Capitaine Canada

La décision de Hockey Canada et de Steve Yzerman en est une de provocation

Quand le sport devient politique

Shane Doan a été nommé hier capitaine de l'équipe nationale du Canada. La feuille d'érable rouge qui est censée être le symbole des valeurs de ce pays, c'est Shane Doan qui en est le plus haut représentant sur la glace au Championnat du monde à Moscou. Capitaine Canada, c'est lui. Il vous représente.
Votre porte-couleurs, c'est l'individu qui a traité Michel Cormier et trois autres officiels de la Ligue nationale de hockey de «fucking Frenchmen». C'est lui qui représente «l'autre» nation du pays. Cette nation qui a été reconnue dans les lois et les principes mêmes du pays par le gouvernement de Stephen Harper il y a quelques mois à peine.
Nommé par Steve Yzerman et par son coach Andy Murray et approuvé, il va sans dire, par les bonzes de Hockey Canada qui font la preuve que le racisme est toléré dans ce pays quand ce sont des francophones qui en sont les victimes.
Compte tenu des circonstances, compte tenu de la déposition sous serment du juge de lignes Michel Cormier, compte tenu des documents et rapports officiels de la Ligue nationale déposés devant la Cour supérieure, il est évident que la décision de Hockey Canada et de Steve Yzerman en est une de provocation. Genre, vous autres, les Frogs, vous allez vous fermer la gueule. Doan, c'est un ami de Wayne, prenez votre trou maintenant.
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Denis Coderre était assommé quand il a appris la nouvelle à Bruxelles où il participe à un colloque politique et économique. Estomaqué serait sans doute plus juste. Mais comme Coderre est poursuivi par Doan et qu'il le poursuit lui-même en diffamation, il ne pouvait pas se permettre un commentaire public.
Le député libéral Marcel Proulx n'est pas mêlé à une poursuite. Il y a une dizaine de jours, il a posé plusieurs questions fort pointues au gouvernement conservateur et au secrétaire d'État aux sports. Les conservateurs ont patiné encore mieux que Doan avant de jurer leurs grands dieux qu'ils étaient contre toute forme de racisme dans le sport. Ça a l'air que leurs grands sparages n'ont pas atteint les bureaux de Hockey Canada.
«Je n'en reviens pas. Ça ressemble à de la provocation. Mais cette triste situation qui s'aggrave encore avec la nomination de Shane Doan comme capitaine, est la preuve que les conservateurs ne respectent pas les Québécois et les francophones. J'ai demandé personnellement à quelques-uns des 10 députés conservateurs québécois comment ils pouvaient tolérer que leur gouvernement cautionne l'affaire Doan en n'agissant pas avec Hockey Canada et ils se sont défilés. C'est la preuve qu'ils se foutent des principes quand il s'agit des Québécois», de dire M. Proulx.
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Ce qui est intriguant, c'est que Gilles Duceppe et les députés du Bloc québécois ont été très timides dans cette affaire. Pourtant, Caroline St-Hilaire et Maka Kotto ont été des députés vigilants dans le passé. Faudrait-il que Lisa Frulla se refasse élire pour aller mener la charge à Ottawa?
Hier, j'ai lu plusieurs courriels envoyés à La Presse ou à RDS. À part un lunatique qui vantait le «valeureux guerrier» qu'était Shane Doan, tous les intervenants étaient ulcérés.
Il faut faire la distinction entre l'entreprise privée et une entreprise paragouvernementale comme Hockey Canada. Que Saku Koivu soit incapable de dire «merci» après 10 ans passés à Montréal, c'est vraiment triste et dommage parce que ça indique bien que le fait français recule dans la métropole. Les gens laissent faire.
Mais il est tout aussi vrai que le Canadien appartient à un Américain de Denver, fort gentil, et que si vous continuez à acheter 21350 billets par match, il n'en a rien à cirer de la situation linguistique au Québec. Il n'est obligé qu'aux articles de la loi 101 qui concernent son organisation. Le reste, si vous êtes prêts à payer le gros prix pour ce qu'il vous offre, c'est parfât.
Mais l'équipe nationale du Canada, c'est autre chose. Ce ne sont pas les valeurs de George Gillett que les joueurs vont représenter à Moscou, ce sont celles du Canada.
Et au Canada, on ne peut pas traiter quelqu'un de «fucking Jew» ou de «fucking Nigger» et porter l'uniforme du pays.
Ils ont dû se dire que « fucking Frenchmen», c'était moins grave.
DANS LE CALEPIN... Vous vous rappelez la saga Alex Kovalev? Vous vous rappelez tous ces courriels et tous ces téléphones pour exiger le «tape» de l'entrevue de Kovalev donnée à une journaliste de Moscou? Vous vous rappelez les gros doutes de certains autres médias? Kovalev a repris là où il avait laissé après sa première crise. Cette fois, les gens n'ont pas douté.
Ce que je veux surtout montrer, c'est que c'est là un exemple parfait de ce qu'est la crédibilité d'un journal. C'est à force de sortir des histoires qui s'avèrent qu'on établit cette crédibilité. Une par une, une à la suite de l'autre. Parfois, on commet une erreur. Dans ce temps-là, on corrige le plus vite possible. Les 200 ou 300 personnes qui ont «exigé» le tape de la première entrevue savent maintenant que Mathias Brunet et les autres avaient fait un travail impeccable. La prochaine fois, ils liront et se diront : «C'est Brunet, c'est La Presse, donc c'est vrai.» C'est ça, un journal sérieux.


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