Au lendemain du discours du budget fédéral, un quotidien montréalais titrait: «Une pluie de milliards.» Il me semble pourtant qu'il ne s'agit que d'un parcimonieux saupoudrage de nanogranules, comme si on avait choisi un traitement homéopathique pour ce qui semble être la crise la plus sévère depuis la Grande Dépression.
Déjà, une comparaison rapide avec le plan de relance américain fait paraître bien pâlichon ce qu'on nous annonçait mardi: alors que le Canada a une population et un PIB qui sont l'une comme l'autre à peu près dix fois moins importants que ceux des États-Unis, le plan de relance du gouvernement Harper sera vingt fois moins sérieux que celui de nos voisins du sud.
Les premiers commentaires montrent que les salariés disposeront de quelques dollars de plus par semaine et, en faisant preuve d'une bonne volonté exacerbée, on peut se dire que c'est mieux que rien. Or, il en est de même pour la plupart des mesures annoncées: elles sont modestes et dispersées -- mis à part les coups de pouce pour l'industrie automobile et le sud de l'Ontario qui ne sont pas aussi minables, merci pour eux.
Bon nombre d'analystes insistent pour que nous portions plutôt notre regard vers les montants annoncés pour relancer l'investissement dans les infrastructures: ce serait du sérieux, rendez-vous compte, pas moins de 12 milliards de dollars!
Les milliards et les millions, ça me donne le vertige. Aussi, pour comprendre un peu mieux à quoi cela correspond, je préfère ramener le tout à l'aune de Montréal. Bien entendu, personne ne sait encore ce que cela signifiera exactement pour chaque municipalité. Le jour du discours sur le budget, le maire de Montréal estimait que notre ville recevrait environ 250 millions sur deux ans. La veille, en étant de nature un peu moins jovialiste que notre maire, j'avais fait le pari que Montréal recevrait 100 millions pour 2009. Que l'on parle de 100 ou 125 millions par année, ce n'est pas rien, mais est-ce beaucoup?
En guise de comparaison, on se rappellera qu'à la mi-janvier, le fédéral avait octroyé un contrat d'un montant similaire (254 millions) pour relancer l'économie d'une ville... du Texas, en y faisant fabriquer des camions militaires, plutôt que d'en confier la fabrication à l'usine Paccar de Sainte-Thérèse. Il est vrai que nous devrions tous nous réjouir puisque ce contrat contribuera de toute façon à faire redémarrer la grande roue de l'économie (qui tourne pour tout le monde); nous finirons bien par en profiter. Les Texans achèteront peut-être plus de sirop d'érable? C'est comme escompter un effet papillon économique.
Mais revenons à Montréal. Une tempête de neige entraîne des dépenses de 18, 19, 20 millions. Le fédéral va donc verser à Montréal l'équivalent de six ou sept tempêtes: merci.
(Il faut être poli et reconnaissant, ils n'étaient même pas obligés. Enfin, si, tout de même, vu les circonstances.)
Il demeure que c'est très peu.
Dans son budget adopté en décembre dernier, la Ville de Montréal a déjà prévu investir 1,156 milliard de dollars dans ses infrastructures en 2009.
L'apport fédéral représentera donc entre 9 et 11 % de ce que la Ville investira en 2009: à peine un supplément de 10 %!
On est loin du gros coup pour fouetter l'économie! C'est la crise ou non?
Ce n'est pas + 10 % qu'il aurait fallu, mais + 40 % ou + 60 %, voire davantage.
Sachant que, pour 2009, il n'aurait pas non plus fallu injecter beaucoup plus (que 40 ou 60 % supplémentaires), car il faut tout de même un minimum de temps de préparation.
Sans oublier qu'il faut éviter d'engorger les capacités de l'industrie par un afflux trop massif et subit. (On n'a qu'à penser au gaspillage de 1976.) Mais on aurait pu annoncer dès maintenant qu'on allait «mettre la gomme» pour 2010.
Au lieu de cela, on donnera des réductions d'impôts... à ceux qui paient de l'impôt (eux apprécieront). Si ces heureux contribuables sont rationnels pour deux sous -- c'est ce qu'on leur souhaite et ce qu'il faut leur recommander --, ils rembourseront leurs emprunts et, si possible, ils économiseront un petit peu d'argent.
Tant mieux pour eux. Tant pis pour la relance de l'économie!
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Pierre J. Hamel, Professeur-chercheur. Groupe Métropolisation et Société et Groupe de recherche sur l'innovation municipale, INRS-Urbanisation
Infrastructures: des grenailles!
Le Québec et la crise
Pierre J. Hamel6 articles
professeur-chercheur
INRS-Urbanisation, Culture et Société
Institut national de la recherche scientifique
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