Les routes fissurées, c’est fini en Ontario

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Il est temps de mettre fin à la mafia de l'asphalte en mettant en oeuvre des mesures contraignantes pour l'industrie


OTTAWA | Fatiguée de voir du pavage flambant neuf craquer après trois ans, la province de l’Ontario a pris le taureau par les cornes en 2017 et a mis en place une série de nouvelles exigences qui feront des jaloux chez les automobilistes québécois.  


Finis l’asphalte usagé ou des restants d’huile à moteur usée qui se trouvent dans les pavages flambants neufs en Ontario. Finis aussi, certains tests qu’on croyait utiles, mais qui laissaient finalement passer des ingrédients de basse qualité.   


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Une série d’enquêtes ainsi qu’un rapport dévastateur de la vérificatrice générale de l’Ontario en 2016 ont révélé que certaines routes fraîchement revêtues étaient déjà à refaire un à trois ans plus tard.   


« C’était devenu évident qu’on avait un problème. Certaines directions régionales remarquaient que le bitume qu’ils recevaient, qui devrait normalement être noir et collant, était plutôt gris et collait très peu », explique Becca Lane, directrice du bureau du génie des matériaux et de la recherche du ministère des Transports de l’Ontario (MTO).   


Les raisons étaient multiples, selon Mme Lane :


L’Ontarien Gilles Pilon pilote un traversier qui relie Thurso à la cité de Clarence-Rockland. Il entend toutes sortes d’histoires peu flatteuses concernant nos routes. 


Grands changements  


Le ministère a donc imposé une série de nouvelles normes dans les deux dernières années, dont une interdiction d’utiliser de l’asphalte recyclé ou des dérivés d’huile à moteur usée dans les nouveaux mélanges.   


On a également introduit un nouveau test où on refroidit un échantillon d’asphalte pendant 72 heures pour reproduire des conditions hivernales. On l’étire ensuite pour voir s’il se fissure. Avant, le MTO ne refroidissait l’échantillon que pendant une heure, comme c’est le cas au Québec.   


« Tout le monde passait le test [...] On a réalisé qu’il était inutile », explique Mme Lane.   


Le résultat ? Des nouvelles routes impeccables à quasiment le même prix, dit l’experte du MTO.   


« Nous nous attendions à devoir payer davantage pour l’asphalte. L’industrie nous avait dit que si nous imposions ces tests, les produits nous coûteraient beaucoup plus. Mais on s’est dit : remplacer une route trois ans après l’avoir refaite, c’est cher ! On voulait revenir à l’ère où nos pavages duraient 15 ans, même si ça nous coûtait plus cher », dit-elle.   


« Tout ce que tu payes dès le départ sera toujours moins que le coût de refaire une chaussée au complet plus tard [...] On s’attendait à ce que le coût de l’asphalte augmente, et finalement ça n’a pas été le cas », révèle Becca Lane.   


Du pavage flambant neuf... et lézardé au Québec   


Le ministère des Transports du Québec (MTQ) constate aussi un problème croissant de fissuration dans les revêtements neufs, tout comme l’Ontario il y a quelques années.   


« Ce n’est peut-être pas de façon aussi généralisée, mais il y a certains cas où on a vu apparaître de la fissuration », concède Michel Paradis, directeur de la direction des matériaux d’infrastructures au MTQ.   



Sonia Duval, Normand Ranger et Rhéal Thibodeau, qui habitent en Ontario, aiment rouler à moto au Québec pour la beauté des paysages. Ils ont toutefois appris à éviter certains secteurs pour des raisons de sécurité.<br>

Photo Guillaume St-Pierre

Sonia Duval, Normand Ranger et Rhéal Thibodeau, qui habitent en Ontario, aiment rouler à moto au Québec pour la beauté des paysages. Ils ont toutefois appris à éviter certains secteurs pour des raisons de sécurité.




Les problèmes seraient surtout causés par un surchauffage de l’enrobé, dit-il.   


« Si on chauffe le bitume au-dessus de 170 degrés, il va perdre ses propriétés qui lui permettent de résister aux différences de température. Donc s’il fait froid et quelqu’un à l’usine décide de chauffer le bitume à 200 degrés pour qu’il arrive au chantier à 170 degrés, ça va être catastrophique. On parle d’une durée de vie qui va être coupée par six », estime M. Paradis.   


C’est cette leçon que le MTQ martèle maintenant chez les entreprises et les travailleurs de la construction.   



Josée et Luc Chalifoux réduisent leur vitesse lorsqu’ils roulent au Québec afin d’éviter les nids-de-poule qui tapissent la chaussée.

Photo Guillaume St-Pierre

Josée et Luc Chalifoux réduisent leur vitesse lorsqu’ils roulent au Québec afin d’éviter les nids-de-poule qui tapissent la chaussée.




Toujours du recyclé  


Contrairement à l’Ontario, le MTQ permet jusqu’à 20 % d’asphalte recyclé dans les nouveaux revêtements. L’addition de dérivés d’huile à moteur usée est aussi permise, mais en très petites quantités.   


Selon Michel Paradis, cela ne réduit pas la qualité de l’asphalte si le mélange est fait correctement.   


« Si on ne recycle pas nos vieux pavages, il faut les envoyer à des sites spécialisés en la matière, et ça coûte extrêmement cher », explique-t-il.   


« Quand on utilise le recyclé, il faut que ce soit bien fait [...] On peut avoir un excellent enrobé en laboratoire, mais s’il est mal produit ou mal posé, on perd toutes les qualités de l’enrobé », continue-t-il.   


Le ministère a donc mis en place une équipe qui s’assure que la pose de l’asphalte est effectuée correctement.   


Cette année, le Québec est devenu la première province canadienne à imposer une nouvelle norme plus sévère pour le bitume sur l’ensemble de son territoire.   


« Les bitumes devront être plus performants au niveau de la déformation en général. On a aussi ajouté une catégorie qui représente le niveau de sollicitation de la route » et qui se reflétera dans le choix du bitume, résume le directeur du MTQ. 


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