La menace vient-elle d’Asie ou des régions ressources du Québec ?

17. Actualité archives 2007


Durant la dernière semaine de la campagne électorale, la coalition des entreprises manufacturières des régions centrales du Québec a fait paraître dans les deux quotidiens de la région de Québec une pleine page de publicité dénonçant l’aide du gouvernement du Québec accordée aux entreprises des régions ressources.
La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) déplore le caractère dramatique et nettement exagéré des attaques portées à l’encontre des mesures fiscales destinées à stimuler le développement économique des régions périphériques qui, sur ce plan, accusent depuis longtemps un retard significatif par rapport aux régions centrales et métropolitaines du Québec. La Fédération regrette que cette publicité contribue à exacerber les tensions entre les régions.
En 2001, le gouvernement a accordé des crédits d’impôt remboursables et des congés fiscaux aux entreprises qui investissent dans les régions dites ressources, dans la foulée de l’adoption d’une stratégie économique pour ces régions.
Concurrence déloyale?
La coalition des entreprises manufacturières des régions centrales estime que ces mesures induisent une concurrence déloyale dont souffrent les entreprises des autres régions. La publicité prétend que les régions centrales ont perdu 30 000 emplois (sous-entendu à cause de cette concurrence) ! La coalition réclame donc l’abolition immédiate de ces mesures fiscales (sauf pour les régions Nord du Québec et Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine).
La Fédération des chambres de commerce du Québec a beaucoup étudié les modes de soutien du gouvernement au développement économique des régions, notamment l’aide particulière offerte aux entreprises localisées dans les régions ressources. Nous en sommes arrivés à deux conclusions :
• Les mesures fiscales spécifiques aux régions ressources constituent des outils additionnels que le gouvernement offre exclusivement à ces régions afin de réduire l’écart qui sépare leur niveau de développement de celui des autres régions du Québec. La Fédération reconnaît que l’objectif poursuivi est légitime et que presque tous les gouvernements dans le monde pratiquent diverses formes de discrimination positive à l’égard des régions ou des personnes désavantagées.
• L’application de ces programmes pose certaines difficultés, notamment aux entreprises localisées dans les localités limitrophes. La Fédération exhorte donc le gouvernement à être vigilant afin d’éviter des déplacements d’entreprises. Elle demande également qu’un suivi et une évaluation serrés de ces mesures fiscales soient effectués afin d’avoir tout l’éclairage nécessaire. Il faut en effet savoir ce que ces programmes ont donné en terme de développement économique dans les régions ressources et les inconvénients réels qu’ils ont pu créer dans les autres régions afin de décider, en toute connaissance de cause, s’il faut les prolonger, les modifier ou les abolir.
Réévaluer les mesures fiscales
Le gouvernement a décidé de mettre sur pied un groupe de travail chargé d’examiner les mesures fiscales accordées aux régions ressources et à certains sites désignés (Cités du multimédia et du commerce électronique, notamment). Nous saluons cette initiative. On doit en effet évaluer ces mesures à partir des faits, de l’observation objective et non sur la base d’anecdotes, de perceptions ou de préjugés.
Parce que si le problème est mal posé, la solution qui sera avancée risque fort de ne rien régler. Oui, les entreprises manufacturières des régions centrales connaissent de sérieuses difficultés ces années-ci. C’est aussi le cas de tout le secteur manufacturier au Québec et au Canada. Depuis août 2002, ce secteur a subi une perte de 120 000 emplois au Québec. Il y a une forte présomption que les menaces à la concurrence des entreprises manufacturières de la Beauce viennent davantage de l’Inde et de la Chine que du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Bas-Saint-Laurent.
Il faut savoir aussi de quoi on parle
Bon an mal an, les entreprises manufacturières des régions ressources touchent environ 80 M $ en avantages fiscaux et que cette aide n’est pas accessible aux entreprises des autres régions. Ce n’est pas rien certes. Mais il faut mettre les choses en perspective. La valeur totale des expéditions du secteur manufacturier du Québec a atteint 136,7 milliards de dollars en 2005. On parle donc d’une aide gouvernementale qui affecte 6/100 de 1 % de la valeur des expéditions du secteur de la fabrication. Avec de telles données, il est difficile de soutenir que ces mesures ébranlent tout l’équilibre du secteur manufacturier québécois.
Le gouvernement a fait le pari qu’en aidant de manière spécifique les régions périphériques du Québec, il contribuerait à y accélérer le développement économique. Ce pari est loin d’être gagné. On peut certes entretenir le scepticisme ou critiquer telle ou telle mesure. Nous sommes cependant d’avis que le fait d’accorder une aide particulière à des régions désavantagées au plan économique se justifie.
Ce n’est pas en soit condamnable, en autant que les mesures d’aide aient pour effet d’appuyer des projets viables. Les écarts de développement entre les régions demeurent une réalité et cela devrait constituer une source de préoccupation, quel que soit l’endroit où l’on vit. Après tout, les populations des régions ressources ne doivent pas être considérées comme de simples fournisseurs d’énergie et de matière première servant à soutenir le développement industriel des régions centrales et métropolitaines.
La Fédération des chambres de commerce du Québec ne prétend aucunement que la stratégie économique des régions ressources est sans faille, que les mesures fiscales sont bien dessinées et qu’elles sont gérées et suivies avec la plus grande rigueur. Nous ne soutenons pas non plus que ces mesures sont intouchables. Nous insistons simplement sur le fait que l’évaluation de ces mesures doit se faire avec rigueur et transparence.
À plusieurs égards, les régions sont interdépendantes. On devrait donc s’employer à créer un climat qui favorise la collaboration entre les régions et éviter dans toute la mesure du possible d’attiser les rivalités interrégionales. Chaque région, chaque groupe, défend ses intérêts. C’est normal. Mais la démagogie est mauvaise conseillère et nous devrions nous en méfier.
Françoise Bertrand
Présidente-directrice générale

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)


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