Croteau, Martin - Craignant une montée de l'intolérance, les anglophones invitent la société québécoise à faire preuve d'ouverture à l'égard des nouveaux arrivants. Plusieurs intervenants du forum tenu en anglais, hier soir, ont d'ailleurs sévèrement critiqué la commission Bouchard-Taylor pour avoir servi d'exutoire au racisme.
Né au Québec, Harvey Goldman s'est dit inquiet de l'ampleur du débat sur les accommodements raisonnables. "Des gens ont utilisé cette commission comme plateforme pour des positions racistes, a-t-il dénoncé. Je suis très embarrassé, en tant que Québécois, de syntoniser CNN et d'y voir un reportage relatant le débat sur le porc dans une cabane à sucre."
Devant les 195 participants au forum, tenu hier soir au Palais des congrès, M. Goldman a invité les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor à distinguer les propos constructifs des propos intolérants entendus au cours des dernières semaines.
Natasha Mann est allée plus loin, qualifiant la commission de "contre-productive". La jeune femme, qui côtoie fréquemment des immigrants, estime que les Québécois n'ont rien à craindre d'eux. C'est pourquoi elle déplore la vaste consultation, qui a permis à plusieurs participants d'afficher ouvertement leur méfiance, voire leur mépris, à l'égard les nouveaux arrivants.
"Le programme de cette consultation n'a jamais affirmé l'intention d'éliminer le racisme, a-t-elle affirmé. Au contraire, elle l'a encouragé."
D'autres intervenants se sont dits étonnés de toute la commotion. C'est le cas de Mubarak Mohammad, étudiant au doctorat à l'Université Concordia. "Où est cette crise de société dont tout le monde parle? a-t-il demandé. Je n'ai jamais, jamais rien vu de tel. Il est déplorable que des gens utilisent ce débat pour diviser la société québécoise."
Mais si la discussion devait à l'origine porter sur les relations entre les Québécois et les minorités culturelles, il a été difficile d'esquiver le débat linguistique opposant les francophones aux anglophones, un débat particulièrement aigu à Montréal. Trois membres du Mouvement pour un Montréal français ont pris la parole - dans la langue de Molière - pour dénoncer le "bilinguisme institutionnel" du Québec.
"Comment voulez-vous aider les nouveaux arrivants à s'intégrer à la population québécoise s'ils ne connaissent même pas la langue publique commune?" a demandé Paolo Zambito, du MMF.
Mais certains anglophones ont rétorqué qu'ils en ont marre d'être traités comme des citoyens de second ordre à cause de leur langue. Wallace "Ted" Cash, par exemple, habite le Québec depuis sa naissance. "Même si ma famille est au Québec depuis les 1770, je me sens parfois comme un outsider, comme un "autre" ", a-t-il déploré.
Autochtones
La question autochtone a également fait surface, lorsqu'une intervenante a dénoncé le sort qu'ont réservé les Européens aux Amérindiens lors de leur arrivée sur le continent. Elle estime que les Québécois ignorent les injustices subies par son peuple. Car, en fait, ce sont eux, les immigrants. "Ceci est notre terre, a-t-elle lancé, vous êtes tous des squatters!"
Pour la deuxième fois en trois soirs, des militants du groupe "Personne n'est illégal" se sont rassemblés dans le Palais des congrès pour dénoncer la commission Bouchard-Taylor. Trois d'entre eux ont été arrêtés, mardi soir, pour voies de fait contre un policier. Cette fois, la manifestation s'est déroulée sans incident.
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