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Roberto Nieto et Sophie Toupin - Les auteurs ont passé la fin de semaine dernière au Zuccotti Park. Ils témoignent ici du mouvement Occupy Wall Street vu de l'intérieur.
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La décision d'occuper le Zuccotti Park, à deux pas du New York Stock Exchange et de Wall Street, n'était pas, pour le mouvement Occupy Wall Street, le fruit d'un hasard. La décision était stratégique. Ce parc, situé au coeur de l'empire et à proximité du lieu des anciennes Twin Towers, borde l'avenue emblématique de Broadway. Ouvert au public 24 heures sur 24, il appartient à un des plus grands groupes immobiliers des États-Unis.
Zuccotti Park n'est pas sous le contrôle de la Ville de New York puisqu'il est privé. La police du NYPD ne semble donc pas en mesure d'expulser ses occupants. Seul le propriétaire de la Brookfield Office Properties, une compagnie d'ailleurs d'origine montréalaise, aurait le droit de demander l'éviction. Pour l'instant, seules des considérations sanitaires ont été évoquées pour mettre un frein à cette occupation. Hier, l'entreprise a d'ailleurs décidé de reporter «le nettoyage» prévu, qui aurait forcé l'éviction des occupants.
En arrivant au parc, on voit d'abord une rangée de manifestants, pancartes à la main, sur le trottoir longeant l'avenue Broadway. Des gens s'alignent munis d'affiches, de pancartes, de bouts de carton, où l'on trouve des messages soulignant leur frustration, leur ras-le-bol du système: «I never met a person named Inc.», «We are not leaving», «Lost my job, found an occupation», «Jesus is also part of the 99 % » ou encore «It's time to rise up against corporate greed». [...]
Plusieurs manifestants ne proviennent pas des mouvements habituels ou de groupes organisés mais sont plutôt venus de manière spontanée, appelés par cette contestation sans leader qui dénonce les injustices de la société actuelle. Tous répondent à l'appel de ce cri de ralliement: «We are the 99 %.»
Depuis ses débuts et jusqu'à présent, on ne peut rattacher Occupy Wall Street à aucune tendance politique. On y retrouve des anarchistes, des marxistes, des socialistes, mais aussi des démocrates et de bons capitalistes. Le mouvement se dit composé de personnes autonomes, engagées dans la désobéissance civile non violente avec le désir de bâtir des solidarités basées sur le respect mutuel, l'acceptation et l'amour de son prochain. «De cet endroit que nous avons repris, nous disons à tous les Américains et au monde: "Assez! Combien de crises faut-il? Nous sommes les 99 % et nous avons décidé de bouger pour réclamer notre futur hypothéqué"», comme l'évoque un extrait des principes de solidarité d'Occupy Wall Street.
Le campement
Derrière la première ligne se trouve le campement permanent. Tandis que les manifestants meublant les lignes extérieures ne restent que quelques heures et puis quittent la scène, les campeurs forment la masse critique d'occupants plus permanents, dont la plupart dorment sur place. Au cours de cette fin de semaine de l'Action de grâce, le Liberty Square a sans doute accueilli plusieurs milliers de sympathisants de tous âges et quelques centaines de «campeurs occupants».
Le campement lui-même est autonome et roule sans arrêt depuis le 17 septembre. Quand on y pénètre, la vie et l'enthousiasme foisonnent. Cette effervescence permet d'oublier pour un temps la présence de milliers de policiers qui entourent la place — mais n'entrent jamais dans le campement. La tranquillité règne. On y trouve de longues tables sur lesquelles sont posés d'immenses bacs de nourriture gratuite, un centre des médias indépendants, un espace artistique, des tam-tam, une bibliothèque, des stands divers, un centre de recyclage, des équipes de nettoyage, etc. Pour couronner le tout, le site est alimenté électriquement par un camion de panneaux solaires. Tous les jours s'organisent des assemblées générales, des forums ouverts, des conférences et des rencontres de comités de travail. [...]
Le micro humain
Puisqu'un règlement municipal prohibe l'usage du porte-voix, les manifestants ont mis sur pied le «microphone humain». Son fonctionnement est simple: à tout moment, on peut entendre à voix haute: «Mic check» (test de son), suivi d'une réponse à l'unisson: «Mic check.» Ce système basé sur la répétition collective permet de diffuser un message à voix haute, et ce, dans tout le campement. Les messages sont parfois répétés en vagues.
La technique semble moyenâgeuse, mais elle est efficace!
Pour accélérer le processus, certaines réunions nocturnes utilisent un projecteur pour diffuser sur un écran les transcriptions des discours et autres messages qui doivent être diffusés, un support visuel qui rend non seulement le processus plus efficace, mais également plus inclusif. L'interprétation en langage des signes est également présente lors des rassemblements. [...]
Des relations paisibles avec le NYPD?
Maintenir une telle communauté ouverte pose évidemment sa part de défis. Le comité de désamorçage de crise assure une certaine paix. À quelques reprises samedi dernier, des personnes agressives ont dû être calmées. Si une certaine crainte règne quant à la présence d'agents provocateurs dans le campement, il semble que jusqu'ici la sauce n'ait pas pris... Les «agents de désamorçage de crises» sont patients et n'hésitent d'ailleurs pas à souligner que, dans l'éventualité de violence physique, ils feront appel à la police.
Malgré des arrestations massives (comme celle des 700 marcheurs sur le pont de Brooklyn) et une répression des marches d'Occupy Wall Street en dehors de Liberty Square, le NYPD n'entre pas dans le campement. Ses agents de relations communautaires ne quittent pas les trottoirs qui bordent le campement et y assurent une circulation fluide. Ils empêchent aussi toute installation plus permanente sur le trottoir, arrêtent tout individu qui s'endort sur le trottoir et n'entrent pas en conflit avec les occupants. [...]
Occupy Wall Street se considère lié aux autres mouvements planétaires qui ont émergé au cours des dernières années: les indignés de l'Espagne, la révolution de la place Tahrir, la Tunisie, la Grèce. Alors que se tient à compter d'aujourd'hui le mouvement Occupons Montréal, au square Victoria, on ne peut qu'espérer l'émergence d'un mouvement avec ses propres particularités québécoises qui montrera, nul doute, autant de créativité, d'effervescence et d'enthousiasme.
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Roberto Nieto et Sophie Toupin
Occupy Wall Street
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