2013 s'achève. Une année marquée, dans le secteur économique, par des rachats tonitruants, des entrées en Bourse fracassantes, mais aussi, en France, par des fermetures d'usines et par des révoltes fiscales aux allures de basse-cour. Retour sur les treize grands événements et phénomènes économiques qui ont marqué l'année.
- Shutdown aux États-Unis : l'administration ferme boutique
Le shutdown, ou fermeture temporaire et partielle des administrations fédérales « non indispensables », est la suite logique du conflit budgétaire qui grippe le bipartisme américain depuis les élections de mi-mandat de 2011, qui ont vu les démocrates perdre la main à la Chambre des représentants. Sans accord sur le budget de l'administration, et donc sans argent pour payer les fonctionnaires, le gouvernement s'est vu forcé de mettre 800 000 d'entre eux au chômage technique. C'est finalement la date limite de relèvement du plafond de la dette, à la mi-octobre, qui a forcé les parlementaires à trouver un accord pour mettre fin à quinze jours de paralysie. Au début de décembre, le Congrès a réussi à conclure un accord budgétaire qui devrait éviter un nouveau psychodrame, au moins pour les deux ans à venir.
- Détroit fait faillite
Ecrasée par le poids d'une dette devenue insoutenable, très marquée par la crise de l'automobile et le chômage, victime d'une désaffection sans précédent de la part de ses habitants, qui ont fui en masse, l'ancienne « Motor City », autrefois prospère, demande le 18 juillet à être placé sous le régime du chapitre 9 des faillites municipales afin de restructurer sa dette. La mise sous tutelle décidée en mars n'aura pas suffi à remettre la ville sur les rails. Six mois plus tard, après avoir recueilli les objections de certaines catégories de créanciers, notamment des fonds de retraite de fonctionnaires, la justice autorise la mise en faillite de la ville. Parmi les autres victimes collatérales de cette banqueroute : la prestigieuse collection du Detroit Institute of Arts, l'une des plus importantes du pays, qui pourrait être vendue et dispersée.
- La croissance des émergents ralentit
Après une décennie de croissance forte, à deux chiffres pour les meilleurs d'entre eux, les BRICS et autres émergents ont du plomb dans l'aile. Les croissances chinoise, indienne ou encore brésilienne marquent le pas, subissant le contrecoup de la crise en Europe et aux Etats-Unis, qui entraîne un fort ralentissement de la demande extérieure et tasse les exportations. La roupie, le real et d'autres monnaies subissent également une crise des changes très pénalisante. L'inflation, notamment en Inde et au Brésil, grève le budget des ménages et fait descendre les populations dans la rue. Au Brésil, c'est pour protester contre la cherté des transports en commun, le sous-investissement dans les infrastructures, les dépenses engagées pour les Journées mondiales de la jeunesse et la Coupe du monde de football que les gens descendent dans la rue.
- Le Rana Plaza s'effondre, la réputation de la « fast fashion » aussi
Zara, H&M, Primark, Camaïeu… Toutes ces marques de vêtements bon marché ne faisaient pas fabriquer leurs produits dans les ateliers du Rana Plaza, cet immeuble de la banlieue de Dacca qui s'est effondré le 24 avril sur plusieurs milliers d'ouvriers du textile, en tuant 1 129. Mais toutes ont été touchées par le scandale qui en a découlé : le textile, une industrie intensive en main d'œuvre, continue de rechercher les ouvriers les moins chers, et ils se trouvent en grande partie au Bangladesh, nouvel atelier du monde depuis que les ouvriers chinois ont vu leur salaire augmenter au détriment de leur compétitivité sur ce segment. La tragédie met également au jour la question de la sous-traitance sauvage, qui se fait à l'insu des commanditaires et rend problématiques la traçabilité des vêtements et l'identification des responsabilités.
- Accélérée par la crise, la désindustrialisation continue à ravager le territoire
2013 est une année noire pour les usines françaises. FagorBrandt, PSA à Aulnay, Michelin, La Redoute et une kyrielle d'autres ont vu leurs portes se fermer sur fond de désindustrialisation galopante. En baisse depuis des années, le solde entre ouverture et fermeture d'usines a plongé en même temps que le reste de l'activité en 2008- 2009, à la faveur de la crise. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, continue cependant à promouvoir le « made in France », mais l'industrie ne représente plus que 13 % de la production nationale, contre 18 % il y a dix ans. Et les résultats du programme « Nouvelle France industrielle », doté de 34 plans sectoriels, se font attendre.
- Pigeons, poussins, dodos, dindons, moutons...
Le totem animalier ou le couvre-chef sont devenus les signes de reconnaissance des mouvements d'opposition au gouvernement, et notamment à sa politique fiscale. Forts du succès des « pigeons », qui ont fait reculer le gouvernement sur son projet d'augmenter la taxation des plus-values à la revente de sociétés, tous cherchent à faire plier les autorités sur leur sujet de prédilection. Derniers en date, et probablement les plus radicaux, les « bonnets rouges » bretons, qui protestent contre l'écotaxe qui touche les poids lourds traversant la région.
