Les États-Unis sont au coeur d'une crise financière majeure. Cette crise ne prend pas les allures du krach de 1929, mais elle provoque d'intenses inquiétudes parce qu'on ne sait pas où ça va s'arrêter et parce que les problèmes des marchés financiers vont aggraver une situation économique déjà pas très rose.
Et au Canada? La structure de notre secteur financier nous met à l'abri de la crise en tant que telle. Mais nous ne pourrons pas éviter ses effets collatéraux. Le Canada traverse déjà une période de ralentissement important, avec une croissance prévue de 1% cette année. Avec la crise américaine, le ralentissement risque d'être encore plus prononcé.
Cette incertitude additionnelle contribuera à ramener sur le tapis la question économique, jusqu'ici largement absente des débats électoraux. Un contexte qui, en général, interpelle surtout le parti au pouvoir. Que fera le gouvernement Harper dans la tourmente?
La réponse? Rien. Le gouvernement conservateur n'a pas l'intention d'intervenir. Ni même d'en parler. En fait, des mots comme récession, ou même ralentissement, ne traversent pas les lèvres du premier ministre Stephen Harper ou de son ministre des Finances, Jim Flaherty. C'est la loi du silence. On peut y voir un calcul électoral. Mais plus profondément, c'est l'expression d'une philosophie économique qu'il faut bien comprendre.
Au plan électoral, le parti gouvernemental risque toujours de souffrir des aléas de l'économie. Les conservateurs, comme ils l'ont fait dans bien d'autres dossiers, ont réagi en contrôlant le message, en refusant de prononcer les mots maudits, en refusant d'admettre l'existence d'un problème pour ne pas prêter flanc à la critique.
M. Harper et ses ministres ont même trouvé une autre expression pour dire les choses sans les dire. Ils parleront des «incertitudes économiques mondiales». Un charmant euphémisme qui permet la déresponsabilisation en faisant référence à des causes extérieures. Dans cette même logique, le ministre Flaherty, quand il évoque les facteurs économiques négatifs, parlera de la crise du logement aux États-Unis, de la flambée des prix du pétrole, de la volatilité des marchés mondiaux, mais sans dire un mot sur la hausse du dollar canadien.
Cette loi du silence s'explique aussi par le plan de match des conservateurs, qui ont axé leur campagne sur le leadership, sur le fait que le premier ministre Harper est le plus à même de diriger dans la tourmente. Cela le mène à privilégier un ton rassurant et responsable, à insister sur les nombreux aspects positifs de la situation économique canadienne, et surtout, à ne rien dire qui pourrait susciter l'inquiétude.
Au-delà du calcul électoral, il y a un choix politique plus profond. Bien des citoyens s'attendront à ce que le gouvernement fasse quelque chose pour combattre le ralentissement et peut-être, dans certaines provinces, la récession. Mais les conservateurs n'ont pas l'intention de bouger. «Nous ne voulons pas de mesures symboliques à court terme et nous ne voulons pas dépenser sans compter ni accumuler d'importants déficits», a dit le ministre des Finances. C'est une approche raisonnable, mais difficile à vendre dans un contexte électoral.
Comme le notent les conservateurs, la situation économique canadienne reste saine et ne justifie pas que l'on prenne les grands moyens. Nous ne sommes pas en crise comme les États-Unis, avec une baisse de la consommation et d'importantes pertes d'emplois. Le Canada souffre parce que ses exportations baissent, mais sa demande intérieure reste forte.
En outre, il est trop tard. Une intervention gouvernementale, par exemple une injection de dépenses ou des baisses d'impôt, n'aurait d'impact que dans un an ou deux, et donc quand les choses seront revenues à la normale. En fait, les conservateurs ont posé le bon geste il y a deux ans, en annonçant des baisses d'impôt dont l'impact se fait ressentir maintenant. Le hasard fait parfois bien les choses.
Mais il y a plus que cela. Les conservateurs n'ont pas, dans le sens propre du terme, de politique économique. Il est très clair, dans les propos du premier ministre, que le rôle du gouvernement dans l'économie se limite essentiellement à deux choses: bien gérer les finances publiques et réduire les impôts.
Ces objectifs sont louables. Mais il y a des problèmes que des baisses d'impôt ne règleront pas. C'est notamment le cas de la productivité canadienne, qui était déjà basse et qui, en plus, a commencé à baisser davantage. La compétitivité, et les pistes de solution, comme l'innovation, la recherche, la formation, l'éducation, représentent un enjeu majeur pour notre avenir.
Ces questions pourtant cruciales ne sont pas dans le radar conservateur. Voilà un dossier où le chef libéral Stéphane Dion pourrait marquer des points et où il aurait tout intérêt à intervenir.
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