Le débat sur la laïcité donne à penser qu’il s’agit d’une lutte à finir entre croyants et athées. Les thèmes les plus souvent abordés sont ceux des symboles qui affirment dans l’espace sociétaire les diverses appartenances religieuses. Ces symboles viennent heurter ceux et celles qui n’en ont rien à faire, se disant eux-mêmes non croyants. Serait-ce donc que la laïcité soit devenue le cheval de bataille des non-croyants contre ceux et celles qui se réclament d’une foi? Est-ce une lutte contre les religions ou est-ce une lutte contre la foi?
Je pense que la distinction entre religion et foi n’est pas uniquement de circonstance mais revêt, dans l’actuel débat, une importance capitale. Ici au Québec, notre histoire a été particulièrement marquée par la forme religieuse à l’intérieur de laquelle la foi de nos ancêtres s’est exprimée. Cette Église, avec son petit catéchisme, ses sacrements, sa morale et les humeurs de ses évêques et curés fait partie de l’histoire du Québec et sa présence, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, demeure incrustée dans nos valeurs culturelles. Il s’agit évidemment de l’Église catholique d’une époque remise en question tant par Vatican II que par la Révolution tranquille. Une Église qui ne saurait perdurer dans le temps comme si rien ne s’était passé. C’est dans ce contexte qu’il faut lever une confusion qui, à ne pas être clarifiée, risquerait d’entraîner le rejet du bébé avec l’eau du bain. La séparation de l’Église et de l’État dont nous débattons dans le cadre de la laïcité réfère surtout à cette Église institutionnelle dont les hiérarchies s’étaient liées aux pouvoirs politiques, judiciaires et économiques. Ils se rendaient tous de mutuels services, peu scrupuleux des alliances qui les éloignaient tous des véritables objectifs de leurs missions propres. Il n’est donc pas étonnant que l’on souhaite qu’il y ait à ce niveau séparation de cette Église et de l’État. Moi, comme croyant, je suis tout à fait d’accord avec les non croyants et les athées pour qu’il y ait cette séparation entre cette Église et l’État. Mais voilà que, dans mon esprit, la foi est quelque chose qui déborde de beaucoup l’Église institutionnelle et les cultes qui l’identifient comme religion. À ce sujet je pense que ceux et celles qui se disent chrétiens devraient se poser des questions sur la foi qu’ils professent et la religion qu’ils pratiquent.
Dans une réflexion sur cette relation de la foi et de la religion je pose ces questions aux croyants qui se disent « pratiquants ».
« Comment ne pas vous soumettre à un sérieux examen de conscience sur les véritables motifs qui alimentent la foi que vous confessez, la religion que vous défendez et les engagements que vous prenez? Êtes-vous les marionnettes d’une culture religieuse marquée par la moralité d’une époque ou plutôt les prophètes qui font tomber les masques de l’hypocrisie, de la manipulation et du mensonge pour mettre en évidence l’avènement de l’homme nouveau? Êtes-vous plus préoccupés par les attitudes humaines à prendre face à l’isolement et au rejet des laissés pour compte de la société humaine que par la moralité de certains comportements liés le plus souvent à des valeurs culturelles d’une époque ou d’une civilisation? Êtes-vous les apôtres de la foi qui sauve ou de la religion qui asphyxie? »
Par ces questions apparaît clairement que la foi ne peut être d’aucune façon détachée de la société dans laquelle vit le croyant ou la croyante. Au contraire, elle en est une inspiration qui rejoint inévitablement tous ceux et toutes celles, croyants ou pas, qui œuvrent dans le même sens. Lorsque je me retrouve sur des sites où l’information alternative permet de dissiper les écrans de fumée qui cachent la réalité, de lever les masques de ceux et celles qui s’évertuent à tromper, de questionner les religions et leurs fonctions dans la société, qui forcent la reconnaissance et la mise en valeur des personnes et des peuples, je ne me sens pas étranger, tout croyant que je suis, et loin de là.
Je crois que ce qui doit assurer la qualité des relations entre croyants et non croyants est cette option fondamentale de vie au service de ces valeurs en quête desquelles chemine toujours notre humanité. Un jour, dans un effort de faire ressortir le sens sacré de certaines de ces valeurs, dites profanes, j’ai voulu en faire des « sacrements de la vie ».
