Parfois, le hasard fait bien les choses. Mardi dernier, le député péquiste Bernard Drainville, dans le cadre du débat existentiel qui déchire son parti, proposait un train de mesures pour redonner le pouvoir aux citoyens. C'est l'idée de référendums d'initiative populaire, qui permettraient à un groupe de citoyens d'imposer la tenue d'un référendum sur des enjeux politiques, qui a le plus retenu l'attention.
Ça tombe bien. Il y a justement eu un de ces référendums d'initiative populaire en Colombie-Britannique, pas plus tard que vendredi. Cela nous permet donc de voir, pas en théorie, mais de façon très concrète, comment ça fonctionne et ce que ça donne. La réponse? Le bordel.
Le référendum de Colombie-Britannique portait sur la taxe de vente harmonisée de 12% instaurée il y a deux ans par le gouvernement libéral, qui a décidé de remplacer la taxe de vente traditionnelle par l'équivalent de notre TVQ et de l'intégrer à la TPS fédérale. Cette réforme fiscale a suscité de vives réactions dans la province, ce qui a mené à ce référendum populaire où les citoyens, dans une proportion de 55%, ont voté pour l'élimination de cette taxe.
Ce résultat impose aux autorités un pénible et coûteux retour en arrière. D'ici 2013, le gouvernement de Victoria devra abolir cette TVH, revenir à l'ancienne taxe de vente et à la taxe aux manufacturiers, redonner à Ottawa les 1,6 milliard versés pour l'harmonisation, imposer aux entreprises une période de transition pénible, continuer à vivre avec un système fiscal archaïque, injuste et inefficace au plan économique. Un beau gâchis.
Ce choix collectif s'inscrit dans un contexte social et politique particulier. La colère des citoyens contre un gouvernement qui a annoncé l'instauration de la TVH quelques mois après avoir promis le contraire en campagne électorale. La curieuse hostilité, culturelle et idéologique, des Canadiens de l'Ouest et des Américains envers les taxes à la consommation. Les traditions politiques brutales de Colombie-Britannique.
Mais il y a autre chose. Et c'est le courant de la démocratie directe, plus fort dans les provinces de l'Ouest, qui repose sur l'idée que les décisions doivent venir d'en bas. Cette tendance s'est exprimée avec une vigueur particulière en Californie, où les politiques imposées par des référendums citoyens, incohérentes et mutuellement incompatibles, ont rendu l'État ingouvernable.
Ce courant populiste échoue maintenant sur nos rivages. Les propositions de M. Drainville, sur les référendums, sur un tribunal citoyen pour juger les députés, sur l'élection du premier ministre au suffrage universel, qui déstructurerait notre démocratie parlementaire, ont rapidement séduit un autre populiste, Pierre Curzi, qui a tendance à réagir avant d'avoir réfléchi.
Dans le cas du Québec, il est clair que les néo-populistes du PQ, quand ils parlent de formules référendaires, pensent d'abord au référendum sur la souveraineté. Ce serait pas mal pire que pour la TVH. Selon le scénario de M. Drainville, ce n'est pas le PQ ou le gouvernement qui déterminerait le moment d'un référendum, mais les «citoyens». Il suffirait que 15% des électeurs en décident ainsi. Dans les faits, il s'agirait des souverainistes plus durs qui sont peut-être assez nombreux pour imposer leur agenda, et plonger le Québec dans un débat déchirant qu'il ne veut pas. C'est plutôt de l'antidémocratie.
Il est important de travailler à rétablir la confiance envers les politiciens, à impliquer davantage les citoyens. Mais la démocratie directe a ses limites. On bascule dans le populisme quand on entretient l'illusion que les choses peuvent être gérées par en bas, que les problèmes se règleront si les gens contrôlent les gouvernements. On ne réussit qu'à affaiblir et à miner la crédibilité des institutions dont on a besoin. Si on ne fait pas attention, ça donne la Californie ou la Colombie-Britannique.
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