourir le Québec, commenter l'actualité politique en temps réel et consolider la structure organisationnelle du parti. Je ne serais pas surpris que les propositions "spéciales" sur la rémunération du chef et l'adoption d'un budget "prévisionnel" plutôt que réel (selon les règles comptables reconnues) aient été délibérément présentées comme elles l'ont été aux congressistes, car un refus aurait sérieusement hypothéqué le futur du parti. C'est en connaissance de cause que je n'en tiens pas rigueur aux organisateurs du congrès, ayant vécu la mauvaise expérience du PI. En effet, avec un chef éloquent mais peu connu en dehors des "pur(e)s et dur(e)s" (surtout Vigile.net) et n'ayant jamais siégé à l'Assemblée nationale, le PI n'a jamais eu les moyens d'ON pour permettre à Éric Tremblay de faire connaître le parti et son programme.
Comme l'a si justement souligné Andrée Laniel, le parti vit une période critique, car le risque perpétuel d'élection force le parti à accélérer à la fois la construction de son programme et de son organisation électorale. Il faut donc pardonner les erreurs de jeunesse du parti et, surtout, de la majorité des membres qui n'a pas vécu les affres post-référendaires de 1980 et 1995. Il faut toutefois se faire entendre à toutes les instances du parti pour éviter qu'il ne dérive comme l'a fait le Parti québécois.
Merci à nouveau pour cet article de fond qui doit être pris au sérieux par le nouveau CN et Jean-Martin Aussant.
Retour sur le congrès d'Option nationale des 2-3 mars 2013
Pour que le congrès 2013 n'accouche pas d'un "PQ 2.0"
Vices de procédure ou vices de contenu?
Tribune libre
Luc Bertrand19 articles
Vice-président, programme et affaires politiques
Parti Québécois de L'Assomption
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2 commentaires
Luc Bertrand Répondre
18 mars 2013J'avais oublié de mentionner le troisième argument avancé par JMA pour refuser l'élection d'une majorité simple de député(e)s comme moyen légitime de "rompre avec la légalité canadian": "On ne corrige pas une injustice par une autre injustice" (en faisant référence à l'exemple du gouvernement Chrétien qui ne s'est pas gêné pour couper les vivres au Québec - en sabrant dans les transferts fédéraux en santé aux provinces, créant le déséquilibre fiscal - avec un appui populaire d'à peine 40%).
Au point critique où nous sommes rendu(e)s pour espérer encore réussir à nous arracher du contrôle d'Ottawa, il faut vraiment faire preuve d'angélisme ou de surréalisme pour croire encore à une véritable démocratie avec nos adversaires.
Ce n'est pas d'hier et ce n'est pas pour rien que nous sommes passé(e)s de plus de 95% de la population en 1763 à moins de 23% aujourd'hui. Le conquérant de 1760 ne s'est pas gêné de laisser planer la menace des armes si nos ancêtres refusaient de collaborer avec la minorité anglophone qui tirait toutes les ficelles du pouvoir jusqu'en 1840, quand la démographie a fini par rendre minoritaires les Canadiens français au parlement fédéral. À partir de 1867, l'immigration massive dans l'ouest et la complaisance d'Ottawa ont fait disparaître l'enseignement du français partout ailleurs qu'au Québec.
Même chose du point de vue économique. Si le Québec est devenu une province dépendant de la péréquation et que l'Ontario a été longtemps la province la plus riche, il n'y a pas eu aucun hasard non plus. Le creusage de la voie maritime du St-Laurent, payé en partie par nos impôts, a été décidé par-dessus notre tête et le port de Toronto et des autres villes des Grands Lacs s'est enrichi au détriment de celui de Montréal. Le Pacte de l'automobile a concentré l'industrie automobile et ses emplois bien payés en Ontario alors que la seule usine québécoise (GM Boisbriand) a fermé ses portes depuis déjà plusieurs années. Des milliards de dollars ont été gaspillés avec l'aéroport de Mirabel plutôt qu'agrandir Dorval, qui a lui aussi fermé ses portes et tous les vols internationaux ont été transférés dans un méga-aéroport à Toronto (Pearson). On pourrait également mentionner la fermeture des chantiers maritimes de Montréal et de Québec au profit de ceux de Halifax et Victoria.
Quant aux deux référendums, Ottawa ne s'est pas gêné non plus pour fouler aux pieds les lois électorales du Québec et le principe d'équité des deux camps, sans compter l'accélération du processus de naturalisation au Québec pour accroître le vote pour le NON. Et, pourtant, Ottawa n'a jamais eu le courage de soumettre sa constitution de 1982 au vote populaire, pas plus qu'il ne l'a fait lors de l'entrée du Québec dans la constitution de 1867. Non contents de ne plus recourir aux référendums depuis 1992, les fédéralistes ont poussé le culot jusqu'à consulter une Cour (nommée par des premiers ministres fédéralistes) pour imposer une loi rendant à toutes fins pratiques impossible tout référendum gagnant sur l'indépendance du Québec.
On pourra parler de "justice" quand les protagonistes seront égaux en droit et en liberté. À voir le déclin du français à Montréal et la banalisation de cette situation à travers le Québec, la tendance lourde contre notre projet depuis plus de 250 ans n'est pas en voie de s'améliorer!
Faute de l'appui du pouvoir économique au Québec, un gouvernement oniste n'aura pas le choix de déposer une loi pour l'autoriser à procéder avec le "LIT" (exclusivité des pouvoirs législatifs, fiscaux et de représentation internationale). Le seul rapport de force que l'Assemblée nationale peut opposer au pouvoir dominant d'Ottawa est un mandat clair, une majorité en chambre la plus grande possible et, au besoin, de l'appui populaire le plus élevé possible au moment opportun. S'il y a blocage, c'est aux tribunaux internationaux qu'il nous faudra s'adresser.
Laurent Desbois Répondre
17 mars 2013Je fonde beaucoup d’espoirs en Patrick Bourgeois et en Paolo Zambito comme "chiens de garde" de la stratégie des "gestes de rupture".
« Monsieur Aussant qui devait être le chien de garde du PQ aurait maintenant ses propres chiens de garde ??? » LD