« Il y a le sacrement de la JUSTICE qui reconnaît que les richesses de la terre doivent être utilisées au bénéfice de l’ensemble de l’humanité, assurant les conditions de vie décente, l’éducation, les soins de santé, la paix pour tous et qui agit à travers hommes et femmes pour qu’il en soit ainsi. Il y a le sacrement de la VÉRITÉ qui soutient et encourage ceux et celles qui lèvent les voiles sur les hypocrisies, les mensonges, les manipulations pour laisser apparaître la transparence. Il y a le sacrement de l’HUMILITÉ qui rend possible des relations humaines qui valorisent et font grandir ses semblables tout en donnant la force de reconnaître ses erreurs. Il y a le sacrement de la MISÉRICORDE qui permet de faire revivre des relations blessées en pardonnant et en ouvrant à la réconciliation. Il y a le sacrement de la SOLIDARITÉ qui rapproche les personnes les unes des autres et qui permet d’être avec les plus délaissés. Il y a le sacrement de la FOI qui permet de reconnaître les lois fondamentales de la nature et le devoir de se mettre au service des valeurs humaines et spirituelles de chaque personne et de chaque peuple. Il y a enfin le sacrement de l’AMOUR qui unit les humains dans une relation qui les transforme en une communauté vivante et fraternelle. »
Je pense que croyants et non croyants ont à partager un terrain fertile pour donner suite à leurs rêves tout en travaillant main dans la main pour que ces rêves deviennent réalité. Nous sommes tous quelque part un peu croyants : certains en l’existence d’un Dieu, les autres en son non-existence. Dans les deux cas il faut croire qu’il en est ainsi. Par contre le monde qui nous interpelle attend de nous tous que nous nous engagions. C’est là le terrain qui met à l’épreuve la foi que nous professons.
Oscar Fortin
Québec, le 6 mars 2010
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Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
9 mars 2010Bravo m. Fortin.
Très beau texte!
Malgré que je me considère comme agnostique, je tente d'incarner, dans ma vie quotidienne, l'ensemble de vos sacrement de vie. Ces valeurs qui devraient être communes à quiconque se définit comme humaniste, devraient nous permettre de surmonter nos différends quand à l'expression de notre vouloir vivre ensemble.
Encore bravo, et j'espère que vous saurez trouver de nombreux disciples qui s'engageront à promouvoir l'ensemble de ces sacrements. Car, comme vous le dites si bien, il faut s'engager si nous voulons que ces sacrements progressent.
Archives de Vigile Répondre
9 mars 2010Le mot "foi" a été tellement galvaudé qu'on n'ose plus l'utiliser de crainte d'être mal compris. On préfère se soustraire à tous les usages religieux auquel ce mot peut se référer, en évitant tout simplement de l'utiliser.
L'important ce sont les valeurs fondamentales auxquelles nous adhérons au plus profond de notre être. C'est un peu l'exercice que je me suis appliqué à faire avec ces "sept sacrements de la vie". Aucun groupe religieux ou religions ne peut s'approprier, comme lui étant propres, ces valeurs qui appartiennent à l'humanité toute entière. En ce sens, M. Charbonneau a raison de relever que plusieurs pensent que les athées ou les non croyants ne partagent pas ces valeurs. Dans bien des cas ils sont en tête de ligne des combats à mener pour qu'elles deviennent réalité pour tous les humains. L'engagement demeure le lieu prévilégié pour y reconnaître les véritables valeurs que chacun porte avec lui. Il y a là matière à un sérieux examens de conscience de la part de bien des croyants et des églises quant à leurs leurs engagements en référence à ces valeurs.
Serge Charbonneau Répondre
9 mars 2010Croyant ou non, pour moi, vos sacrements, Monsieur Fortin, sont tout à fait les miens.
- Sacrement de la JUSTICE
- Sacrement de la VÉRITÉ
- Sacrement de l'HUMILITÉ
- Sacrement de la MISÉRICORDE
- Sacrement de la SOLIDARITÉ
- Sacrement de l'AMOUR
Et j'ajouterais le sacrement de La Terre (ou du respect de notre avoir collectif).
J'ai laissé tomber le sacrement de la FOI.
Que voulez-vous, j'ai des réserves sur la FOI.
Voyez-vous, je n'en ai pas.
J'ai toujours dit à mes enfants: la seule chose que nous pouvons être sûr, c'est qu'on est sûr de rien.
Je crois autant en dieu, qu'aux extra-terrestres. Je crois autant aux miracles, qu'aux auras et qu'à la télékinésie.
Je n'ai vraiment pas de croyance particulière. Je suis croyant en rien, c'est bien triste, mais c'est comme ça.
J'ai envie de dire que je suis croyant dans le cœur humain, mais parfois et même souvent l'Humain me donne l'impression de ne pas avoir de cœur.
Lorsque je vois l'Afrique ou le passé de l'Amérique latine, les guerres actuelles, les dépenses militaires et la misère si facile à atténuer si on y mettait autant de ressources que celles que l'on met à détruire et tuer…
C'est toujours un grand respire de sagesse lorsqu'on vous lit, Monsieur Fortin.
Trop souvent on insinue que les valeurs sont l'apanage des religions et par le fait même, les incroyants comme moi, sont des Êtres sans foi ni valeurs. Comme s'il était impossible d'avoir des valeurs "vertueuses" autres que religieuses.
Serge Charbonneau
Québec
Archives de Vigile Répondre
8 mars 2010La spiritualité chrétienne se veut une rupture avec l'idolâtrie, le sacré archaïque de lieux, de temps, d'objets et de personnes. Au début du christianisme, à Rome, on accusa les premiers chrétiens d'être athées parce qu'ils avaient en bonne partie désacralisé l'empire romain. Ils ne croyaient pas en ses divinités et rejetaient ses idoles. La force du christianisme a été de rappeler au monde où réside le vrai sacré, c'est-à-dire au cour de l'homme. Aujourd'hui, il est important de se le rappeler.