L'obsession de la voirie comme remède à la crise

Le Québec et la crise

Depuis que LA CRISE s’est pointé le bout du nez, tous les experts l’ont répété : « Ne vous inquiétez pas, nous connaissons le remède. Il suffit d’investir dans les infrastructures. » Jean Charest était tout content, il avait annoncé d’importants investissements publics après que l’effondrement de certaines infrastructures ait provoqué la panique générale.
Le consensus s’en est trouvé renforcé quant à la nature des infrastructures : les routes, les ponts, les édifices publics, les barrages, etc. Bref, n’importe quoi pourvu que ce soit matériel, visible et gros. C’est aussi le remède que le gouvernement conservateur du Canada s’est résigné à appliquer, un peu à contrecoeur. Il aurait préféré laisser cela au privé…
Aujourd’hui, ce même gouvernement conservateur force la société Radio-Canada à couper 800 postes. L’idée d’investir dans « les infrastructures » repose pourtant sur un raisonnement simple : il faut créer de l’emploi et générer de l’activité économique. Alors pourquoi créer seulement des emplois de voirie, comme si ce secteur d’activité générait des retombées économiques plus importantes que celui des services, de la culture ou de l’information, tandis que dans les faits, c’est généralement le contraire?
Dans notre société, le problème est plus profond. C’est toute la conception de la société qui est en cause. Selon notre culture matérialiste, la notion même d’ « infrastructures » est d’emblée matérielle. Or c’est une illusion et une fausseté. Les véritables infrastructures d’une société ne sont pas matérielles mais culturelles, sociales et institutionnelles. Par exemple, lors de la dernière guerre mondiale, les infrastructures matérielles du Japon, y compris la plupart des grandes villes, ont été détruites par des bombardements sans précédents, culminant avec les deux premières bombes atomiques. Cela n’a pas empêché le Japon, comme pays et comme société, de se relever rapidement et de devenir l’une des grandes puissances économiques. L’Allemagne a fait de même. C’est que les véritables infrastructures de la société étaient restées intactes : les institutions politiques, économiques et sociales, ainsi que la culture qui les intègre et leur donne une cohérence. À l’inverse, on devrait aussi avoir réalisé depuis longtemps que les travaux matériels de « développement » des pays du Tiers-Monde ne donnent aucun résultat durable tant qu’ils ne reposent pas sur une infrastructure sociale cohérente et fonctionnelle.
Au Canada et dans le monde occidental en général, il y a une seule exception à cet aveuglement concernant l’importance cruciale des « infrastructures » immatérielles : c’est l’argent. L’empressement et l’enthousiasme manifestés dans le sauvetage des institutions financières a quelque chose d’inquiétant. Au Canada, le gouvernement conservateur s’est empressé de consacrer soixante-quinze milliards de dollars pour aider les banques canadiennes, pourtant florissantes, en les soulageant de leurs mauvaises créances. Le tout sans le moindre débat politique ou public. D’ailleurs fort peu de citoyens généralement bien informés semblent en avoir eu vent.
Une crise économique n’est pas une guerre totale et tout porte à croire que notre société, à court terme, survivra à son aveuglement et à ses erreurs monumentales. À long terme, c’est moins évident. Peut-on faire durer une société ou une civilisation en ignorant l’ABC de son fonctionnement et de ses fondements?
Denis Blondin

Anthropologue

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2 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    28 mars 2009

    Les mêmes braillards qui s'excusaient fièrement de ne pas avoir vu venir "la crise",sont les premiers maintenant à nous prédire bientôt une "reprise".
    Ils la voient,eux,cette reprise...
    Maintenant que la ronde des déficits budgétaires du gouvernement a repris cours,il vaudrait mieux,en effet,qu'une reprise se pointe le bout du nez.
    Je veux bien croire qu'un "crise" n'est pas une guerre totale,mais l'absence de reprise avant la semaine des quatre jeudis pourrait peut-être signifier que nous avons très exactement perdu une guerre.
    Dans les années cinquante,les p'tits québécois "achetaient" des p'tits chinois.Devenus grands,les chinois sont dans l'espace.Bientôt sur la lune.
    Mais nous les québécois---les indépendantistes en particulier---nous préférons discuter jusqu'à plus soif,selon la belle expression de mme Vallée,si un référendum à 51-52-53% alouette, invalidera le Canada.
    En fait,nous les québécois,nous les indépendantistes,nous nous inclinons plutôt facilement devant les résultats du 8 Décembre dernier.Nous allons nous incliner devant les déficits budgétaires qui vont rétrécir la marge de manoeuvre de tous nos gouvernements provinciaux,même souverainistes,et nous allons convenir avec nos ennemis politiques de notre incapacité nationale à nous gouverner et à nous gérer nous-mêmes.
    Merci,M.Blondin, de rappeler quelques vérités incontournables.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2009

    Tous ceux qui ont dénigré, jusqu'à plus soif, Maurice Duplessis et ses « bouts de chemin » sont servis.
    Il faut écouter et voir tous les dénonciateurs de Duplessis se fendre en quatre pour défendre la politique de la Grande Noirceur comme ils l'appelaient...
    Comme quoi on n'invente rien!
    Marie Mance Vallée