Le peuple québécois face à son destin
17 avril 2017
Certes, la foi était autrefois associée à la langue au Québec. Précisément, la foi catholique à la langue française.
Sauf que ce n’est plus le cas depuis un demi-siècle : la religion catholique a été délaissée parce qu’elle ne correspondait plus aux nouvelles aspirations politiques, et même spirituelles. Il est temps de se défaire de cette déploration nostalgique, qui traduit la justification inconsciente de l’immobilisme ou du refus de façonner son avenir. La vue d’une France incapable de résister au faux universalisme — celui de l’oligarchie globaliste trompeuse — tient du défaitisme illusoire.
Par ailleurs, il n’y a pas de lien intrinsèque entre le français et le catholicisme. Puisque plusieurs peuples, dont les croyances sont diverses, parlent le français. Il n’y a que les conséquences de conjonctures historiques : privé de sa classe dirigeante militaire, administrative et commerçante après la Cession de 1763, le peuple québécois s’en est remis à son clergé afin de résister à la disparition. L’échec des patriotes a accentué cela : l’Église catholique est devenue une sorte d’État dans l’État, avec les succès relatifs mais aussi les compromissions que l’on sait. La Révolution tranquille a sonné le glas de cet État clérical : ce tournant a éveillé chez les Québécois le désir de création d’un État politique normal et complet, qui leur correspond.
Il ne s’agit pas d’effacer les traces du passé, qui permettent de comprendre où nous en sommes, mais plutôt de poursuivre notre cheminement en ouvrant de nouvelles pistes. Par exemple, la croix du mont Royal, qui fut religieuse, est maintenant généralement considérée comme un repère patrimonial : elle identifie le visage de la métropole. Symbole universel, la croix, que ce soit celle-là ou celle du fleurdelisé, pourrait même faire l’objet d’une interprétation additionnelle, ou sédimentaire… Ainsi, elle pourrait faire partie des nouveaux rites de passage civique, telle la cérémonie d’accession à la citoyenneté québécoise.
Contrairement aux religions figées dans leurs vérités immuables, les langues saines comme le français ne cessent d’évoluer. L’identité est un projet perpétuel, heureusement ; sinon, quel ennui ! Les vertus théologales — foi, espérance, charité — ont fait place à la triade liberté, égalité, fraternité parce que la source ultime d’autorité n’est plus le Dieu dogmatisé par l’Église, mais la conscience humaine. D’ailleurs, ces valeurs modernes apparues lors de la Révolution française sont aussi inscrites dans le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Organisation des Nations unies. Le déisme est donc graduellement remplacé par l’humanisme. Ne s’agit-il pas là de la grande mutation moderne de notre espèce ?
Voulons-nous devenir les acteurs d’une République indépendante, avec un siège aux Nations unies, ou demeurer les sujets provinciaux passifs d’une ringarde monarchie constitutionnelle de droit divin fragmentée en communautés séparées, c’est-à-dire sans identité collective authentique ? Préférons-nous maintenir notre soumission à un autre Dieu — anglican plutôt que catholique — et à un autre roi — anglais plutôt que français —, ou aller de l’avant en assumant notre souveraineté populaire ?