Faut-il confier à une commission d'enquête le mandat de faire la lumière sur l'existence d'un système mafieux de collusion entre des entreprises du secteur de la construction pour s'approprier des contrats dans le secteur public et en gonfler les coûts? Le gouvernement du Québec dit ne pas fermer la porte à une telle idée. Pourtant, il hésite pour l'instant même si les raisons qui militent en faveur d'une telle enquête sont nombreuses.
La preuve de l'existence d'un tel système mafieux n'est plus à faire. Ce n'est plus de l'ordre de la rumeur. Ce n'est pas non plus une légende urbaine. Voici déjà quelques années que, sous le sceau de la confidence, des personnes portent à l'attention des autorités policières et des médias des situations où des contrats ont été accordés largement au-delà des estimations. À Québec, on a longtemps fait valoir qu'il s'agissait de cas d'espèce. On sait maintenant que ce n'était pas des exceptions. Les langues se délient et plusieurs médias ont publié des informations qui sont troublantes, voire révoltantes puisque ce sont des centaines de millions qui sont ainsi détournés des fonds publics. La patience a des limites qui sont atteintes!
Le gouvernement Charest ne peut plus prétendre ignorer l'ampleur du problème, surtout pas après la diffusion à Radio-Canada jeudi d'une enquête où l'on voit un entrepreneur en construction, comblé de contrats par la Ville de Boisbriand, tenter d'influencer le cours de l'élection en faveur de la mairesse sortante. Une enquête élargie mettrait en péril des enquêtes policières en cours, fait-on valoir. On veut bien croire que les policiers font leur travail du mieux qu'ils peuvent, mais leur capacité à mettre au jour l'existence d'un système est limitée. Tout au plus pourront-ils épingler quelques contrevenants à qui on intentera des procès dans l'espoir d'obtenir des condamnations qui auront valeur d'exemple.
Une commission d'enquête aura des moyens plus puissants. Il lui sera possible, si le gouvernement lui accorde un mandat qui n'est pas assorti de mille restrictions, d'aller mettre son nez partout où elle a des raisons de croire qu'il y ait pu avoir malversation. Elle pourra se pencher sur le cas de grandes municipalités comme Montréal, Laval, Longueuil, Québec, et sur celui de plus petites comme Boisbriand. Elle pourra aller voir si les assertions voulant que la construction des routes au Québec soit de 10 % plus cher au Québec qu'en Ontario et vérifier s'il y a pu avoir collusion.
Ces dernières années, ce sont des milliards que les gouvernements ont mis à la disposition des municipalités pour des projets d'infrastructures. Quant au ministère québécois des Transports, il investira 41,8 milliards en cinq ans pour la reconstruction de routes, de viaducs et d'échangeurs, ainsi que de nouvelles routes. L'assiette au beurre est bien garnie et sa vue est de nature à aiguiser l'appétit de profiteurs. Exposer publiquement les faits demeure le meilleur outil de dissuasion dont le gouvernement dispose.
Le mandat d'une telle commission sera par ailleurs d'envisager des réformes, un domaine où la police ne peut intervenir. Il y a manifestement un problème avec le système d'appels d'offres et de soumissions publiques, que des entrepreneurs véreux ont perverti avec la complaisance, active dans certains cas et passive dans d'autres, de fonctionnaires et d'élus. Il faut revoir les modes de contrôle le plus rapidement possible. À tous les égards, il y a urgence. Ce serait de la négligence de la part du gouvernement de ne pas agir maintenant.
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