Lancée en novembre 2013 par la Commission européenne, cette proposition définit le secret des affaires comme des techniques (procédés de fabrication, recettes, composés chimiques, etc.) ou des informations commerciales (listes de clients, résultats d’études de marketing, etc.) ayant une valeur économique pour l’entreprise. Les dispositions de cette loi destinées, en principe, à contrecarrer les pratiques d'une concurrence sans scrupules ni éthique pourraient en effet être détournées pour empêcher la publication juste et légitime d'informations qui pourraient être dérangeantes...
Ce qui veut dire que toute entreprise pourra, selon ses propres critères, décider si une information la concernant a « une valeur économique » et donc pourra ou non être divulguée. Avec pour conséquence de mettre sous le coup de la loi tout journaliste qui pourrait les révéler, avec des dommages et intérêts plus que dissuasifs. Et pour corollaire qu'aucun rédacteur en chef n'osera se mettre dans une situation délictueuse et que les journalistes eux-mêmes pratiqueront à grande échelle l'auto-censure...
C'est une loi scélérate car des considérations économiques prévalent ainsi sur l'exigence démocratique de garantir la liberté d'expression et le droit à l'information concernant les pratiques douteuses de certains groupes, entreprises et acteurs économiques ou financiers.
« Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques. » Orwell.
« ...d'autres », c'est-à-dire les lobbys représentants les grandes entreprises et les multinationales qui font des pieds et des mains pour que les journalistes, ces affreux fouille-merde, se contentent de copier-coller les communiqués de presse, les belles brochures en couleurs données au cours de généreux repas d'information voire de coûteux voyage de presse au soleil !
Mais ça ne suffit pas puisqu'il y a parfois quelques lanceurs d'alerte, traités de « fouille-merde », qui ne se contentent pas de la bouillie pré-mâchée des « services communication » des entreprises. Ces malotrus ont ainsi révélé au grand public des « broutilles » comme les affaires du Médiator, de l'amiante, du Crédit Lyonnais, des défauts de l'EPR, des magouilles des multinationales au Luxembourg, etc. Pas bon pour les affaires ça, Coco ! Pas bon pour les affaires...
Alors les dirigeants de ces grands groupes tirent les ficelles de leurs marionnettes politiques pour mettre en place des lois interdisant ou dissuadant les journalistes et les lanceurs d'alerte de dévoiler des pratiques scandaleuses ou des produits dangereux. Tout ceci sous un faux-nez, bien sûr, celui de « protéger le secret des affaires des entreprises ». Ben voyons...
En France, une disposition vicelarde de la Loi Macron voulait « protéger le secret des affaires », c'est-à-dire réduire au silence les « fouille-merde ». Une forte mobilisation des journalistes et des syndicats a forcé le gouvernement à retirer cette disposition. Mais la voilà qui revient avec cette proposition de directive européenne qui, si elle passe, sera automatiquement retranscrite dans le droit français.
Mais rien n'est gagné pour les « étouffeurs », comme le montre ces jours-ci la mise au grand jour du scandale « Panama ». Une coalition européenne d’organisations de la société civile, de travailleurs et de journalistes demande aux membres du Parlement européen de rejeter la directive sur les secrets d’affaires
Le projet de directive européenne sur la « protection du secret des affaires » créerait un droit au secret pour les entreprises qui est excessif : il menace directement le travail des journalistes et de leurs sources, les lanceurs d’alerte, les syndicalistes, la liberté d’expression des salariés et nos droits d’accéder à des informations d’intérêt public (par exemple sur les médicaments, les pesticides, les émissions des véhicules, etc.).
Une coalition européenne d’associations, de syndicats, de journalistes, de lanceurs d’alerte et de scientifiques a envoyé aujourd’hui aux membres du Parlement Européen une analyse critique du projet de directive (voir-ci-joint), leur demandant de la rejeter (un premier débat en séance plénière est prévu le 13 avril). Une pétition européenne a également été lancée.
Cette directive est officiellement appelée « Directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ». Mais la définition du secret des affaires prévue est tellement large que presque toutes les informations internes d’une société peuvent y correspondre. Cela mettra en danger toute personne qui révèle ces informations sans le consentement de l’entreprise.
Informer n’est pas un délit et les syndicats de journalistes, les citoyens, les journalistes ou encore les scientifiques ont parfois besoin d’avoir accès à ces informations et de les publier dans l’intérêt général.
Si la directive est approuvée au niveau européen, les États membres pourront encore aller plus loin quand ils l’adapteront à leurs droits nationaux, et on peut compter sur les multinationales pour les pousser en ce sens !
Une pétition européenne contre cette horreur peut-être signée là :
N'oublions jamais que « Les tyrans ne sont grands que si nous sommes à genoux ».
BANZAÏE !
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