Claude Chiasson - J'ai croisé à quelques reprises des personnes inquiètes qui m'ont demandé si nous n'étions pas sur le point de sombrer dans une grande dépression économique comme celle des années 30. Je profite donc de la présente chronique pour répondre à la question.
Dépression. Récession. Faillites des gouvernements et de banques. Ce sont certainement les mots les plus mentionnés dans l'actualité financière occidentale depuis le début de l'année. Des mots qui, à force de résonner dans nos médias, répandent un vent de panique parmi la population. En Europe, les gens sont préoccupés par la santé financière de leurs banques. Au point que plusieurs envisagent de déplacer leurs épargnes vers la Suisse (pour les plus fortunés seulement). C'est facile à comprendre. Les Portugais, les Grecs, les Italiens et les Espagnols y pensent à juste titre, alors que leurs gouvernements peinent ou échouent à faire face à leurs obligations financières, leur dette étant devenue très ou trop élevée. Ce faisant, leurs banques, gorgées de titres de créance de leurs gouvernements respectifs et confrontées de surcroît à un fort ralentissement des économies respectives, sont au bord de la faillite, sinon d'une recapitalisation majeure.
S'il n'y avait que ces pays. Même la France et l'Allemagne, les deux poids lourds de l'Union européenne, doivent envisager une certaine forme de recapitalisation de leurs plus grandes banques alors qu'elles s'apprêtent à essuyer une perte sèche à hauteur de 50 % de leurs placements dans les obligations grecques. Déjà la banque belge Dexia vient de faire faillite et a été illico démantelée.
Une recapitalisation des banques qui, combinée au sauvetage attendu de la Grèce (qui coûtera une centaine de milliards d'euros), exerce maintenant une pression sur la cote de crédit triple A de la France. En effet, il y a deux semaines, Moody's a averti que le pays dirigé par Nicolas Sarkozy risquait une décote prochainement. Une telle décote trace une ligne quant aux liquidités que peuvent verser les pays membres de l'Union européenne dans le fonds européen de stabilité financière (ce dernier disposera de 440 milliards d'euros).
Aux États-Unis, l'économie s'est voulue poussive durant l'été, au point de laisser craindre un retour de la récession d'ici quelques mois. Le système bancaire panse toujours ses plaies de la crise de 2008. Quant au marché immobilier, un piston important à la croissance économique, il peine à sortir du marasme dans lequel il se trouve depuis 2008. Et, outre un gouvernement fédéral aux prises avec un déficit budgétaire de 1,5 billion $US par année, les États et les municipalités se trouvent dans une situation financière des plus précaires.
Voilà une toile de fond tout à fait propice à une possible dépression. Surtout que les politiciens tardent à prendre les mesures qui s'imposent, s'adonnant à la partisanerie plutôt que d'apporter de véritables solutions. La résultante: des problèmes qui auraient pu être résolus il y a déjà plus d'un an se sont depuis aggravés au point de désarçonner les plus grandes économies occidentales.
Donc, à ceux qui s'interrogent sur les possibilités d'une prochaine dépression, je dois répondre que les probabilités sont certainement plus élevées qu'avant la crise financière de 2007-2008. Toutefois, le scénario le plus probable n'est pas la dépression, plutôt le retour à un nouveau cycle de croissance économique, mais une croissance anormalement lente durant les premières années à cause des nombreux déséquilibres mentionnés précédemment.
Lueurs d'espoir
Espoir il y a pour plusieurs raisons. D'abord parce que, sur le plan monétaire, les outils sont en place pour assurer les liquidités nécessaires à la bonne marche de l'économie. Avec les mesures d'assouplissement monétaire quantitatif, les banques centrales sont en mesure de recourir à la planche à billets le temps qu'il faudra pour soutenir l'activité économique. Ce faisant, les gouvernements, et plus spécifiquement le gouvernement américain, peuvent prendre des mesures fiscales stimulantes pour fouetter leurs économies respectives. C'est ce qu'a fait le gouvernement américain en accouchant d'un plan budgétaire de 447 milliards $US pour créer des emplois. Ce plan prévoit des allégements fiscaux pour les entreprises qui emploieront les plus nécessiteux, la pleine déductibilité des dépenses d'investissement qu'effectueront les entreprises avant la fin de l'année (on estime à près de 2 billions $US les liquidités des entreprises aux États-Unis) et la création d'une banque dédiée au financement des infrastructures dans laquelle le gouvernement injectera une première mise de fonds de 60 milliards. En présumant un effet de levier de 10 $ d'actif pour 1 $ de capital, une telle banque sera en mesure de financer des projets d'infrastructure à hauteur de 600 milliards.
