Les heurts s'intensifient au Caire et font 11 morts

Géopolitique — Proche-Orient


Samer Al-Atrush et Christophe de Roquefeuil
_ Agence France-Presse
_ Le Caire
Au moins onze personnes ont péri dimanche sur la place Tahrir au Caire, dont au moins quatre par balles réelles, dans des affrontements entre la police et des manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire, a constaté un correspondant de l'AFP.
Auparavant, Mohammed Fattouh, qui dirige un hôpital de campagne, avait affirmé à l'AFP avoir reçu trois nouveaux corps portant des traces de balles réelles, après que des médecins avaient rapporté la mort de quatre autres personnes, dont une par balle réelle et trois par asphyxie.
Dans la nuit, des affrontements violents se déroulaient toujours dans les rues menant au ministère de l'Intérieur, situé à proximité de Tahrir, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des protestataires lançaient des pierres et des cocktails molotov en direction des policiers, qui répliquaient avec des tirs de fusils et de balles de caoutchouc, a rapporté le journaliste.
En fin d'après-midi, les forces de l'ordre et plusieurs milliers de manifestants s'affrontaient pour le contrôle de l'emblématique place Tahrir, foyer de la révolte qui a provoqué le départ du président Moubarak en février.
La police anti-émeutes et la police militaire sont brièvement entrées sur cette place du centre de la capitale égyptienne, avant de refluer dans les rues adjacentes face à une vive résistance des manifestants.
«Trois personnes sont mortes d'asphyxie lors des affrontements» avec la police, a affirmé à l'AFP le docteur Abdallah Abdelrahmane, qui dirige un hôpital de campagne sur Tahrir.
Les manifestants ont réussi à progresser en lançant des cocktail molotov, face aux forces de l'ordre qui répondaient avec des tirs de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le gouvernement de transition du Premier ministre Essam Charaf tenait de son côté une réunion de crise dans l'après-midi sur les moyens de faire face à la situation.
Les heurts qui avaient commencé samedi matin se sont poursuivis dans la nuit avant de reprendre dimanche matin et s'insensifier dans l'après-midi, notamment aux abords du ministère de l'Intérieur, proche de Tahrir, rappelant les scènes de la révolte anti-régime du début de l'année, avec toutefois une moindre ampleur.
Un appel à une manifestation de masse a également été lancé pour la fin de l'après-midi dans la ville de Suez, sur la mer Rouge, où des affrontements ont déjà eu lieu samedi, selon un correspondant de l'AFP.
Des manifestants ont également défilé dans la ville d'Ismaïlia (nord), sur le canal de Suez, selon une source des services de sécurité, tandis que des milliers de personnes ont participé aux funérailles d'un jeune homme tué samedi à Alexandrie (nord), selon l'agence officielle Mena. Un autre avait également été tué au Caire.
Sur la place Tahrir, des groupes de manifestants scandaient des slogans hostiles au pouvoir militaire, réclamant la chute du maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis le départ du président Moubarak.
«Le Conseil des forces armées poursuit la politique de Moubarak, rien n'a changé après la révolution», a déclaré à l'AFP Khaled, 29 ans, alors qu'il installait une tente au centre de la place Tahrir. Dans l'après-midi, les forces de l'ordre ont détruit les campements au centre de la place.
«Le sang des Égyptiens ne sera pas versé en vain» et «À bas Tantaoui», scandaient également des manifestants hostiles à ce militaire septuagénaire, qui fut pendant vingt ans le ministre de la Défense de Hosni Moubarak et l'un de ses plus proches collaborateurs.
Au milieu des manifestants, un homme brandissait une pancarte couverte de sang.
Ces troubles ont relancé les craintes que les législatives qui doivent débuter le 28 novembre et s'étaler sur plusieurs mois ne soient marquées par des incidents et des violences.
Un membre du CSFA, le général Mohsen al-Fangari, a assuré que ces élections se tiendraient comme prévu.
«Nous n'allons pas céder aux appels pour reporter le scrutin. Les forces armées et le ministère de l'Intérieur sont capables d'assurer la sécurité des bureaux de vote», a-t-il déclaré.
Plusieurs personnalités politiques et des intellectuels, parmi lesquels l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei, ont publié un document demandant un délai supplémentaire pour ces élections, dans le cadre d'une révision du calendrier politique du pays.
Ils proposent d'avoir d'abord une assemblée constituante, puis une élection présidentielle et enfin des législatives.
Les militaires quant à eux ont décidé de mettre la présidentielle - à une date non encore fixée - à la fin de ce processus politique, et de ne rendre le pouvoir aux civils qu'une fois élu un nouveau chef de l'État.
À l'étranger, les ministres italien et allemand des Affaires étrangères, Giulio Terzi di Sant'Agata et Guido Westerwelle, ont exprimé leur «profonde préoccupation» face à cette situation et «invité toutes les parties à mettre un terme immédiatement aux actes de violences».


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