Le débat du 3 mai, qui verra s’affronter Emmanuel Macron et Marine Le Pen, s’annonce passionnant. Même si la candidate du FN a théoriquement peu de chances de gagner le 7 mai, le favori du système politique et médiatique ne brille pas, pour le moment, par sa pugnacité ni par son réalisme. 61% des sondés jugent "réussie" l’actuelle campagne de Le Pen. "Eh, Manu, tu redescends ?", titre Libération ce mercredi, en s’inquiétant du flottement du jeune prodige. Il donne le sentiment de se croire déjà élu. Sur RTL ce matin, son porte-parole, Benjamin Griveau, a expliqué benoitement que le leader d’En Marche avait consacré une grande partie de sa journée de lundi à "contacter les chefs d’Etat européens", confirmant la posture présidentielle prise prématurément par le jeune ambitieux. Or sa position politique, si elle recueille des soutiens venus de la gauche et de la droite, reste fragile. Comme le rappelle l’universitaire Dominique Reynié (Le Monde, mardi), "sa base de premier tour ne représente que 18,9% des inscrits (…) Il ne faut pas se tromper sur la difficulté du second tour : face à un vote protestataire fragmenté mais peu ou prou majoritaire, Emmanuel Macron sera bien seul". On peut imaginer que Le Pen ne se privera pas, lors du débat, de replacer son adversaire dans son rôle de représentant d’une classe privilégiée mais minoritaire, à l’aise dans le déracinement, la mondialisation, le commerce fructueux : un anachronisme, dans une France qui, en 2005, avait dit non à 55% à la consolidation constitutionnelle de l’Union européenne. Le populisme dont se réclame Macron est une habile fiction, aisément démontable.
Entendre d’ailleurs le numéro 1 se réclamer à son tour du patriotisme, en accusant son adversaire de nationalisme, confirme que le FN a déjà gagné la bataille des idées. Les vagues de drapeaux tricolores, qui s’observent dans tous les meetings, illustrent la défaite du discours post-national. C’est pourquoi les attaques convenues contre le nationalisme, que Macron porte à son tour, risquent de provoquer un effet boomerang : avoir une préférence pour ce qui est propre à la nation est un sentiment partagé par ceux qui veulent également protéger leur patrie. Faudrait-il débaptiser l’Education "nationale" ? Cette trop subtile dialectique des promoteurs de la société ouverte fait oublier que les conflits futurs sont désormais dans les plis du multiculturalisme, que Macron protège. Lundi, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), issue de la mouvance des Frères musulmans, a appelé "à aller voter massivement pour faire barrage aux idées de xénophobie et de haine et donner au candidat Emmanuel Macron le score le plus large". Les Frères musulmans ont l’objectif de promouvoir la charia (loi de Dieu), incompatible avec la démocratie (loi du peuple). La grande mosquée de Paris et le Conseil français du culte musulman (CFCM) ont également invité à voter Macron. Ce mercredi, le ministre algérien des Affaires étrangères a qualifié le candidat, qui a dit récemment de la colonisation française qu’elle est un crime contre l’humanité, d’"ami de l’Algérie". Le 7 mai sera aussi un référendum sur l’avenir de la nation, de son identité, de sa cohésion.
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