L'Europe n'est plus depuis belle lurette un important vecteur de croissance de l'économie mondiale. Elle peut cependant devenir un fardeau non négligeable advenant qu'elle sombre dans une sévère récession. Par contre, les États-Unis sont un vecteur important, et même très important, en ces temps où les économies émergentes mettent un frein monétaire pour tenter de juguler les pressions inflationnistes. Et ce sont les données économiques des prochains mois qui nous diront si les États-Unis sont bel et bien engagés dans un nouveau cycle de croissance ou s'ils sombreront dans une longue récession.
Cet été, les indicateurs nous ont signalé une économie qui allait se mettre au neutre. Fort heureusement, le vent s'est mis à tourner en septembre. Les ventes au détail ont bondi de 1,1 % pour le mois. Les ventes d'automobiles ont grimpé de 12,1 à 13,1 millions d'unités sur une base annuelle pour le même mois. L'indice de la chaîne d'approvisionnement pour les services demeure bien ancré dans la zone d'une bonne croissance, entre 55 et 57. Quant à l'indice manufacturier, il a faibli, mais il demeure à plus de 50, indiquant que ce volet de l'économie est en modeste expansion et non en contraction.
Par ailleurs, les masses monétaires définies selon M-1 et M-2 ont littéralement explosé au cours des trois derniers mois, de 36 % et 22 % respectivement. Les banques américaines prêtent maintenant aux entreprises. Depuis maintenant près de 12 mois, l'encours des prêts octroyés aux entreprises est à la hausse mois après mois, alors qu'auparavant il se contractait. Même s'il demeure très élevé, le pourcentage des prêts non performants dans l'actif des banques américaines régresse.
Quant au secteur de la construction, il demeure des plus atones. Mais les mises en chantier ont tout de même rebondi, de 571 000 en août à 649 000 en septembre, sur une base annuelle. Bien que les Américains aient dû mettre en veilleuse leur rêve de posséder un bungalow, ils doivent tout de même se loger. C'est pourquoi le nombre d'immeubles multilogements en début de construction a bondi de près de 58 % en septembre. Il reste ici que les États-Unis ne pourront pas compter sur l'industrie de la construction pour donner un second souffle à la croissance pendant encore plusieurs trimestres. Mais un simple retour à 900 000 mises en chantier (ce qui n'est pas un niveau très élevé) aurait un effet perceptible sur la croissance globale de l'économie et sur le moral du consommateur, qui se trouve dans les bas-fonds.
D'autres facteurs sont aussi de nature à stimuler l'économie au sud de notre frontière au cours des prochains mois. Il y a les taux hypothécaires qui ont reculé sensiblement au cours des derniers trimestres. C'est ainsi que le taux sur les hypothèques de 30 ans est passé de 5 % à près de 4 %. Le recul du prix du baril de pétrole est un autre stimulant à court terme de l'économie. Par ailleurs, l'activité du commerce international ne semble pas ralentir. C'est du moins ce que nous dit l'indice Baltic Dry (l'indice du prix du coût de transport maritime des matières dites sèches), qui a passé la barre de 2000 au cours des derniers mois, lui qui se trouvait en début d'année dans les bas-fonds à près de 1200.
Conclusion: tous les espoirs sont permis quant à l'amorce d'un nouveau long cycle de croissance. Mais possibilité d'erreurs de tir il y a si la gente politique ne parvient pas à accorder ses violons.
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Dépression ou nouveau long cycle de croissance?
Espoir il y a pour plusieurs raisons. D'abord parce que, sur le plan monétaire, les outils sont en place pour assurer les liquidités nécessaires à la bonne marche de l'économie.
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