"Forget" Jérôme-Forget

Chronique de Patrice Boileau


Quelle dame de fer? Qui a décidé d’affubler récemment l’ex-ministre des Finances de ce sobriquet? Une seule à mes yeux peut le porter : Margaret Thatcher, ex-premier ministre du Royaume-Uni, de 1979 à 1990. À ce que je sache, Monique Jérôme-Forget n’a jamais caressé l’espoir de représenter son pays sur la scène internationale.
C’est plutôt une femme peu flamboyante qui a quitté la vie politique mercredi dernier. Une décision qui n’a surpris personne, sauf peut-être pour ce qui est de la date du départ que plusieurs entrevoyaient à l’automne. La principale intéressée était sans doute consciente de ce manque d’envergure pour avoir sciemment choisi de s’associer à une sacoche! Chose certaine, ce fut une caricature sexiste maladroite de sa part pour décrire les responsabilités qui furent les siennes, dans le cabinet de Jean Charest.
La ministre démissionnaire s’est surtout distinguée par son entêtement dogmatique que certains ont malheureusement qualifié de « franc-parler. » Sa manière de s’exprimer n’était pas en effet sa principale qualité. Son intransigeance s’est manifestée par des mesures comme le bâillon, sinon à l’aide de la majorité parlementaire de son gouvernement. Pas très subtil pour rassembler les gens autour d’une idée!
Son entrée au conseil des ministres en 2003 fut également acide. Monique Jérôme-Forget a été une des principales artisanes de l’imposition de la loi 142 en 2005. Elle a ainsi préféré s’inspirer de son prédécesseur Michel Audet aux finances, plutôt que de reprendre le courageux combat de Yves Séguin dans le dossier du déséquilibre fiscal. C’est donc l’ensemble des employés de la fonction publique qui a écopé pour sa vision fédéraliste, elle qui a reçu par la suite un cosmétique allègement fiscal, lui-même malmené maintenant par de multiples hausses tarifaires gouvernementales. On se doute bien que le présent ralentissement économique réserve aux Québécois une finale financièrement indigeste. C’est là le prix à payer pour l’option politique que privilégie le Parti libéral.
Ce sont néanmoins les derniers mois de carrière politique qui ont fait le plus mal à Monique Jérôme-Forget. Celle qui prétend avoir été guidée par la « rigueur, rigueur, rigueur (sic) » aura plutôt semé le doute dans la société civile quant à son honnêteté. La « ministre à la sacoche » quitte effectivement en laissant l’impression qu’elle a menti au sujet de l’équilibre des finances publiques. Idem dans le dossier de la Caisse de dépôt et placement. Son obstination à prétendre, durant la dernière campagne électorale, que le Québec ne serait pas touché par la crise, fut d’un ridicule absolu. Qui ne sait pas que la majorité des exportations québécoises est vendue aux États-Unis? La récession chez nos voisins du sud nous condamnait à en subir les contrecoups. Comment la ministre des Finances pouvait-elle jurer ne pas le savoir?
L’ex-députée libérale de la circonscription de Marguerite-Bourgeoys a affirmé être fière d’avoir « attaché les mains des politiciens pour les prochains 15 ans. » Assurément à ses yeux un de ses legs les plus flamboyants! La pauvre ne sait-elle pas qu’une loi qui oblige le gouvernement à respecter certaines mesures peut être modifiée en un tournemain, voire totalement annulée? Celle qui impose à l’État québécois l’adoption de budgets équilibrés, depuis 1996, sera simplement suspendue afin de permettre à l’administration libérale d’enfoncer officiellement le Québec dans le rouge, au montant de huit milliards de dollars pour les deux prochaines années! Puisque la parole de ce gouvernement est également déficitaire, il faut s’attendre à un manque à gagner beaucoup plus grave! On en connaîtra véritablement l’ampleur qu’au prochain rendez-vous électoral, quelque part en 2013.
Peut-être est-ce finalement pour cette raison que Monique Jérôme-Forget a voulu démissionner avant que ne débute la dernière campagne électorale. Trop de mensonges et d’entourloupettes pointaient à l’horizon, pour aider son parti à former de nouveau un gouvernement majoritaire. Elle a somme toute décidé de rester, à la demande de Jean Charest. Est-ce un acte de fidélité ou de naïveté?
Son passage à l’émission « Tout le monde en parle », dimanche dernier, ne nous a pas davantage informés là-dessus. Visiblement mal à l’aise, Monique Jérôme-Forget y a déclaré que sa présence constituait la dernière entrevue qu’elle accordait aux médias. Avouons que la langue de bois qu’elle a souvent utilisée durant l’entretien convainc que d’autres effectivement sont inutiles. Ou l’invitée éprouve de grandes difficultés à s’exprimer publiquement, ou elle démontre par cette lacune qu’elle est démunie, lorsque ses conseillers politiques sont absents. L’ex-ministre libérale s’est surtout agrippée à sa sacoche qui a servi a concocter une blague qui préparait sa sortie. Une plaisanterie qui est tombée à plat, comme son passage au gouvernement.
L’ex-ministre des Finances a candidement avoué avoir acheté une propriété au Mexique. C’est qu’elle désire apprendre la langue espagnole prestement. Elle suivra d’ailleurs dans ce pays un cours intensif dans les prochaines semaines. Mme Jérôme-Forget était d’ailleurs déjà là-bas, alors qu’elle faisait acte de présence sur le plateau de l’émission animée par Guy A. Lepage. Elle ne pouvait ni ne voulait rester pour la durée de la diffusion car il lui pressait de remplir ses valises : elle s’envolait en effet vers le sud dès le lendemain! On jurerait que la retraitée de la politique s’empresse de fuir un grave péril qui guette le Québec. Elle semblait tellement soulagée de déguerpir! Voilà qui n’a rien de rassurant pour ceux qui restent avec son héritage…
Patrice Boileau



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