Durant la course à la chefferie du Parti québécois, le Directeur général des élections avait dû rappeler à Pierre Karl Péladeau qu’en démocratie, il est nécessaire d’imposer certaines limites au pouvoir de l’argent. N’ayant pas l’habitude de lésiner sur les moyens, M. Péladeau voulait assumer lui-même le coût de la location d’un avion, mais on lui avait expliqué qu’il devait être comptabilisé dans les dépenses autorisées par la loi.
Voilà maintenant que le chef du PQ voudrait assurer lui-même le gros du financement de l’institut de recherche qu’il s’est engagé à créer afin de renouveler l’argumentaire souverainiste. Le financement populaire qu’il avait évoqué ne suffit manifestement pas.
On peut comprendre son souci de donner suite à cet engagement, qui était le seul élément un peu concret de son plan pour réaliser la souveraineté, mais il aurait tout de même pu s’éviter le ridicule d’envoyer une mise en demeure à la CAQ, selon laquelle il commettrait un acte illégal en utilisant sa fortune personnelle pour financer le nouvel institut. S’il fallait que tous les politiciens qui accusent leurs adversaires de contrevenir à la loi soient poursuivis, les tribunaux seraient vite débordés.
La question soulevée par le député de Deux-Montagnes, Benoit Charette, est tout à fait légitime : dans quelle mesure un organisme financé en grande partie par le chef d’un parti politique, qui en recruterait lui-même les administrateurs, pourrait-il être considéré comme indépendant de ce même parti ? S’il s’agit d’une simple extension du PQ, comme le soutient la CAQ, la contribution de M. Péladeau devrait logiquement se limiter aux 100 $ autorisés par la Loi sur le financement des partis politiques. Le DGE a jugé la question suffisamment sérieuse pour s’en saisir.
Le PQ fait valoir avec raison que le camp fédéraliste dispose depuis plusieurs années d’un institut de recherche, baptisé « L’idée fédérale », qui s’emploie à faire la promotion du fédéralisme.
Ce think tank a le statut d’organisme de bienfaisance, ce qui permet à ses contributeurs de bénéficier de déductions fiscales, tant au niveau fédéral que provincial. Ces bailleurs de fonds demeurent anonymes et il n’y a aucun plafond à leur contribution.
Créée en 2009 sous l’impulsion d’André Pratte, alors éditorialiste en chef de La Presse, L’idée fédérale est maintenant dirigée par Patrice Ryan, militant libéral notoire qui est également membre de la commission politique du PLQ. Son conseil des gouverneurs est présidé par l’ancien premier ministre Jean Charest. L’organisme se décrit comme « un groupe non partisan de réflexion sur le fédéralisme », mais la proximité avec le PLQ saute aux yeux.
Depuis un demi-siècle, le PLQ a d’ailleurs été si étroitement associé à la défense du fédéralisme que faire la promotion de l’un revient presque à faire celle de l’autre. Il était donc dans l’ordre des choses que Martin Coiteux, qui a été directeur de la recherche à L’idée fédérale pendant des années, se lance en politique sous les couleurs libérales.
Le PQ s’insurge à l’idée qu’il puisse y avoir deux poids, deux mesures, alors que la finalité est très semblable, mais il aurait pu se simplifier la vie en agissant avec plus de finesse. Par exemple, en laissant au regroupement des Organismes unis pour l’indépendance (OUI) la paternité du nouvel institut, auquel M. Péladeau aurait alors pu contribuer à sa guise sans que personne puisse s’y opposer.
Le PQ aura beau dire qu’il a déjà pris ses distances, les propos que l’ancien député péquiste et bloquiste Daniel Turp, aujourd’hui conseiller de M. Péladeau, a tenus dans une entrevue au Devoir la semaine dernière ne sont pas de nature à rassurer la CAQ sur son caractère non partisan.
« Des études de qualité obligeront les tenants du statu quo qui dirigent le PLQ et les marchands d’illusions que sont devenus les réformateurs du fédéralisme de la CAQ à ne plus se contenter de clichés et de menaces pour s’opposer au projet d’indépendance et à démontrer les avantages du statu quo ou la faisabilité d’une réforme constitutionnelle », a-t-il expliqué.
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