Les politico-fluides

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« Si les identités sexuelles explosent, pourquoi pas les convictions politiques ? »

Ils se promènent d’un parti à l’autre, changent d’idées comme de chemises, voguent au gré du vent, cognent à toutes les portes et bouffent à tous les râteliers.


Et pourquoi pas ? On vit à une époque fluide.


Non binaires, non genrés, des seins et un pénis, des pectoraux et un vagin, une barbe et un soutien-gorge, Chantal lundi et Georges le mardi.


Si les identités sexuelles explosent, pourquoi pas les convictions politiques ?


SE BAGOSSER UNE IDÉOLOGIE


Avant, les partis politiques étaient des magasins à grande surface. On y trouvait tout ce qu’on cherchait.


Maintenant, on achète notre pain à la boulangerie, notre steak chez le boucher, notre gruyère à la fromagerie, notre poulet à la rôtisserie, nos légumes à la ferme, notre thon chez le poissonnier, nos pommes au verger et nos fleurs à la serre.


On peut être économiquement de droite, socialement de gauche, libéral pour l’emploi, caquiste pour l’identité, conservateur pour le système de justice, solidaire pour le salaire minimum, péquiste pour la langue et vert pour l’environnement.


« Socialiste d’esprit, communiste de cœur et capitaliste de poche », comme disait Yvon Deschamps en 1972.


Même le Bloc se disloque !


Terminés, la pensée en kit et le « One Size Fits All » idéologique. Aujourd’hui, chacun se tricote une pensée à sa mesure. On butine, on recycle, on magazine, nos convictions politiques sont aussi variées et bariolées que nos goûts musicaux et nos tenues vestimentaires.


Comme des DJ, nous mixons les idées et les concepts. On fusionne, mélange, entremêle, entrelace, enchevêtre, assemble, emmêle. Comment pouvez-vous passer toute votre carrière dans un seul parti, dans ces conditions ?


Même les notions de couple, de fidélité et de monogamie sont de plus en plus remises en question !


L’ÈRE JURASSIQUE


Avant, il y avait les gens qui écoutaient Radio-Canada et ceux qui écoutaient Télé-Métropole. Et jamais ces gens ne se mélangeaient. Aujourd’hui, il n’y a plus de public captif. Nous zappons, nous surfons.


Voilà pourquoi les gens se désintéressent de plus en plus de la politique, je crois : applaudir tout ce que le chef dit, respecter la ligne de parti, ne jamais reconnaître la moindre qualité à tes adversaires, interdire le vote libre, défendre toutes les propositions avancées par ta formation, même celles qui te paraissent maladroites et mal avisées — tout ça semble sorti d’un autre âge, d’un autre millénaire...


Tout a changé, au cours des 20 dernières années, mais on continue de faire de la politique comme on en faisait il y a 200 ans... Tout ça nous paraît diablement poussiéreux. La politique nous fait croire qu’un seul et unique parti peut répondre à toutes nos questions et à toutes nos aspirations. Qui croit ça, de nos jours ? Personne. L’être humain n’a jamais été aussi volage, aussi curieux, aussi libre. Et il faudrait être politiquement fidèle ?


SINGULIER / PLURIEL


« Si tu es un jeune gai dans le monde des affaires et passionné d’environnement, tu seras membre d’une association LGBT, de la Jeune chambre de commerce et d’Équiterre, pas d’un parti politique », a dit un jeune militant libéral à L’actualité.


C’est exactement ça.


L’époque se conjugue au pluriel, alors que la politique vit encore à l’ère du singulier...