Mourir conquis

Nous honorerons ainsi tous ceux et celles qui, depuis 250 ans, ont bravé à leur manière la propagande de l’occupant

Chronique de Patrice Boileau


Probablement la grande hantise de quiconque qui a à cœur sa patrie qui est occupée. Un tourment qui empoisonne l’existence de ceux et celles qui espèrent voir de leur vivant les leurs s’affranchir du joug colonisateur.
Ainsi, depuis la conquête britannique de 1760, ils ont été plusieurs à lutter contre le défaitisme. Des gens qui, au travers de leurs préoccupations quotidiennes, n’ont jamais cessé de penser au bien commun, d’espérer que leur nation parvienne un jour à assurer son avenir en retrouvant la liberté. La liste qui rassemble ces noms est longue aujourd’hui de 250 ans. Ces acteurs ne sont certes pas tous des personnages centraux de notre histoire. Nombreux en effet sont les quidams qui, par le biais de gestes qui sont souvent passés inaperçus, ont contribué néanmoins à la résistance nationale. Nous ne pouvons les oublier. Comment taire par exemple la bravoure de ces agriculteurs venus des quatre coins de la vallée du Saint-Laurent, pour prêter main forte aux militaires sur les plaines d’Abraham, afin de repousser l’ennemi britannique?
Idem lors de la guerre d’indépendance des Treize-colonies quelques années plus tard. Plusieurs des nôtre n’ont pas hésité à joindre les troupes rebelles américaines dans l’espoir de voir l’occupant britannique quitter le pays qu’ils bâtissaient. Ces personnes ont également légué à leurs enfants l’espoir de liberté. Ces derniers ne les ont jamais trahis, même s’ils les ont vus quitter sans que leur vœu ne se réalise.
Au XlXe siècle, cette lutte s’est organisée et a utilisé des outils démocratiques, afin de redonner au peuple sa dignité. Progressistes, les porte-paroles politiques des francophones ont poursuivi leur travail acharné afin de convaincre les plus frileux que seule la liberté assure l’émancipation nationale. La malhonnêteté des adversaires aura causé leur perte. Malgré l’inégalité du combat, les artisans du changement ont lutté héroïquement. On connait le sort tragique qui fut réservé à plusieurs d’entre eux. Les autres qui les ont appuyés dans l’ombre, des gens qui ont placé devant les soucis de la vie quotidienne la cause ultime, méritent aussi toute notre admiration. On retrouve assurément dans ce groupe des habitants du village de Saint-Benoît, hameau brutalement mis à sac par les « habits rouges. ».
Notre respect s’avère aussi vif envers ceux qui ont refusé de baisser les bras, malgré le sombre climat de morosité qui a suivi les troubles de 1837-38. Ces personnes ont transmis à leurs proches le trésor patrimonial qui anime encore tant bien que mal la culture québécoise d’aujourd’hui. Ainsi, l’amour de la langue, la solidarité familiale et le devoir de mémoire sont des valeurs qui ont réussi à vaincre l’usure du temps. Encore aujourd’hui, une majorité de Québécois de souche croit en un avenir hors du carcan canadian. Ceux-ci étonnent par leur soif de résister et s’attirent même le soutien de plusieurs nouveaux arrivants. La lutte demeure certes très inégale. Mais ces rebelles refusent l’assimilation et multiplient les actions qui visent à repousser le rouleau compresseur anglo-saxon.
Nous rêvons tous de voir le Québec joindre rapidement sa voix au concert des nations. Nous souhaitons profondément y assister car notre immense joie abreuvera alors des générations de résistants qui nous ont précédés. Nous honorerons ainsi tous ceux et celles qui, depuis 250 ans, ont bravé à leur manière la propagande de l’occupant. Ainsi pourra-t-on honorablement cicatriser cette plaie douloureuse qu’entraîne une mise en terre occupée.
J’ose espérer y participer pour mon père qui a ajouté son nom à cette longue liste, le 28 décembre dernier.
Patrice Boileau


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2010

    Quel superbe texte. Mes sincères condoléances.
    RD

  • Lucille Labrie Répondre

    7 janvier 2010

    Désolée pour vous monsieur Boileau.
    Mon père est dcd il y a 13 ans et il était un grand souverainiste,il a dû se battre au sein du CN pour prendre sa place et se faire respecter parmi les "p'tits boss anglos"Finalement malgré ses convictions et sa militance nationaliste ,il a été apprécié de tous!
    Oui Patrice les combattants qu'on été nos ancêtres avaient le courage de leurs convictions
    À l'ère où la majorité des Québécois sont empatiques et souffrant de neutralité à la UDA c'est triste de voir partir nos sympatisants souverainistes et défenseurs de la langue française encore aujourd'hui !

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Monsieur Boileau,
    Vous avez partagé l'espoir de votre père...c'est une force imbattable.
    Mes sincères sympathies. Hélèna.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Quel beau texte à la mémoire des disparus!
    En effet, mourir en terre occupée est un bien grand malheur !...
    Toutes mes sympathies, M. Boileau !

  • Gilles Bousquet Répondre

    6 janvier 2010

    Mes condoléances M. Boileau.
    Bonne année 2 010 quand même et la souveraineté avant la fin de vos jours !

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Je vous présente mes sincères condoléances monsieur Boileau.
    J'espère bien moi aussi ne pas mourir canadien.