Les obscurantistes

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Le Canada du Moyen-Âge

Ce n'est ni ce que vous dites ni ce que vous faites qui compte, c'est ce que les gens entendent...
Cet adage du consultant républicain Frank Luntz, invité à Ottawa par les conservateurs en 2006, s'applique à merveille au traitement qu'ont réservé jusqu'ici les budgets Flaherty à la science.
Derrière de beaux discours, derrière la création d'un «fonds d'excellence» et l'accent mis sur la recherche postsecondaire «stratégique», les conservateurs livrent, dans les faits, une véritable guerre à la science comme principal pilier de la prise de décision gouvernementale.
En façade, les conservateurs sont inattaquables. Ils ont augmenté les budgets scientifiques et technologiques. Ils ont haussé le financement de la recherche postsecondaire. Ils ont annoncé, mardi, la création d'Apogée Canada, un fonds de recherche qui réjouit les universités.
Mais derrière ces gestes en faveur d'une science utile et profitable à l'industrie se cache une panoplie de coupures, d'abolitions et de fermetures qui révèlent un plus sombre dessein.
Il suffit d'observer l'agitation du milieu scientifique, qui a osé prendre la rue pour la première fois à l'été 2012, de parcourir les virulentes critiques des médias internationaux comme Nature, ou de lire le très bon livre Science on coupe! (publié ces jours-ci chez Boréal) pour comprendre ce qui se trame en coulisses.
Sous couvert de nécessité financière, écrit l'auteur de l'essai, Chris Turner, le gouvernement Harper réécrit la totalité du contrat passé entre le scientifique et le politique, un contrat qui voulait que les lois et décisions s'appuient sur la science, sur les données, les preuves, les statistiques.
D'un côté, le fédéral finance la recherche qui rapporte, ce qui est une bonne nouvelle en soi, mais de l'autre, il élimine la science qui agit comme chien de garde, la science qui recommande, surveille, vérifie. Il réserve ainsi aux scientifiques à l'emploi de l'État le même sort qu'aux autres contrepouvoirs qui peuvent se retourner contre lui, que ce soit les agents du Parlement, le Conseil national du bien-être social ou les groupes écolos.
On l'a vu avec la mise en tutelle des scientifiques par le politique, l'élimination du questionnaire détaillé de Statistique Canada, la disparition du Bureau du conseiller national des sciences, l'abolition de nombreux organismes comme la Table ronde nationale sur l'environnement, le rejet de preuves scientifiques, le refus de financer la Fondation canadienne pour les sciences du climat, les fermetures de centres de recherches et de bibliothèques scientifiques (dont on a jeté le contenu aux rebuts), etc.
Or, ces changements ne sont pas que des modifications ponctuelles. Ce ne sont pas que des gestes partisans que pourra renverser le prochain gouvernement. C'est une remise en question des fondements mêmes de l'État.


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