- Le séisme « OffshoreLeaks »
Les documents présentés par plusieurs médias, dont Le Monde, le 5 avril, sous la bannière OffshoreLeaks mettent en lumière l'ampleur de ce qui peut être considéré comme le plus grand scandale financier de tous les temps : l'évasion fiscale et son corollaire, l'érosion de la base fiscale aux dépens des contribuables. Face à la nécessité de réagir, les gouvernements se concertent pour tenter de mettre en place un échange automatique de données entre pays et limiter la capacité des fraudeurs à dissimuler leurs avoirs à l'étranger. Mais l'échange des données, tout comme la levée éventuelle du secret bancaire, ne concerne que les avoirs des particuliers, et non ceux des entreprises. Le 21 mai, Apple a été sommé de s'expliquer face aux parlementaires américains sur le montage fiscal qui permet au géant de la haute technologie de loger un maximum de profits à l'étranger.
- La folie bitcoin
Monnaie virtuelle, monnaie des gangsters, monnaie spéculative… Le bitcoin est probablement le moyen de paiement le plus sulfureux du monde. La Banque de France s'est même fendue d'une mise en garde, le 5 décembre, dénonçant « un risque financier certain ». Comme fait exprès, la Chine a interdit le même jour à ses institutions financières de l'utiliser. Et le bitcoin de s'effondrer dans la foulée : le cours de cette monnaie virtuelle, soupçonnée de servir à financer des transactions illégales sur la Toile (il fut un temps la monnaie principale du site de vente The Silk Road, utilisé notamment par des dealers, fermé en octobre), a chuté de 1 200 à 900 dollars. Il faut dire que sa valeur avait quintuplé depuis novembre.
- JPMorgan, nouvelle victime expiatoire de la crise financière
La banque d'affaires américaine JPMorgan aura eu son comptant de procès, de condamnations et d'amendes. Empêtrée dans une multitude de scandales, des subprimes à la violation de l'embargo avec l'Iran, en passant par l'affaire Madoff et l'emploi d'enfants de dignitaires chinois, la firme a été condamnée à payer plusieurs dizaines de milliards de dollars : elle devrait avoir à verser pas moins de 13 milliards pour solder les poursuites liées aux subprimes, un montant record mais largement provisionné dans les caisses de la banque, toujours leader sur son segment aux Etats-Unis.
- Les marchés retrouvent leurs niveaux d'avant-crise, voire le dépassent
Les Bourses sont-elles déconnectées de la réalité économique ? Les niveaux stratosphériques atteints par les marchés américains et la résilience des marchés européens semblent indiquer que les opérateurs financiers ont intégré que la sortie de crise serait longue, mais que ça ne les concernait – presque – plus. Le 1er août, le S&P 500, indice phare du New York Stock Exchange, a même battu son record historique, passant les 1 700 points pour la première fois depuis sa création. Les marchés américains récompensent notamment la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale, qui inonde les circuits de liquidités, liquidités qu'il faut bien placer quelque part. Leur abondance est telle que les économistes commencent à s'alarmer du risque de formation de nouvelles bulles spéculatives.
- Twitter fait une entrée triomphale à la Bourse de New York
Introduit le 7 novembre sur le New York Stock Exchange au prix, considéré comme relativement raisonnable, de 26 dollars l'action, le titre du réseau de microblogging s'est envolé pour sa première journée de cotation, frôlant les + 73 %, pour clôturer à 45 dollars. Les marchés ont donc capitalisé l'entreprise à 30 milliards de dollars, soit... trente fois son chiffre d'affaires. Là où Facebook avait, en mai 2012, essuyé un spectaculaire raté lors de son IPO et vu son cours dégringoler avant de se stabiliser, Twitter a fait le choix judicieux de mettre sur le marché peu d'actions, et ce afin d'exciter la demande : celle-ci s'est largement engouffrée dans la brèche, puisque l'action a été sursouscrite trente fois. Des chiffres extravagants, surtout pour une entreprise qui, à l'instar d'autres mastodontes de la Silicon Valley tel Amazon, n'enregistre à l'heure actuelle aucun bénéfice.
- Amazon rachète le Washington Post
Une tendance semble se dessiner outre-Atlantique, où plusieurs acteurs des hautes technologies s'intéressent à des titres de presse en difficulté. Dernière prise en date, et pas des moindres, le Washington Post a été racheté le 1er octobre par le patron d'Amazon, Jeff Bezos, pour 250 millions de dollars, une somme très modeste au vu de ce que valait ce titre à la fin des années 1990, soit plus de 1 millard de dollars. Fondé il y a cent trente-six ans, le journal était détenu et dirigé par la famille Graham depuis plus de quatre-vingts ans. Les bénéfices du groupe américain auquel le titre a longtemps appartenu ont fondu de 85 % au premier trimestre par rapport à la même période de 2012, à 4,7 millions de dollars (3,6 millions d'euros). Cette année aussi, un autre ex-géant de la presse, Newsweek, est passé pour une somme dérisoire dans le giron d'un petit diffuseur de médias fondé par un Français.
- Le boom de l'imprimante 3D
Ses détracteurs auront vite fait de dénoncer une invention à double tranchant. L'imprimante 3D, capable de sortir tout objet, généralement en plastique, pourvu qu'on en ait les plans, a envahi cette année les ateliers des geeks. De la prothèse médicale au pistolet rudimentaire, les applications, de la meilleure à la pire, sont quasi infinies. Réservées à l'origine à l'industrie et aux « fab labs », de petits laboratoires de fabrication, l'imprimante 3D devrait pénétrer de plus en plus dans les foyers, au risque d'être utilisée à tort et à travers.
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